L’exode de Twitter au profit de BlueSky continue


Fuite de Twitter vers BlueSky : la chute de Musk ?
Fuite de Twitter vers BlueSky : la chute de Musk ?

Depuis son rachat par le milliardaire d’extrême droite Elon Musk en octobre 2022, le réseau social iconique, devenu « X », ne cesse de créer la polémique. Les agissements de son nouveau patron en ont détérioré l’esprit par son orientation politique très à droite et son absence de modération. À tel point que certains médias et personnalités d’envergure ont décidé de le quitter pour s’inscrire sur des sites concurrents comme Threads, Bluesky ou Mastodon.

À force de n’en faire qu’à sa tête et ignorer les retours des utilisateurs, Elon Musk va-t-il finir par tuer l’un des réseaux sociaux les plus célèbres du marché ? Après avoir dépensé 44 milliards de dollars pour la plateforme, le Sud-Africain n’a cessé de se comporter comme un enfant gâté avec un jouet.

Décidé à faire de Twitter une courroie de transmission pour son idéologie politique d’extrême droite (il a d’ailleurs été nommé ministre par Donald Trump), le propriétaire de Space X a instauré une ambiance délétère où règne la haine et la désinformation. Résultat, des milliers d’utilisateurs ont choisi de migrer vers d’autres cieux.

Entreprise de destruction massive

Pour comprendre comment la situation a pu dégénérer à ce point, il faut se souvenir de toutes les modifications que le chef d’entreprise a imposées sur le réseau depuis deux ans. L’une de ses premières décisions a d’abord été de licencier 80 % de son personnel, passant de 8000 salariés à à peine 15 000.

Cette logique d’austérité, qu’il compte d’ailleurs mettre en oeuvre sur la fonction publique américaine, n’est pas sans conséquence sur l’utilisation de l’application. Plus d’un tiers des employés spécialisés dans la sécurité et la modération ont ainsi été renvoyés.

La loi de la jungle

« Derrière une soi-disant volonté de liberté absolue (notamment d’expression), se cache surtout une doctrine qui laisse les plus forts écraser les plus faibles sans aucune limitation ».

Globalement, Elon Musk a décidé d’appliquer à Twitter sa propre idéologie libertarienne. Derrière une soi-disant volonté de liberté absolue (notamment d’expression), se cache surtout une doctrine qui laisse les plus forts écraser les plus faibles sans aucune limitation. Dans cette optique, toutes les idées se valent et peuvent être discutées en société en toute quiétude.

Ainsi, dès son arrivée le milliardaire a permis à de nombreux comptes suspendus de faire leur retour sur le réseau. Pour autant, ces profils penchaient largement vers l’extrême droite. Dans le monde de Musk, des contenus haineux ont autant leur place dans le débat public que n’importe quel autre. Les néonazis ou les complotistes qui colportent bien souvent des idées extrêmement dangereuses ne doivent surtout pas être bridés. Pourtant, étrangement, l’homme d’affaires ne semble pas accorder autant de bienveillance envers les opinions plus à gauche. Il avait par exemple « juré de détruire le virus woke ».

Alimenter une IA « anti-woke »

Poussant sa lubie jusqu’au bout, le directeur de Tesla a même mis sur pieds une intelligence artificielle (censée contrer Chat GPT) basée sur une idée semblable et qui s’alimente directement sur Twitter. Cette IA nommée Grok avait pour but de prôner une parole « anti-woke », et de répondre à des questions « pointues » auxquelles les autres logiciels de ce type refuseraient de donner des solutions. Musk a ainsi dévoilé comment le programme était par exemple capable d’expliquer en toute tranquillité comment fabriquer de la cocaïne.

Il s’avère, en outre, que l’application (disponible pour les membres du réseau social disposant d’un compte premium) est surtout devenue le chantre de la désinformation. Son manque de garde-fous éthiques lui confère d’ailleurs 35 % de chances supplémentaires, par rapport à d’autres IA grand public, d’accepter la création de fausses images pour alimenter des fake news. Rien d’étonnant lorsque l’on a pu observer les méthodes de mensonges massifs mises en place par le milliardaire durant la campagne présidentielle américaine, afin d’aider Donald Trump à l’emporter.

Un algorithme manipulé

Pour propager son idéologie politique, Musk n’a pas non plus hésité à faire manipuler l’algorithme de Twitter, notamment pour mettre en avant ses propres messages ainsi que ceux du président américain élu (dont le compte avait d’ailleurs précédemment été suspendu avant le rachat de l’entreprise).

De surcroît et sans surprise, les abonnés « premium », qui adhèrent à la formule payante du réseau créée par Musk, sont deux fois plus favorisés que les autres. Ce n’est alors plus l’intérêt de votre contenu qui augmente votre audience, mais bien votre portefeuille.

Un poison de haine

Les idées réactionnaires, climatosceptiques, discriminatoires sont ainsi très vite devenues monnaie courante sur Twitter, rebaptisé X par l’homme d’affaires. Et la fonction « signaler » qui permettait autrefois de faire supprimer de nombreux messages problématiques voire illégaux ne semble aujourd’hui n’avoir plus qu’un rôle décoratif.

En plus des contenus malveillants, le harcèlement s’est également banalisé. Une pratique que connaissent bien les minorités, mais aussi les femmes, qui subissent sur X des vagues de haines continues de la part d’utilisateurs totalement libres grâce à une modération quasi absente.

Et la situation ne risque pas de s’arranger, puisqu’Elon Musk compte bientôt en finir avec l’une des dernières options qui assurait d’échapper à ce fléau : le blocage. Jusqu’ici, il était en effet possible de bloquer définitivement les usagers abusifs, ce qui leur rendait nos messages invisibles. Désormais, cette fonction empêchera d’interagir, mais pas de continuer à voir notre contenu, ce qui pose évidemment des problèmes de sécurité. Un harceleur pourra par exemple épier sa victime sans contrainte.

Plus aucun contrôle

Au-delà des questions de harcèlements, chacun a également pu s’apercevoir que le réseau est à présent complètement perméable à tout type de sujets. Il existe bien un filtre de contenu sensible, censé cacher les tweets les plus perturbants, mais force est de constater que le manque de personnel engendre une application totalement lacunaire, voire aléatoire.

« les productions pornographiques qui sont maintenant officiellement autorisées sur le réseau depuis cet été ».

Ainsi, certains comptes ont vu l’intégralité de leurs messages masqués alors qu’ils n’avaient rien partagé de choquant, tandis que d’autres qui montraient des images réelles extrêmement violentes (allant jusqu’au meurtre) n’étaient absolument pas dissimulés. Il en est de même pour les productions pornographiques qui sont maintenant officiellement autorisées sur le réseau depuis cet été. Les profils destinés à vendre des contenus sexuels y pullulaient déjà depuis des mois.

Et le pire reste sans doute le fait que ces filtres sont contournables par un simple clic. N’importe qui peut donc facilement avoir accès à des vidéos pour adultes ou des scènes de décapitations sur X. Certes, les mineurs (acceptés dès 13 ans) ne sont pas censés voir les messages floutés. Mais les images non modérées, qui n’auraient pas encore reçu ce filtre, peuvent néanmoins tout à fait atterrir devant leurs yeux.

Twitter a perdu près de 80 % de sa valeur en deux ans

Les problèmes récurrents sur X sont d’ailleurs devenus tellement prégnants que certaines grandes marques ont décidé de boycotter les publicités du réseau social, ne souhaitant pas voir leur image associée à des contenus ouvertement racistes. À tel point que le chiffre d’affaires de X, à 90 % basé sur les annonces commerciales, a chuté de 53 % au deuxième trimestre 2024.

Entre 2022 et 2023, il était déjà passé de 4,4 à 3,4 milliards de dollars. Pire, d’après le fonds d’investissement Fidelity, depuis son rachat pour 44 milliards, l’application ne vaudrait aujourd’hui « plus que » 9,4 milliards, soit un effondrement de 79 % en tout juste deux ans.

Vague de désertion à venir ?

Du côté des utilisateurs, en particulier à gauche de l’échiquier politique, le climat y devient de plus en plus toxique et compliqué à supporter. L’arrivée du patron de X dans le gouvernement de Donald Trump a sans doute été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour beaucoup de fans de la plateforme qui ont décidé de se désinscrire.

Ça y est, j’ai supprimé mon compte X (Twitter), un réseau structuré par et pour l’extrême droite, qui enrichit Elon Musk.J’ai renoncé à plus de 210 000 abonnés et à la visibilité qui allait avec, mais le jeu n’en vaut pas la chandelle.Vous m’aidez à retrouver une audience ici ? ☺️

Salomé Saqué (@salomesaque.bsky.social) 2024-11-19T15:53:52.550Z

Et cette attitude n’est pas simplement adoptée par une bulle militante puisque plusieurs grands médias ont fait un choix identique. Ainsi, certains titres d’envergure nationale ont tout bonnement cessé de publier sur X. C’est le cas par exemple du Guardian au Royaume-Uni, de la Vanguardia en Espagne, et maintenant de Ouest-France dans l’hexagone. On a même vu la journaliste aux 210 000 abonnés, Salomé Saqué, supprimer son compte.

Des alternatives ?

Évidemment, pour beaucoup d’utilisateurs, quitter le réseau n’est pas chose aisée puisque certains y ont constitué une véritable communauté au fil des ans. Bon nombre d’entre eux ont donc fait le pari de s’inscrire sur une plateforme similaire, comme le sont Threads, Mastodon ou encore Bluesky.

Ce dernier jouit d’ailleurs d’une certaine popularité ces jours-ci puisqu’il a été rejoint par de nombreuses personnalités. Construit d’une manière plus décentralisée, BlueSky a été lancé par Jack Dorsey (le créateur originel de Twitter) et Jay Graber, une ingénieure américaine de 33 ans qui dirige actuellement l’entreprise.

X vers la clef sous la porte ?

Chercher une alternative à X pourrait même bientôt devenir une obligation tant la menace plane sur le réseau. Avec l’obstination d’Elon Musk à vouloir se hisser au-dessus des règles des États, la sanction pourrait finir par tomber.

Au Brésil, la plateforme a d’ailleurs été suspendue pendant plus d’un mois après le refus du milliardaire de nommer un représentant légal sur place (il avait fermé tous les bureaux dans le pays pour faire des économies). En Europe, X est également accusé de ne pas se plier aux normes continentales, notamment sur le contrôle des fake news et des contenus haineux.

En France, Jean-Noël Barrot, le ministre délégué au numérique a aussi sommé Elon Musk de respecter la législation locale sous peine d’être suspendu. De quoi intimider le milliardaire américain ? La perte du marché européen ressemblerait en tout cas à un coup fatal pour un réseau déjà en difficulté.

En attendant, Mr Mondialisation est désormais également présent sur Bluesky, ainsi que sur Threads ou Telegram.

– Simon Verdière


Image d’entête @/Flickr

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