En préambule de chaque discours politique figure la mention « seul le prononcé fait foi ». En l’occurrence, Michel Barnier a pris quelque peu de distance avec le texte de son discours lors de sa déclaration de politique générale prononcée cet après-midi devant une Assemblée nationale très fragmentée et agitée. Alors que le texte initial ne mentionnait pas du tout les éoliennes et n’évoquait que les énergies renouvelables dans leur globalité, le nouveau Premier ministre s’est autorisé une précision, loin d’être anodine. Ce dernier a d’abord plaidé pour poursuivre « résolument le développement du nucléaire » et ensuite pour « le développement des énergies renouvelables », mais « en mesurant mieux, dans certains cas, je pense aux éoliennes, tous leurs impacts », a-t-il pris le soin d’ajouter.
Un discours « stigmatisant » selon Anne Bringault, directrice des programmes au sein du Réseau action climat (RAC), qui se dit « très inquiète » pour la transition énergétique et écologique. La question des éoliennes est devenue « un totem politique, ce qui est très regrettable », abonde Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting. « On y voit clairement un signal politique adressé à une partie de l’Assemblée nationale », réagit, pour sa part, Jules Nyssen, à la tête du Syndicat des énergies renouvelables (SER), en faisant référence aux députés Les Républicains (LR) et du Rassemblement national (RN), connus pour leur soutien à l’atome civil et leur grande frilosité à l’égard des énergies renouvelables intermittentes, et en particulier des éoliennes.
Le RN favorable à un moratoire sur l’éolien
Mattias Vandenbulcke, directeur de la stratégie de France renouvelables, l’association qui fédère les acteurs de la filière, estime que cette « charge contre l’éolien », illustre de « façon très limpide la tutelle du RN ». Et pour cause, lors de la précédente campagne pour les élections législatives, le parti d’extrême droite a largement défendu un moratoire sur les éoliennes. Et si l’idée de démanteler certains parcs déjà installés avait été écartée au printemps dernier, après avoir été défendue lors de la campagne présidentielle de 2022, celle-ci a refait surface à la rentrée.
En effet, dans un livret économique, publié début septembre, le RN indique vouloir arrêter le développement des éoliennes terrestres, mais aussi vouloir procéder au démantèlement de certains parcs éoliens « mettant en cause le patrimoine naturel ou historique ». Selon le député Jean-Philippe Tanguy (Somme), contacté par la rédaction, les parcs visés représenteraient une « puissance installée marginale ». Cela se compterait en mégawatts (MW) et non en gigawatts (GW). Une part « symbolique », selon Jean-Philippe Tanguy.
« Le discours de Michel Barnier et ce commentaire ciblé sur l’éolien, illustre le fait que, sur les questions de transition énergétique, Les Républicains sont aspirés par les lignes populistes du RN sur les énergies renouvelables électriques », regrette Mattias Vandenbulcke. « Les Républicains ne sont pas en reste sur l’éolien terrestre. Et ce, par effet de mimétisme », confirme Nicolas Goldberg. Cette prise de position du chef du gouvernement n’est donc pas une surprise. D’autant qu’en 2022, lors des primaires du parti LR, l’ancien ministre de l’Environnement n’a jamais caché son désamour pour les éoliennes, rappelle également Anne Bringault.
Opposition des énergies renouvelables au nucléaire
Alors que Michel Barnier a dit vouloir valoriser davantage la « biomasse pour décarboner efficacement la production de chaleur et de gaz », l’association France renouvelables, qui ne représente que les acteurs des énergies renouvelables électriques, regrette que l’accent soit porté uniquement sur la chaleur renouvelable.
« Il y a une volonté de faire le tri entre ce qui serait les bonnes et les mauvaises énergies renouvelables », estime Mattias Vandenbulcke. « Les bonnes énergies renouvelables seraient celles qui ne sont pas en opposition théorique et même idéologique avec le nucléaire. Or, il est évident qu’il n’est pas opportun, techniquement comme politiquement d’opposer le nucléaire et les énergies renouvelables électriques, car seule l’électrification de nos usages permettra de faire baisser la dépendance de la France au importation d’énergies fossiles », poursuit-il.
Tous les scénarios du gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE intègrent ainsi un développement soutenu des énergies renouvelables, y compris des éoliennes, au côté du nucléaire. En effet, l’électrification massive des usages requiert une production accrue de courant, qui ne pourra être assurée par les seuls nouveaux réacteurs nucléaires, dont la mise en service n’interviendra pas avant 2035-2037 selon les calendriers les plus optimistes…
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