Mayotte paye le prix du dérèglement climatique


16 décembre 2024 à 11h27

Mis à jour le 16 décembre 2024 à 11h50

Durée de lecture : 4 minutes

Mayotte, le département français le plus pauvre, est en ruines après le passage du cyclone Chido le 14 décembre. Avec des rafales dépassant les 220 km/h — du jamais-vu depuis près d’un siècle —, l’archipel de l’océan Indien est méconnaissable. Selon le préfet François-Xavier Bieuville, « des centaines, voire des milliers de personnes » auraient péri. Le système hospitalier est « très endommagé » et les centres médicaux sont « inopérants », selon le gouvernement.

Les images en provenance du quartier de Labattoir, à Dzaoudzi, montrent des habitations éventrées, les toits arrachés, des fenêtres brisées, et des bidonvilles réduits à des amas de métal tordu et déformé. Le port est jonché de bateaux échoués, empilés les uns sur les autres. « On ne reconnaît même plus nos rues et nos quartiers », témoigne une Mahoraise dans Libération. Les arbres déracinés et les tôles envolées, décrites par La 1re, accentuent cette vision apocalyptique.

L’alerte violette a été levée pour permettre l’intervention des secours. Toutefois, la situation reste chaotique : 15 000 foyers sont sans électricité, les routes sont impraticables et les communications intermittentes rendent difficile l’évaluation précise des pertes humaines et matérielles.

Le rôle de la crise climatique

Le cyclone Chido est un phénomène naturel, mais il a potentiellement été exacerbé par le réchauffement climatique. Les chercheurs n’ont pas encore attribué son influence sur cet événement, mais on sait qu’un climat qui se réchauffe tend à rendre les cyclones plus intenses. La température élevée des eaux de surface de l’océan Indien — atteignant près de 30 °C — a fourni un immense réservoir d’énergie à Chido.

Lire aussi : Comprendre les cyclones : un défi majeur pour les climatologues

Les projections du Giec indiquent qu’avec 1,5 °C de réchauffement global, la proportion de cyclones tropicaux intenses pourrait augmenter de 10 %, et de 20 % si le réchauffement atteint 4 °C. Bien que le nombre total de cyclones devrait rester stable, leur intensité croissante pose un défi majeur pour les populations vulnérables.

Une vulnérabilité structurelle criante

La catastrophe de Mayotte est d’autant plus dramatique que le département souffre d’une vulnérabilité structurelle profonde. Comme le rappelle L’Humanité, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, et 1 personne sur 3 réside dans une habitation précaire faite de tôle. Ces bidonvilles ont été complètement rasés par le cyclone, se transformant en un « charnier », selon la députée (Liot) Estelle Youssouffa.

« À chaque catastrophe, il convient […] de se demander ce qui a rendu autant d’individus si fragiles », estimait en 2023 auprès de Reporterre Jean-Paul Vanderlinden, économiste environnemental. L’accès aux soins, à l’éducation et la stabilité économique conditionnent la capacité d’une société à résister et à se relever après un choc climatique ou une catastrophe naturelle, expliquait-il.

Or, l’État français, souvent accusé de négligence, est critiqué pour sa gestion de l’archipel. Le rapport de l’inspection générale de six ministères publié en 2023 dénonçait déjà « une faillite généralisée des administrations publiques » à Mayotte. Malgré les promesses d’investissements, le département reste sous-équipé en infrastructures de santé, d’éducation et d’accès à l’eau potable. 6 logements sur 10 n’ont par exemple pas de toilettes ni douche, favorisant des épidémies telles que le choléra.

Si des secours militaires sont en route et que le gouvernement affirme être « 100 % mobilisé pour les Mahorais », sans une prise de conscience réelle des facteurs de vulnérabilité, Mayotte restera une proie facile pour les catastrophes à venir. Comme le soulignait sur Reporterre l’anthropologue Sandrine Revet, il ne suffit pas de gérer l’urgence : il faut investir dans un urbanisme adapté et une réduction des inégalités pour protéger les populations les plus exposées.

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