19 décembre 2024 à 10h05
Mis à jour le 19 décembre 2024 à 11h57
Durée de lecture : 4 minutes
« C’est le jugement qu’on attendait depuis 2018 : c’est une bouffée d’oxygène ! » Aux côtés de Joëlle Lallemand, présidente de l’Apieee, une association de protection de l’eau, neuf autres structures ont repris leur souffle mercredi 18 décembre.
À la suite à leur requête, la cour administrative d’appel de Bordeaux a suspendu les autorisations environnementales de 4 des 16 réserves de substitution du projet Sèvre-Niortaise Mignon. Ces mégabassines du Poitou sont donc, de fait, désormais illégales. Si la décision ne signe pas la fin des bassines, elle s’inscrit dans une série de jugements qui pointent leurs failles juridiques.
« C’est une victoire, lance Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci. Cette décision confirme que nous avions raison d’aller manifester le 25 mars [2023] à Sainte-Soline. » Parmi les quatre ouvrages condamnés figure l’emblématique bassine (à l’époque, un trou de 16 hectares) vers laquelle avaient convergé l’an dernier des milliers d’opposantes et d’opposants sous une pluie de grenades et dans un brouillard de lacrymo. Dans le cortège, défilait une marionnette géante d’un oiseau du terroir : l’outarde canepetière.
Une menace sur les oiseaux de plaine
Parmi les arguments présentés, la cour a retenu spécifiquement la menace que l’implantation des mégabassines fait planer sur l’habitat de ce gros faisan protégé en danger d’extinction. Président du Groupement ornithologique des Deux-Sèvres, Jean-Michel Passerault voit dans cette décision l’écho à un long cri. « Nous essayons d’alerter depuis 2016 : les bassines s’implantent dans une zone Natura 2000 du fait des oiseaux de plaine. »
« Ce n’est pas la victoire d’un quelconque volatile : l’outarde est une espèce parapluie, c’est tout son écosystème qui est en jeu », insiste Joëlle Lallemand. Une espèce parapluie est une espèce qui vit sur un large territoire, dont dépendent de nombreuses autres espèces.
Dans leur requête, les associations pointaient l’effet sur l’habitat de l’outarde de tout le système des bassines : les réserves en elles-mêmes (d’immenses structures bâchées) mais aussi les grandes cultures qu’elles alimentent. « L’outarde a besoin d’une variété de paysages, d’insectes que détruisent les pesticides… L’agriculture intensive va à l’encontre de cette diversification, détaille Jean-Michel Passerault. Enfin, la justice reconnaît la biodiversité ! »
Les défenseurs des bassines… satisfaits de la décision
Maîtresse d’ouvrage du projet, la Coop de l’eau 79 a décidé de voir la bassine à moitié pleine. La cour « valide l’autorisation concernant douze réserves, ce qui est déjà une victoire », se félicite son président, Thierry Boudaud dans un communiqué. Pour les quatre autres, elle constate qu’il manque un élément de l’autorisation environnementale, en l’occurrence la dérogation “espèces protégées” délivrée par l’État. » Une procédure évaluée à « un an environ » pendant lequel la décision autorise à utiliser l’eau déjà stockée à date dans la réserve de Sainte-Soline.
Satisfaits du coup de frein et du coup de projecteur mis par la cour, les défenseurs de l’environnement regrettent que la décision n’ait tenu qu’aux plumes de l’outarde alors que la requête soulevait également les questions de l’eau et du dimensionnement. « Les juges n’ont pas pris toute la mesure technique du dossier, rumine Julien Le Guet. Un exemple : Ils n’ont pas retenu le fait que la bassine de Mauzé a été remplie pendant que le cours d’eau voisin était à sec. Mais d’autres juridictions l’examineront. »
« Cela confirme qu’il faut adopter une diversité de tactiques »
La décision du 18 décembre a en effet un précédent, souligne Marie Bomare, juriste pour Nature Environnement 17. Soit « la décision du tribunal administratif de Poitiers cet été qui concluait que les volumes d’eau prélevés étaient excessifs ». Ainsi, en quelques mois, deux décisions de justice ont remis en cause la légalité de ces réserves d’eau.
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« Cela confirme qu’il faut adopter une diversité de tactiques, assure Julien Le Guet. On espère que ça retiendra d’autres porteurs de projet de s’y mettre ailleurs en France. » Tous les requérants affirment être prêts à aller plus loin. « La Coop de l’eau est fragilisée, souligne Joëlle Lallemand. Peut-être que ce jugement est le premier domino qui fera tomber le système des bassines. »
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