Violemment arrêtés, des paysans dénoncent le « deux poids, deux mesures » entre syndicats agricoles


9 décembre 2024 à 10h14

Mis à jour le 9 décembre 2024 à 10h59

Durée de lecture : 4 minutes

« On se fait traiter comme des terroristes ! » Dimanche 8 décembre, quelques jours après la manifestation de son syndicat agricole, la Confédération paysanne, la colère du maraîcher et céréalier bio Daniel Évain ne retombe pas. Trois jours plus tôt, le 5 décembre, cinq militants ont été violemment interpellés, et deux d’entre eux ont été déférés au tribunal de Paris après le blocage du Grand Palais (8ᵉ arrondissement de Paris) à l’occasion de la 64ᵉ Bourse du commerce pour dénoncer « l’exploitation des paysans par le commerce international ».

Dans leur ligne de mire notamment, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, en Amérique du Sud — le traité a été validé le lendemain par les deux parties, au grand dam des agriculteurs qui protestent contre ces négociations depuis mi-novembre. Les syndicalistes ont déployé une banderole et éparpillé de la paille devant l’entrée du bâtiment, et un groupe a parcouru l’intérieur du salon en chahutant quelques stands.

« Violence inouïe »

Cette mobilisation « bon enfant » a vite tourné au vinaigre après l’arrivée des policiers et des gendarmes, relate Daniel Évain. Tout a dérapé alors que les manifestants étaient sur le départ. Ils ont alors été encerclés par les forces de police. Des coups ont été donnés et des personnes jetées à terre. Daniel Évain, coincé à ce moment-là dans la foule, s’est fait pousser et écraser le visage par un policier.

Au même moment, lors de son interpellation par la Brigade de répression de l’action violente motorisée (Brav-M), une femme de 60 ans a été plaquée au sol si fort qu’elle s’est évanouie, témoignent les syndicalistes. Un moment de « violence inouïe, témoigne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. Cela faisait très longtemps qu’on n’avait pas subi une répression de ce niveau-là. »

Un procès en février

Daniel Évain et d’autres représentants de la Confédération paysanne se disent « sidérés », « indignés », par la brutalité des policiers pendant le rassemblement du 5 décembre. Les interpellés « ont passé 30 heures au commissariat. Pour rien ! C’est complètement dément, c’était une manifestation pacifique », s’offusque le cultivateur.

Libérées le samedi 7 décembre dans la soirée après avoir refusé la comparution immédiate, les deux personnes déferrées ont été accueillies sous les cris de joie et le soulagement de leurs collègues venus en soutien. « Ils sont secoués, fatigués, mais ils vont bien », rapporte Gaspard Manesse, de la Confédération paysanne Île-de-France. Leur procès a été reporté au 4 février. On leur reproche des « violences et tentatives d’intrusion, a fait savoir une source policière à Franceinfo. Contactée, la préfecture de police de Paris n’a pour l’heure pas répondu à nos sollicitations.

« Deux poids, deux mesures »

La férocité des arrestations et le déferrement « injustifié » de deux de leurs « camarades », illustre la différence de traitement entre la Confédération paysanne et la FNSEA et la Coordination rurale, estime Laurence Marandola.

De fait, un peu partout en France ces dernières semaines, des permanences parlementaires, des locaux de l’Office français de la biodiversité et des bureaux d’associations environnementales ont été emmurés, voire dégradés, des véhicules de service ont été endommagés, du fumier, de la paille et des détritus ont été déversés, par les membres de ces deux syndicats.

Des actions réalisées dans leur quasi-totalitésous l’œil bienveillant des gendarmes et policiers, et sans aucune conséquence judiciaire. « Si des militants écologistes faisaient un dixième des violences qu’ils commettent, ils feraient face à une sévère répression policière. C’est absolument inadmissible et très révélateur du deux poids, deux mesures », réagit Antoine Gatet, à la tête de France Nature Environnement.

Le prix de la remise en cause du système économique

Gaspard Manesse dresse un constat similaire. « Dans un cas, il y a des dégradations qui valent des dizaines de milliers d’euros, des actes caractérisés d’un point de vue judiciaire, et il ne se passe rien. Dans l’autre, on parle d’une manifestation symbolique, sans violence, et la réponse est brutale », compare l’exploitant en bio dans le sud des Yvelines.

La raison tiendrait au fait que, contrairement aux autres syndicats, la Confédération paysanne « appuie là où ça fait mal ». « Lors de leurs actions, la Coordination rurale et la FNSEA ne remettent pas en cause le système économique et agro-industriel établi. Nous, on pointe du doigt les responsables effectifs de la disparition des paysans, de la destruction du vivant et des conditions de la vie sur Terre, dit-il. C’est pour cela qu’ils réagissent de manière complètement disproportionnée. »

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