Par Philippe Rosenthal pour Observateur-Continental
BlackRock fait ses courses dans une Europe qui traverse une crise historique et où les élites des pays pensent à s’enrichir au lieu de protéger les intérêts nationaux. Une braderie gigantesque a lieu sous les directives des banques d’affaires et des gestionnaires d’actifs.
Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, s’est entretenu le 21 novembre avec le directeur général du fonds d’investissement américain BlackRock Larry Fink, rapporte le Financial Times. Leur réunion au 10 Downing Street a été rejointe par un certain nombre de hauts responsables de BlackRock, ainsi que par la ministre britannique des Finances, Rachel Reeves, et de la ministre d’État en charge de l’Investissement, Poppy Gustaffsson.
Au cours de la réunion, les dirigeants de BlackRock se sont dit préoccupés par les retards concernant les choix pour les entreprises mondiales afin de faciliter leur intrusion dans le pays. Keir Starmer a rassuré les dirigeants du plus grand fonds d’investissement du monde, qui gère des actifs de 11000 milliards de dollars, sur son projet de révision de la législation britannique conformément à leurs souhaits.
Le 1er octobre dernier, Larry Fink a déclaré à Berlin à la Conférence sur le dialogue mondial que l’Europe devait s’orienter plus rapidement vers un marché bancaire. Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), appelle — plus d’un mois après — à une union des marchés des capitaux, également.
«L’Europe doit renforcer le système des marchés des capitaux et elle a besoin d’une plus grande unité du système bancaire», a martelé Fink lors d’une conférence de presse à Berlin.
Dans le même temps, le directeur de BlackRock a refusé de commenter l’éventuelle acquisition de la banque allemande Commerzbank par le groupe financier italien UniCredit. «Unicredit est devenu le deuxième plus grand actionnaire de la banque allemande. Le numéro trois, avec environ 7%, est le gestionnaire d’actifs américain BlackRock», rappelle Zone Bourse. «La consolidation du secteur bancaire italien bat son plein depuis des années», souligne Der Aktionär.
Le 23 septembre, le Handelszeitung a rapporté qu’UniCredit avait acquis des actions supplémentaires de la Commerzbank. Le groupe financier a eu accès à 11,5% des actions au moyen d’instruments financiers, ce qui a entraîné une part calculée d’environ 21%. UniCredit a déclaré qu’il avait demandé l’autorisation officielle de porter sa part à 29,9%. Ainsi, l’acquisition de la Commerzbank par le fonds d’investissement américain devient de plus en plus probable, est-il estimé. «BlackRock est le principal actionnaire d’UniCredit», précisait en 2021 Zone Bourse.
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, s’oppose à la prise de contrôle de la Commerzbank par un groupe financier italien, derrière lequel se profile le loup de Wall Street. La banque allemande a souligné que si le contrat avec UniCredit se réalisait, il risquait de perdre les deux tiers des emplois.
Le gouvernement allemand est devenu propriétaire d’une partie des actions de la banque à la suite de la crise financière de 2008-2009 lorsqu’il lui a alloué plus de 18 milliards d’euros pour stabiliser l’entreprise. Le 4 septembre, les autorités ont annoncé leur intention de vendre progressivement les actions de la banque. Le 11 septembre, l’agence financière a rapporté que le gouvernement allemand avait vendu 4,49% des actions de la Commerzbank au groupe italien UniCredit. À la suite de l’opération, la part de la participation de l’État dans la banque est tombée de 16,49% à 12%.
Les autorités allemandes ne s’attendaient pas à ce que les Italiens, poussés par Larry Fink, acquièrent rapidement et en ces quantités des actions de la banque. Le 12 septembre, le directeur d’UniCredit Andrea Orchel a déclaré que le groupe bancaire envisageait la possibilité d’une prise de contrôle complète de Commerzbank.
La Commerzbank emploie dans le monde entier 38.700 personnes, dont plus de 25.000 en Allemagne. Lorsque le loup de Wall Street avalera une banque allemande (ce dont il ne faut pas douter), près de 25.000 d’entre eux seront au chômage.
En février 2025, l’Allemagne organisera des élections fédérales anticipées où le bloc d’opposition de la CDU/CSU a nommé Friedrich Merz, 68 ans, comme candidat au poste de chancelier fédéral. Mais, celui-ci qui a dirigé le conseil de surveillance de la filiale allemande de BlackRock depuis 2016, a de grandes chances de gagner. Si Friedrich Merz devient le chancelier de l’Allemagne, BlackRock pourra devenir le loup dans la bergerie dans la plus grande économie d’Europe et améliorer sa place stratégique en Europe.
Voyant une petite résistance à Berlin, Larry Fink s’est précipité à Londres, où il a été accueilli à bras ouverts en raison d’un déficit budgétaire catastrophique et de la récession chronique de l’île.
L’acquisition par le fonds d’investissement américain de la structure financière britannique menace le Royaume-Uni et l’ensemble du complexe économique national du pays en profitant de la dégradation de la sphère sociale et de la croissance incontrôlée du chômage. Le gouvernement travailliste en est conscient, mais le Royaume-Uni ne peut plus faire face à la chute du déficit financier, et il est prêt à vendre le pays aux Américains. Ce même scénario pend au nez de l’Allemagne qui affronte une crise historique et des licenciements de masse.
Au printemps de cette année, le journal français d’investigation Fakir a publié un article intitulé La République des traîtres en faisant référence à l’implication du président français, Emmanuel Macron, et de son entourage le plus proche dans l’absorption des entreprises françaises de secteurs d’importance stratégique de l’économie par des entreprises américaines, en particulier le même BlackRock, au détriment des intérêts nationaux de la France.
Comme pour le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France est plongée dans une crise économique historique. BlackRock profite de la situation pour avaler les valeurs des trois pays en provoquant des plans sociaux dans ces pays.
Le média français nomme l’affaire Alstom où Emmanuel Macron, qui est passé chez Rothschild comme associé-gérant, a lancé le démantèlement d’Alstom au profit de l’Américain General electric. «Pendant deux ans, Macron a caché au gouvernement les menaces qui planent sur le groupe français», continue Fakir. Pour rappel, en octobre 2017, Emmanuel Macron a convié 21 des plus grands noms de la finance mondiale, fonds de pension, fonds souverains et gestionnaires d’actifs de tous les continents à l’Élysée, et BlackRock a confirmé à Bloomberg que son président Larry Fink assisterait à ce dîner des plus grands investisseurs de la planète.
Cyril Pocréaux, rédacteur en chef de Fakir, dénonce «les élites françaises» qui se comportent «comme des privilégiés qui défendent leur intérêt, et non l’intérêt général». «Quand un cabinet anglo‑saxon veut prendre des parts dans une entreprise française, il dîne avec quelqu’un de Bercy», souligne-t-il. «La rupture entre peuple et élites est tellement consommée que ce n’est pas envers nous que ces dernières se sentent redevables, mais envers leurs amis, américains, anglais, qataris», tacle-t-il.
Philippe Rosenthal
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