Ce qui s’est passé en Roumanie, l’annulation pure et simple des élections présidentielles qui avaient toutes chances de voir élire un président pro-russe, après sur «le fascisme» supposé du candidat et le drapeau de la liberté agité devant le nouvel Hitler supposé puisque pro-russe, plus besoin de preuve, c’est comme l’invasion des Nord-coréens ça marche partout, ou du moins c’est supposé marcher, mais patatras comme le disait Brecht quand on ne veut pas changer le gouvernement on dissout le peuple. La Roumanie est devenue l’entrepôt des armes, des régiments de l’OTAN, le port par lequel transitent les trafics, qui rapportent aux oligarques, alors on annule le peuple roumain… Ce qui visiblement ne soulève nulle émotion en France est une telle parodie des «valeurs» au nom desquelles on prétend tout nous faire accepter de l’UE, du diktat de ses marchés financiers, de la destruction de nos industries et de nos services publics, à savoir la sacrosainte «démocratie» et les élections que seule l’hilarité peut saluer pareille affaire. Les Russes, ici le très ironique Akopov ne nous l’envoient pas dire : qui peut prendre au sérieux ce que nous représentons.
Danielle Bleitrach
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par Piotr Akopov
Vendredi, le monde entier a appris que l’OTAN avait réussi à repousser l’agression russe – en défendant l’un des pays de l’alliance. Devons-nous féliciter les atlantistes pour cette remarquable victoire ?
Ne vous étonnez pas de ne pas voir de nouvelles sur les troupes russes vaincues – la victoire a été remportée sur un champ de bataille virtuel. Cette fois, c’est la Roumanie qui a été sauvée de l’ours russe – ce pays, qui se trouve sur la ligne de front de la confrontation avec la Russie agressive, a été sauvé de l’asservissement. Et sans tirer un seul coup de feu – la décision de la Cour constitutionnelle annulant les résultats du premier tour de l’élection présidentielle a suffi.
Oui, c’est aussi simple que cela : deux jours avant le second tour, les juges ont tout simplement annulé l’élection : elle devra donc être organisée à nouveau. La raison en est simple : les Russes ont interféré dans l’élection via TikTok et se sont assurés le leadership de Calin Georgescu, un nationaliste de droite qui critique l’OTAN et l’UE et prône un soutien moindre à l’Ukraine et la fin du conflit avec la Russie. Les Roumains et le reste de l’Occident peuvent désormais dormir sur leurs deux oreilles : Moscou ne sera pas en mesure de porter son homme au pouvoir à Bucarest.
Plus sérieusement, l’OTAN et l’UE se sont tiré une balle dans le pied vendredi, et ce sans raison sérieuse. Les dommages causés à la réputation de l’Occident seront énormes. Le monde verra ce que valent tous les arguments sur les valeurs démocratiques, pour la défense desquelles il est nécessaire de combattre la Russie en Ukraine jusqu’au bout. Et le plus intéressant, c’est que le mépris flagrant des résultats du vote populaire non seulement n’était pas justifié par des considérations géopolitiques, mais aboutira au résultat exactement inverse pour l’Occident – jusqu’à la victoire triomphale du «mauvais» candidat lors des nouvelles élections.
Pour commencer, la Roumanie ne pouvait pas et n’avait pas l’intention de quitter l’OTAN et l’UE, et Georgescu n’était pas un candidat pro-russe – c’est un eurosceptique et un critique des mondialistes (qu’il connaît bien pour avoir travaillé dans des structures atlantistes pendant des décennies). Dans le système politique roumain, le président a des pouvoirs très limités, y compris en matière de politique étrangère. Seul, sans le soutien du parlement, le chef de l’État n’est pas en mesure d’apporter des changements radicaux à la politique étrangère du pays, et Georgescu n’a même pas son propre parti. Les élections législatives du week-end dernier ont triplé la représentation des différents partis nationalistes de droite, mais même ainsi, ils ne disposeront pas de plus d’un tiers des sièges. Sans parler du fait que Georgescu n’était pas favorable à la sortie de l’OTAN et de l’UE, comme il l’a déclaré dans ses récentes interviews.
De plus, il n’était pas tout à fait certain qu’il gagnerait ce dimanche. Certes, il est arrivé en tête au premier tour, mais son avance sur Elena Lasconi, deuxième, n’était que de 3% (22 contre 19). Au second tour, Georgescu aurait obtenu les voix du nationaliste George Simion (14%), mais Lasconi aurait obtenu celles des partisans du Premier ministre Ciolacu (19%), ce qui aurait rendu la lutte très serrée. De nombreux observateurs pensaient que le candidat hors système finirait par perdre.
Mais les élites (paneuropéennes et roumaines) ont décidé de ne pas prendre de risques, d’autant plus que les sondages donnaient l’avantage à Georgescu. Au début de la semaine, ce n’était pas si évident, et la Cour constitutionnelle n’a donc pas organisé de recomptage des voix. Mais à la fin de la semaine, la panique semblait s’être intensifiée : jeudi, le Conseil national de sécurité a publié des rapports de renseignement indiquant que des «plates-formes de cybersécurité d’origine russe» avaient accédé aux sites web des élections du pays et organisé plus de 85 000 cyberattaques. La Russie a également été accusée d’utiliser un réseau de comptes TikTok pour soutenir Georgescu. Vendredi, la Cour constitutionnelle a décidé d’annuler les résultats du premier tour et d’organiser de nouvelles élections.
On ne sait pas encore quand elles auront lieu, mais même la rivale de Georgescu, Elena Lasconi, a exprimé son indignation face à cette annulation, qualifiant la décision de la CC d’«illégale et immorale» : «C’est le moment où l’État roumain a piétiné la démocratie».
Lasconi appartient à l’«Union pour le salut de la Roumanie», un parti d’opposition assez classique, et croyait apparemment en sa victoire. Ni l’Occident ni l’establishment roumain n’auraient été contre sa présidence, mais la crainte d’une victoire de plus en plus probable de Georgescu a tout éclipsé.
Parce que la russophobie rend bête – et c’est elle qui anime les initiateurs de l’annulation des élections. Mais croient-ils vraiment à l’ingérence russe ? Et à une échelle telle qu’elle pourrait affecter le résultat de l’élection ? Sans compter qu’à la veille du premier tour, l’Occident a qualifié un autre homme politique – George Simion – de candidat pro-russe. Ils craignaient qu’il ne parvienne au second tour (il est finalement arrivé en quatrième position). N’aurait-il pas été logique que Moscou le soutienne plutôt que le peu prometteur Georgescu ?
Et comment peut-on mépriser les Roumains au point de penser qu’ils ont voté pour Georgescu non pas parce qu’ils protestaient contre l’orientation générale de l’élite roumaine et qu’ils avaient de la sympathie pour ses opinions, mais sous l’influence de bots russes ? Mais de quoi parlons-nous ? Aux États-Unis, on spéculait sérieusement sur l’influence de Moscou sur la première victoire de Trump. Cette année, cependant, nous n’avons pas entendu de tentatives d’expliquer sa revanche par une «ingérence russe».
Il en sera de même en Roumanie : l’annulation des élections profitera aux forces anti-mondialistes et anti-atlantiques. Georgescu gagnera les nouvelles élections en toute confiance. Et s’il n’est pas autorisé à y participer (par exemple, des poursuites pénales seront engagées et il lui sera interdit de se présenter), un autre nationaliste eurosceptique, Simion, l’emportera. S’ils sont tous deux opposés à la confrontation avec la Russie, ce n’est pas à cause des intrigues de Moscou, mais parce qu’ils sont sensibles à l’humeur du peuple et à l’orientation de l’histoire. Et les atlantistes qui tentent d’en arrêter ou d’en ralentir le cours n’ont rien d’autre à faire que de discréditer les «valeurs» fondamentales de leur propre projet dans la lutte qui les oppose. C’est-à-dire de démonter les décors «le peuple choisit son pouvoir», qui recouvrent le pouvoir réel de personnages qui ne sont choisis par personne.
source : RIA Novosti via Histoire et Société
traduction de Marianne Dunlop