Né en 1963, trois ans avant la Révolution culturelle, Liu Cixin vient d’avoir le rare honneur de se voir consacrer un musée, à Yangquan, dans la province du Shanxi (nord de la Chine), où il vit. Un musée tout entier, mettant en lumière son parcours, son œuvre, les adaptations qui en ont été faites. Ses livres sont traduits dans une trentaine de langues. S’il a remporté neuf fois le Galaxy Award, le plus prestigieux des prix chinois pour une œuvre de science-fiction, il est le seul écrivain asiatique à avoir remporté le prix Hugo. C’était en 2015, pour Le Problème à trois corps — premier volume d’une trilogie comprenant La Forêt sombre (2017) puis La Mort immortelle (2018), tous publiés chez Actes Sud —, que Netflix a décliné en série et qui a fait connaître cette science-fiction hors des frontières de la Chine comme de celles du genre.
L’Ère de la supernova est une œuvre plus ancienne (2003). Liu Cixin a commencé à l’écrire en 1989, pour la terminer au début du nouveau millénaire, et la dédicacer à sa fille, « qui vivra dans un monde amusant ». C’est une œuvre de jeunesse qui relève surtout de la fable.
L’explosion d’une étoile inconnue propage des ondes qui vont perturber l’ADN des humains. Seule la population mondiale âgée de moins de 13 ans pourra en réchapper. Liu Cixin raconte les adultes, condamnés à mourir dans les mois qui suivent, qui transmettent leurs connaissances et leurs valeurs aux enfants, comme un cadre à maintenir. Il décrit ensuite une collectivité qui se construirait pour et par des enfants.
Tant que les aînés vivent, les enfants, terrifiés, cherchent à être rassurés. Mais, très vite, ils organisent une société démocratique, installent une « assemblée du nouveau monde », exigent une vie où l’on joue et s’amuse. Le pouvoir des adultes accepte et choisit trois enfants qui composeront le gouvernement à l’avenir. Liu Cixin confronte aussi deux cultures et deux modèles en évoquant les États-Unis face à la même situation. La Chine ne ressort pas perdante de cette comparaison.
Un nouveau monde se met donc en place, au rythme de saisons marquées par une diversité de jeux. Y compris de jeux de guerre. L’auteur n’en fait pas mystère et écrit son livre comme une sorte de variation sur le sombre Sa Majesté des mouches (1954), dans lequel le Britannique William Golding imaginait les rapports de pouvoir au sein d’un groupe d’enfants, seuls sur une île. L’Ère de la supernova est moins pessimiste. Entre la minutie de la transmission par les adultes des savoirs et techniques, et la recherche par certains enfants de voies de survie collective, l’avenir va peut-être s’inventer. On désapprouvera l’auteur-narrateur quand il affirme qu’il n’a « rien accompli de son existence à part quelques œuvres littéraires très dispensables à la fin de l’ère commune ».