Entrepreneurs activistes, investisseurs militants
Capitalisme « éthique » ? La contradiction dans les termes reflète la volonté de l’ordre économique d’incorporer les questions environnementales dans une matrice marchande, à la fois pour se relégitimer et pour faire des affaires. Aux yeux des alchimistes du marché, le désastre social et écologique actuel se transforme en « opportunités ».
En mars 2024 se déroulait le cinquième sommet ChangeNow, « le plus grand événement des solutions pour la planète ». Moyennant l’achat d’un ticket à 390 euros pour se rendre au Grand Palais, à Paris, chaque visiteur — 35 000 selon l’organisateur — passe sous une arche enroulée de végétaux sur laquelle on peut lire « Welcome heroes of change ». Quelques mètres plus loin, une jeune bénévole habillée d’un T-shirt à slogan « There is no planet B » l’invite à s’installer dans une structure en mycélium, une matière décrite comme « mystérieuse et vivante » permettant de « toucher des vérités souterraines révélées par ses propriétés oraculaires ». Une œuvre sponsorisée par les champagnes Ruinart.
Dans l’une des premières conférences de la journée, intitulée « Transformer les entreprises de l’intérieur : de la gouvernance à l’activisme des employés », Mme Nina Hajikhanian, directrice générale de la marque de prêt-à-porter Patagonia, explique d’emblée que son entreprise « vend de l’espoir » et exhorte à « ne plus être spectateur » du changement climatique. Durant douze petites minutes de présentation, trois histoires seront contées, dont celle d’une lutte victorieuse de quelques femmes contre un projet de barrage hydraulique par une entreprise polluante et peu scrupuleuse qui cherche à « monétiser la nature ».
Les interventions « inspirantes » de grands patrons français tels que MM. Sébastien Bazin (groupe Accor), Pierre Coppey (Vinci), Jean-Philippe Courtois (Microsoft France), Benoit Bazin (Saint-Gobain) — ainsi que celles de hauts cadres du CAC 40 (LVMH, BNP Paribas, Pernod Ricard, Sanofi, Axa…) — s’entremêlent à celles d’activistes (Vandana Shiva) ou d’artistes musicaux en vogue (Shaka Ponk), pour relayer le message de fond qui résonne tout au long de la journée : la lutte contre les inégalités sociales et les effets du changement climatique passera par les entreprises et ceux qui les financent.
Au pays des « licornes à impact »
Les quelques centaines de stands (…)
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