Washington, qui affirme se démener depuis des semaines pour parvenir à une trêve aussi bien à Gaza qu’au Liban, met une fois de plus son véto à une résolution de cessez-le-feu “immédiat, inconditionnel et permanent”, accompagné par “la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages”. Tandis que les États-Unis essuient les critiques du Hamas et les remerciements de Tel Aviv pour son opposition au Conseil de sécurité, l’armée israélienne poursuit ses opérations dans le nord de Gaza. Des bombardements dans la nuit de mercredi à jeudi ont fait au moins 68 morts. La Cour pénale internationale a émis hier des mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et le dirigeant du Hamas Mohammed Deïf.
Tsahal mène depuis le 5 octobre dernier une opération au nord de l’enclave palestinienne, particulièrement à Beit Lahiya, Djabalia et Beit Hanoun. Officiellement, l’armée israélienne affirme sa volonté “d’empêcher le regroupement de combattants du Hamas”. La semaine dernière, la défense civile évoquait un chiffre de 1 300 morts en un mois, précisant que beaucoup de corps restaient encore sous les décombres.
Plus de 70 morts en 2H, de nombreuses victimes sous les décombres
Ce bilan s’est alourdi cette semaine, aussi bien dans cette région de Gaza que dans son sud. L’armée israélienne a bombardé dans la nuit de mercredi à jeudi un quartier résidentiel peuplé à Beit Lahiya. Les médias gazaouis font état de 66 morts au moins, soulignant que de nombreuses victimes se trouvent sous les décombres des bâtiments pulvérisés. D’autres bilans diffusés dans la journée de jeudi avançaient des chiffres plus en plus élevés au fil des heures.
Selon Houssam Abou Safiya, le directeur de l’hôpital Kamal Adouane à Beit Lahiya, au moins 200 personnes vivaient dans le quartier bombardé et beaucoup d’entre elles avaient disparu. En outre, parmi les blessés qui parvenaient à atteinte l’hôpital, beaucup succombaient à leurs blessures, faute d’équipements et de chirurgiens.
Les Palestiniens accusent Israël de détruire des centaines de maisons et de vider la région de sa population pour créer une zone tampon. Outre cette campagne au nor, Tsahal mène également des bombardements au centre et au sud de Gaza. Deux personnes ont été tuées dans le camp de Nousseirat, dans le centre du territoire, et trois autres à Rafah, dans le Sud.
A Gaza-ville (centre), la Défense civile a annoncé hier la mort de 22 personnes, tuées par une frappe aérienne israéliennes. A Jénine, en Cisjordanie occupée, l’armée israélienne a mené une opération de 48H, durant laquelle neuf Palestiniens ont été tués.
Le ministère de la Santé de Gaza a annoncé hier un nouveau bilan de 44 056 morts dans le territoire palestinien depuis le début de la guerre il y a plus d’un an. Au moins 71 personnes ont été tuées ces dernières 24 heures, déplore-t-on. Le nombre de blessés est de 104 268 personnes.
Selon Philippe Lazzarini, commissaire général de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), 80% de la bande de Gaza étaient désormais des « zones à haut risque où les gens sont contraints de fuir à la recherche de l’essentiel, particulièrement une sécurité inexistante ». « Ils sont piégés sans lieu sûr où aller. Dans le nord de Gaza, les gens restent soumis à un siège strict. Ils fuient pour rester en vie en cercles vicieux et sont privés d’aide humanitaire depuis plus de 40 jours désormais », a-t-il dénoncé.
Le mois dernier, l’administration sortante a exigé de Tel Aviv une amélioration de l’acheminement de l’aide dans l’enclave palestinienne. Le 12 novembre, Washington estimait que des progrès avaient été accomplis et qu’Israël n’entravait pas les livraisons. Mais l’aide humanitaire a été la cible de bandes de pilleurs, qui ont dévalisé les camions chargés d’aide.
Véto américain contre une résolution appelant à un cessez-le-feu
Allié indéfectible de Tel Aviv, les États-Unis ont une nouvelle fois opposé leur véto au Conseil de sécurité de l’ONU, pour empêcher l’adoption d’une résolution appelant à cessez-le-feu ”immédiat, inconditionnel et permanent” avec la “libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages”. Le “strict minimum”, comme le fait remarquer Majed Bamya, ambassadeur palestinien adjoint à l’ONU Majed Bamya. Cet énième véto a suscité les vives critiques des Palestiniens. “Il n’y a aucune justification possible à un veto contre une résolution tentant de stopper les atrocités”, a-t-il regretté.
“Nous sommes humains et nous devrions être traités comme tels. Il n’y a aucun droit au massacre des civils. Il n’y a pas de droit à affamer une population civile entière. Il n’y a pas de droit au déplacement forcé d’un peuple. Et il n’y a pas de droit à l’annexion. Voilà tout ce que l’absence d’un cessez-le-feu est en train d’autoriser. Seul un cessez-le-feu permettra de sauver des vies”, a-t-il ajouté.
L’Autorité palestinienne a de son côté jugé que le veto américain “encourage Israël à poursuivre ses crimes contre des civils innocents en Palestine et au Liban”. “Nous avons été très clairs pendant toutes les négociations que nous ne pouvions pas soutenir un cessez-le-feu inconditionnel qui ne permette pas la libération des otages”, a tenté de justifier l’ambassadeur américain adjoint Robert Wood. La résolution «”n’était pas un chemin vers la paix, mais une feuille de route vers plus de terrorisme, de souffrance, de massacres”, a de son côté estimé l’ambassadeur israélien Danny Danon, remerciant les États-Unis.
Le véto de Washington a été critiqué par de nombreux autres États ainsi que des ONG. En protégeant les autorités israéliennes, “les États-Unis de facto cautionnent leurs crimes contre l’humanité”, a dénoncé Human Rights Watch. Le Hamas a réitéré ses accusations, selon lesquelles les Américains sont “directement responsables” de la “guerre génocidaire” d’Israël à Gaza.
Requise depuis le mois de mai, la Cour pénale internationale a émis hier des mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant ainsi que le dirigeant du Hamas Mohammed Deïf. La Cour dit avoir “des motifs raisonnables de croire” que M. Nétanyahou et M. Gallant “portent la responsabilité pénale” de “crime de guerre consistant à utiliser la famine comme méthode de guerre”, ainsi que de “crimes contre l’humanité”, évoquant des “meurtres, persécution et autres actes inhumains”, ainsi que la perpétration d’“attaques intentionnellement dirigées contre la population civile”.