Pour la troisième fois en cet an de grâce 2024, la fumée blanche est sortie de la cheminée élyséenne …
Le 8 février était annonciateur de l’arrivée de Gabriel Attal à l’Hôtel de Matignon. Le 21 septembre sonnait l’heure de Michel Barnier. Le 13 décembre voyait le couronnement (provisoire, il en attend un autre !) de François Bayrou.
Quelques jours plus tard, les Corses pouvaient légitimement dire : « Habemus papam » et saluer la visite sur leur terre du pape François.
Ainsi va la France en Macronie.
Convoquant la longue histoire de notre pays, comment ne pas rapprocher cette instabilité ministérielle (quatre Premiers ministres en un an) des 47 gouvernements que la France a connus de 1920 à 1940 et des 23 qui se sont succédé de 1946 à 1958 ?
Voilà la marque indélébile du « régime des partis ». Comme l’est tout autant le règne des groupes charnières de l’Assemblée nationale : s’il fallait 47 députés (sur 577) au parti Les Républicains pour prétendre à Matignon en septembre, il n’en a fallu que 36 en décembre pour que le pouvoir revienne – la dette de 2017 est enfin réglée ! – à l’allié historique d’Emmanuel Macron.
Après le « J’y suis, j’y reste » du président de la République au lendemain des élections européennes de juin 2024, la France vient d’avoir droit au « C’est mon tour ! » de François Bayrou. Jamais l’expression en vogue dans le milieu politique « se rouler par terre » n’aura été autant vérifiée.
Pour que le retour au « régime des partis » – auquel les Françaises et les Français ont mis fin en 1958 – soit aussi effectif que possible, il ne manque plus que l’instauration de la représentation proportionnelle pour l’élection des députés. Sans majorité véritable, c’est-à-dire absolue à l’Assemblée nationale, les partis continueront à s’en donner à cœur joie. Pas de souci : avec le chantre de la représentation proportionnelle à Matignon, c’est pour bientôt.
Pour ma modeste part, j’aimerais comprendre comment celles et ceux qui ambitionnent d’exercer le pouvoir en 2027, ou avant, peuvent nourrir l’espoir d’une majorité qui leur permette de gouverner sérieusement la France avec ce mode de scrutin, qui donne certes une photographie de l’opinion du peuple, mais que nous avons expérimenté sans succès de 1946 à 1958. Si, par exception, en 1986, une majorité s’était dégagée avec le scrutin proportionnel, c’est parce que François Mitterrand et les socialistes suscitaient un rejet massif du peuple français.
Au total, en un temps où l’on ne tient plus grand compte du vote des Français, le retour aux pratiques des Républiques antérieures apparaît comme le parachèvement de l’œuvre de destruction entreprise méthodiquement par l’hôte de l’Elysée. Mais le pire est à craindre quand le peuple n’est ni écouté, ni entendu.
« Gardez le contact du pays et des foules », avait jadis conseillé le général de Gaulle à son ami Christian Fouchet. Je n’ai certes pas le contact des foules. Mais celui que j’entretiens avec le pays, dans ses profondeurs et dans sa réalité, me fait effectivement craindre le pire.
Alain Tranchant