Menaces sur le riz vietnamien, par Maïlys Khider (Le Monde diplomatique, décembre 2024)


Comment organiser la sortie d’une monoculture mise à mal par le changement climatique

Sel, montée des eaux, pollution… Au Vietnam, le « delta des neuf dragons », par lequel le Mékong se jette dans la mer de Chine méridionale, pourrait disparaître avant 2100. Avec lui, c’est un pan entier de l’économie de la République socialiste qui se trouve menacé : la riziculture, dont dépendent également de nombreux pays africains pour leur approvisionnement en céréales bon marché.

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Martin Bertrand. – De la série « Le Sursis des neuf dragons », delta du Mékong, 2018

© Martin Bertrand/Hans Lucas

La saison des pluies commence tout juste au Vietnam en ce mois de juin 2024. Pourtant, les averses sont rares. Dans les champs de Phuong Thanh (province de Tra Vinh), en plein milieu du delta du Mékong, dans le sud du pays, les arbres à fruits du dragon aux allures de cactus se tiennent sages, en rangs. Les cocotiers longilignes les regardent de haut. Rien ne perturbe le silence sinon le bêlement des chèvres dans leurs enclos en tôle et quelques chiens qui aboient, pour annoncer qu’ils montent la garde. Entre les plantations, des parcelles de ce qui ressemble à des tiges d’herbe baignent dans quelques centimètres d’eau. Nous sommes dans les rizières du delta.

Un bidon orange fluorescent rempli d’engrais attaché au dos, Bao épand la mixture à l’aide d’un long bâton noir. Pour accéder au champ, il faut traverser un fossé noyé d’eau en empruntant une étroite passerelle, un tronc d’arbre couché d’à peine vingt centimètres de largeur — un « pont aux singes », selon l’appellation locale. Les pieds nus, une faucille à la main, un chapeau conique sur la tête, Bao travaille depuis 6 heures du matin sur le demi-hectare dont il a l’usufruit. Quand nous l’interrogeons sur sa récolte, il se baisse et ramasse quelques feuilles : « Regardez, elles sont jaunes. Parfois, les épis sont vides. Ces temps-ci, il pleut moins et il fait très chaud. » Tout ce que le riz déteste.

Pour cultiver un hectare, il faut 30 000 mètres cubes d’eau douce. Or le niveau de la mer monte peu à peu. Ici, l’eau du sol devient d’autant plus salée que le manque de pluie limite la dilution des cristaux de sel. De sorte que la production tend à baisser. Comme souvent, la solution passe par un surcroît d’engrais chimiques. « La nature a bien changé ici, raconte Bao. Quand j’étais petit, il y avait des crabes et des poissons dans l’eau des rizières. Aujourd’hui, avec tous les produits que nous utilisons, ils ne viennent plus. » Derrière lui, un moteur de bateau éructe, assourdissant. Son hélice est posée sur le (…)

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