29 novembre 2024 à 09h17
Mis à jour le 30 novembre 2024 à 09h22
Durée de lecture : 4 minutes
Des militants perchés dans les arbres, des recours juridiques, des zad, une commission d’enquête, des projets alternatifs… Depuis presque deux ans et le début des travaux de l’autoroute A69, qui doit relier Toulouse à Castres, la lutte contre cette infrastructure bat son plein dans le Tarn et en Haute-Garonne.
Largement médiatisée à l’échelle nationale, notamment grâce aux trois grands rassemblements organisés près de Castres à l’appel des Soulèvements de la Terre, la lutte contre l’A69 revêt plusieurs formes, plusieurs modes d’action et rassemble de multiples collectifs ou associations. C’est justement cela qu’Isabelle Haelvoët, réalisatrice du documentaire Alliances terrestres, a voulu raconter dans ce film de 89 minutes.
Le titre du documentaire reflète une réalité essentielle : la création d’alliances entre des acteurs variés — militants, paysans, scientifiques et citoyens — unis par une même volonté de protéger ce territoire et ses ressources. La réalisatrice illustre avec sensibilité la solidarité qui se construit dans la résistance, malgré les tensions et les pressions exercées par les préfectures et les forces de l’État.
Le film célèbre ainsi l’intelligence collective et l’ingéniosité déployée pour faire face à des moyens disproportionnés mis en œuvre par l’État. Des militants plus radicaux dans les zad luttent ainsi aux côtés de citoyens, des grimpeurs et grimpeuses s’allient à des scientifiques… Le documentaire est une ode à la complémentarité des modes d’action.
Force de la lutte
Au cœur du documentaire, bien entendu, l’autoroute A69. Un projet qui symbolise l’affrontement entre deux visions du monde. D’un côté, celle d’un développement économique basé sur la bétonisation, la croissance et l’expansion routière ; de l’autre, une conception plus collective, respectueuse des écosystèmes et des modes de vie locaux.
Le documentaire met en avant les conséquences directes de ce projet : destruction de terres agricoles, fragmentation des habitats naturels et impacts écologiques durables. Les images des paysages menacés, entrecoupées de témoignages poignants, soulignent l’absurdité de ce projet au regard des défis climatiques actuels. Isabelle Haelvoët s’appuie sur ses propres images, mais également sur des archives ou des vidéos tournées par des militants.
Le documentaire ne se limite pas à la simple dénonciation d’un projet d’infrastructure controversé, mais propose une réflexion approfondie sur les enjeux environnementaux, sociaux et humains qui en découlent. À travers un récit poétique et documenté, il donne une voix à celles et ceux qui s’élèvent contre ce projet et, plus largement, contre une logique productiviste menaçant nos écosystèmes.
Alternant entre des plans larges des paysages menacés et des scènes plus intimes de rassemblements, la réalisation joue sur une dualité entre la fragilité de la nature et la force de la lutte. Aux scènes d’arbres abattus et de zones terrassées par d’énormes machines viennent s’opposer celles de liesse collective entre militants. Le film est ponctué par des lectures poétiques, presque méditatives, tirées du livre de l’économiste Geneviève Azam Lettre à la Terre — Et la Terre répond.
Hymne à la résistance
Ce documentaire dépasse également le cadre d’un simple combat local, pour s’inscrire dans une réflexion globale. On retrouve ainsi tout au long du film la sociologue Geneviève Pruvost, qui évoque la nécessité de « repolitiser notre quotidien » et revient sur les notions de subsistance et de liberté avec un éclairage écoféministe. Des ponts sont également établis avec d’autres luttes pour la préservation du vivant, notamment le mouvement Chipko, né en Inde dans les années 1970 et porté par l’écoféministe Vandana Shiva, ou plus récemment la défense de la forêt de Hambach, en Allemagne.
Le tournage du documentaire s’est poursuivi jusqu’à fin mars dernier, et la victoire provisoire des militants sur le site de la Crem’Arbre qui ont obtenu une trêve pour l’abattage des arbres. Quelques mois plus tard, la zone fut rasée, mais d’autres occupations se multipliaient partout le long des 53 km de tracé, entraînant une répression toujours plus intense à l’encontre des militants.
Le film d’Isabelle Haelvoët est finalement un hymne à la résistance, où se relaient des citoyens, scientifiques, militants aguerris, sociologues ou agriculteurs. La lutte est un moyen, comme ils le confient, de s’émanciper, de passer du désespoir à l’action collective, de se rassembler et d’espérer construire un monde plus respectueux des êtres humains et de la nature.
Le documentaire est régulièrement projeté partout en France, souvent accompagné d’une discussion à l’issue de la projection. Les projections sont à retrouver ici.
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