par The Cradle
En 2006, Israël a cru capturer le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Mais ils n’ont appréhendé qu’un plâtrier du même nom lors d’une opération ratée vite devenue un sujet de moquerie.
Les forces israéliennes ont récemment enlevé un capitaine de navire libanais en raison de ses prétendus liens avec le Hezbollah, une allégation démentie par sa famille et par le mouvement de résistance libanais. L’enlèvement d’Imad Amhaz fait-il partie d’une série d’opérations israéliennes ratées ?
Les détails entourant l’enlèvement par Israël du capitaine maritime libanais Imad Fadel Amhaz à Batroun, une ville côtière du nord du Liban, demeurent lacunaires et peu clairs. Tel Aviv prétend que Amhaz était un agent du Hezbollah, mais le mouvement de résistance libanais a fermement nié tout lien avec ce dernier. La question demeure : qui est exactement Imad Amhaz, et pourquoi a-t-il été enlevé ?
Au début du mois, un commando de 25 membres de l’unité d’élite israélienne «Shayetet 13» a effectué un raid maritime, enlevant Imad Amhaz dans un appartement de Batroun. Ses ravisseurs pensent que Amhaz est très compétent dans son domaine, et qu’il pourrait être impliqué dans la guerre de l’information contre les forces d’Israël, en étudiant les capacités de l’ennemi sur terre, en mer et dans les airs. Cependant, les autorités libanaises ne sont pas convaincues par ces affirmations, aucune preuve concrète ne permettant de le relier à de telles activités.
Le chef adjoint du conseil politique du Hezbollah, Mahmoud Qamati, a rejeté toute allégation d’affiliation d’Amhaz au mouvement de résistance libanais. De même, le père d’Amhaz, Fadel Amhaz, insiste sur le fait que son fils est un capitaine maritime civil qui se trouvait à Batroun pour suivre des cours de routine à l’Institut des sciences de la mer de Mersati.
Une vie en danger
Depuis 2013, Fadel Amhaz y a suivi plusieurs sessions de formation, travaillant à bord de navires civils qui transportent généralement du bétail ou des voitures, loin de tout engagement politique.
«Il passe la plupart de son temps en mer, n’est affilié à aucun parti politique et évite tout simplement la politique. Il est marié, père de trois enfants, et subvient aux besoins de ses parents», a déclaré son père.
L’enquête menée par les forces de sécurité libanaises a révélé que l’armée israélienne a bombardé l’immeuble où vivait Amhaz à Qmatiyeh, dans le Mont-Liban. Mais Amhaz ne se considérait pas comme une cible et a rapidement déplacé sa famille (sa femme et ses trois enfants) dans un appartement du quartier de Jnah, croyant sincèrement que l’appartement visé abritait un responsable du Hezbollah – d’où le bombardement.
Il est également apparu que des appels provenant de numéros étrangers, y compris israéliens, ont été passés sur le téléphone d’Amhaz, mais qu’il n’y a pas répondu, les considérant comme des spams. Aucun de ces incidents n’a incité Amhaz à se considérer comme une cible potentielle ou à prendre des mesures de sécurité, et il a continué à vivre dans un appartement loué à quelques dizaines de mètres de la mer.
Les théories du complot
Les raisons de ce kidnapping par Israël restent mystérieuses, tout comme le rôle éventuel d’Amhaz dans ce mystérieux jeu d’espionnage. L’enlèvement a toutefois suscité l’indignation au Liban, beaucoup reprochant au contingent allemand des forces de maintien de la paix des Nations unies (FINUL) de ne pas avoir surveillé les frontières maritimes du pays contre l’infiltration d’un commando étranger – ou pire encore, l’accusation plus grave de se coordonner directement avec les forces israéliennes.
Un porte-parole de l’ONU, cité par la chaîne saoudienne Asharq News, a écarté cette possibilité :
«La FINUL n’est pas impliquée dans la facilitation d’un enlèvement ou de toute autre violation de la souveraineté libanaise».
Le père de Amhaz tient cependant le gouvernement libanais et les forces allemandes pour responsables d’avoir permis l’enlèvement de son fils. Il demande instamment au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et à la FINUL d’intervenir et d’assurer le retour de son fils en toute sécurité.
En l’absence de toute information concluante de la part du Hezbollah ou des autorités libanaises, plusieurs théories circulent. L’une d’entre elles, évoquée par The Telegraph, quotidien britannique pro-israélien connu pour ses articles mensongers sur le Liban, suggère que Amhaz pourrait être un «agent double» dont l’enlèvement serait une tentative dramatique d’Israël pour le protéger.
Enlèvement de «Hassan Nasrallah» et autres bévues
Le recours de Tel-Aviv à de tels raids secrets n’est pas nouveau. En avril de cette année, un escadron de la mort israélien s’est infiltré au Liban pour prendre pour cible un cambiste, Hussein Srour, accusé de transférer des fonds du Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran (CGRI) vers Gaza. Le commando a attiré Srour dans une villa du Mont-Liban, Beit Mery, où il l’a kidnappé, torturé, interrogé et finalement exécuté, tout en enregistrant l’acte macabre pour ses supérieurs en Israël.
En 2006, pendant la guerre d’Israël contre le Liban qui a duré un mois, les forces d’occupation ont fait une incursion à Baalbek et pensaient avoir capturé le défunt secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avant de découvrir qu’il s’agissait d’une erreur d’identité. En fait, les Israéliens ont découvert qu’ils avaient appréhendé un plâtrier portant le même nom lors d’une opération ratée qui est rapidement devenue un sujet de moquerie. Ils l’ont relâché peu après.
En septembre 1997, 17 soldats israéliens de l’unité Shayetet 13 susmentionnée se sont infiltrés dans la ville d’Ansariya, dans le sud du Liban, pour kidnapper l’officier supérieur du renseignement du Hezbollah, Hussein Ali Hazimeh, également connu sous le nom de «Hajj Murtada».
Mais le Hezbollah, averti par des images de drones interceptés, leur a tendu une embuscade très élaborée. Lorsque les commandos israéliens sont tombés dans le piège, les résistants libanais ont ouvert le feu, tuant 11 d’entre eux, tandis que les six autres se sont échappés de justesse.
Le Mossad israélien a également procédé à des enlèvements au-delà des frontières du Liban. En octobre 2021, ils ont enlevé un officier du CGRI à la retraite à Damas, alors qu’il se promenait près de l’ambassade d’Iran dans la capitale syrienne. Transporté à Tel-Aviv pour y être interrogé, il a ensuite été relâché en Afrique du Sud.
À l’époque, le Mossad recherchait activement des informations sur le pilote israélien disparu Ron Arad, dont l’avion avait été abattu au-dessus du Liban en 1986. Le Premier ministre israélien de l’époque, Naftali Bennett, a admis par la suite que l’opération d’enlèvement en Syrie n’avait apporté aucune nouvelle information, bien que le général iranien ait été soupçonné de détenir des informations cruciales.
Dans un autre épisode obscur, des agents des renseignements israéliens ont enlevé un ingénieur agronome libanais au Cambodge, le soupçonnant d’avoir des liens avec le Hezbollah. Là encore, après des interrogatoires intensifs et manifestement infructueux, il a finalement été libéré en Thaïlande.
La stratégie navale du Hezbollah sous surveillance
Quant à Imad Ahmaz, le journal israélien Maariv rapporte que le capitaine kidnappé présente une «grande valeur en termes de renseignements» et affirme que sa capture pourrait perturber les activités de l’unité navale du Hezbollah – un bras militaire stratégique qui pourrait menacer les gisements de gaz offshore d’Israël.
Selon Maariv, le Hezbollah a identifié les plates-formes comme étant des cibles légitimes et a développé des capacités offensives avancées – y compris des missiles côtiers et des drones – pour attaquer les principaux actifs énergétiques d’Israël. Mais même si ces affirmations sont vraies, le rôle de Amhaz ne serait ni unique ni crucial – il s’inscrirait simplement dans une lutte plus vaste et permanente pour la défense du Liban.
Compte tenu de sa longue histoire d’enlèvements ratés, comment Israël justifiera-t-il l’enlèvement d’Amhaz s’il s’avère qu’il n’est effectivement pas lié au Hezbollah ? Le Mossad déposera-t-il Amhaz aux Seychelles ou au Costa Rica lorsqu’il se rendra compte qu’il n’est rien d’autre qu’un capitaine de navire ?
Plus important encore pour le Liban, que feront une FINUL complice et une armée libanaise passive pour faire face aux opérations commando étrangères illégales à l’avenir, une fois que la vérité sur cet enlèvement aura été révélée et que les responsabilités auront été établies ?
source : The Cradle via Spirit of Free Speech