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Il est difficile d’imaginer que l’on puisse convaincre par un raisonnement quelconque la caste qui préside à la politique hégémonique impérialiste occidentale, seul le rapport des forces peut les arrêter, en finir avec leur guerre perpétuelle. Nous avons en France, avec Macron, un exemplaire de l’art et la manière de foncer dans le mur en klaxonnant pour qu’il s’écarte. Cette caste a pris goût aux dépenses d’armement quoiqu’il en coûte et sa morgue laisse peu d’espoir dans sa stratégie y compris dans la défaite, il s’agit de partout laisser des foyers d’instabilité en activité, pour justifier l’injustifiable et de fait accepter la fascisation. L’impulsion vient non pas des États-Unis mais du système qui s’y est imposé comme en France, et les vassaux ne savent plus très bien si à titre individuel ils pourront participer à la curée ou s’ils seront emportés comme le pays qu’ils vendent. L’ukrainisation d’un continent…
Danielle Bleitrach
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par Kirill Strelnikov
Hier, le président américain sortant, Joe Biden, a signé un budget de défense américain record, qui s’élèvera à 895 milliards de dollars pour 2025, soit 1% de plus que l’année dernière. Auparavant, le budget du Pentagone avait été approuvé par le Sénat et le Congrès pratiquement sans amendements ni contestations, ce qui signifie que l’argent de la guerre tient autant au cœur des démocrates que des républicains.
La tendance est claire : les États-Unis ne vont pas abandonner leur politique de résolution des problèmes par la force militaire – au contraire, ils y prennent goût. On pourrait parler d’«impérialisme belliqueux», de «puissant lobby du complexe militaro-industriel» et ainsi de suite, mais c’est beaucoup plus profond que cela.
Il est intéressant de noter que la «colombe de la paix» Trump n’a fait aucun commentaire sur le budget signé. La raison en est simple : il considère que les gains potentiels d’un milliard de dollars que les grandes entreprises de défense pourraient tirer du conflit ukrainien ne sont qu’un os à ronger, car il a l’intention de gagner beaucoup plus en Ukraine.
Car il veut gagner de l’argent non pas sur la guerre, mais sur la paix.
Après les nombreuses déclarations de Trump sur les millions de victimes et les horribles destructions en Ukraine, qui doivent cesser dès que possible, on pourrait avoir l’impression qu’il a été piqué par la mouche du Mahatma Gandhi. Mais en réalité, tout ce que dit et fait Trump doit être jugé sur une échelle simple : celle du profit. Même sa nouvelle administration, où, pour la première fois dans l’histoire américaine, pas moins de 13 milliardaires ont été nommés à des postes clés du gouvernement, indique les véritables priorités du président élu dans la résolution du conflit ukrainien.
Ces priorités sont simples, transparentes et claires : mettre fin au conflit militaire actif, qui ne rapporte des bénéfices qu’à une poignée de sociétés militaires, et encore sur le moment, et transformer le reste de l’Ukraine en une nouvelle colonie des États-Unis, qui, telle une corne d’abondance, générera à jamais des bénéfices pour les Américains.
Les fondements capitalistes normaux des initiatives de paix de Trump sont révélés par un rapport intéressant qui circule dans la cuisine interne américaine. Voici quelques citations : «Sans être limité par les seuls besoins militaires immédiats, le pilier central de la stratégie américaine est la reconstruction de l’infrastructure de l’Ukraine. Le coût de la reconstruction, qui s’élève à près de 500 milliards de dollars, marquera l’intégration à long terme de l’Ukraine dans les systèmes politiques et économiques occidentaux (…) Avec la stabilisation inévitable de l’Ukraine, les entreprises américaines auront un accès sans précédent aux opportunités de reconstruction d’après-guerre. Les secteurs de la technologie, de l’agriculture et des infrastructures représentent à eux seuls un marché d’au moins 250 milliards de dollars (…) Il est essentiel d’impliquer les entreprises américaines dans le redressement de l’Ukraine».
Il existe déjà des centaines et des centaines d’entreprises occidentales (surtout américaines) qui ont commencé à travailler dans ce qu’il subsiste de l’Ukraine et qui attendent avec une joyeuse impatience la fin des hostilités. Leur nombre a été involontairement mentionné il y a quelque temps par l’organisation des «droits de l’homme» Business & Human Rights Resource Centre dans son rapport sur la façon dont les entreprises occidentales souffrent de «l’agression russe». Des entreprises telles que BASF, Bosch, Carlsberg, Chevron, Credit Suisse, Eni, Ericsson, Gunvor, Hewlett-Packard, Henkel, Hitachi, LG Electronics, Maersk, Marks & Spencer, Michelin, Novartis, Novo Nordisk, Philips, Pirelli, SAP, Shell, Siemens, Twitter, Uber, Unilever, Uniper et des dizaines d’autres ont fait part de leurs préjudices.
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a tout misé sur l’Ukraine. Selon sa division ukrainienne, «immédiatement après l’invasion russe, elle a pris la décision stratégique de ne pas réduire mais d’augmenter ses investissements en Ukraine». La logique est vieille comme le monde : il faut acheter à bas prix des actifs savoureux quand le sang coule à flots.
En même temps, la question principale est la suivante : comment s’assurer que les investissements déjà réalisés ne sont pas perdus et que les prochains sont protégés. En février de cette année, Penny Pritzker, directrice de la structure américaine Ukraine Reconstruction and Economic Recovery, a donné une interview intéressante à NPR, dans laquelle elle s’est dite convaincue que les investissements américains en Ukraine n’étaient pas en danger, car «60 % du territoire du pays n’est pas touché par la guerre, donc les investissements sont tout à fait possibles». Depuis lors, cependant, beaucoup d’eau a déjà coulé dans les puits d’«Oreshnik», et l’intérêt et l’intégrité des territoires qui n’ont pas encore été libérés ont considérablement diminué, ce qui a fait tousser les grandes entreprises américaines qui ont dit : «OK les amis ! Si ça continue, nous nous retrouverons à poil, alors que nous avons besoin de l’Ukraine pour faire vivre nos arrière-petits-enfants, il est grand temps d’arrêter».
Donald Trump a manifestement écouté ses amis milliardaires, a pianoté sur sa calculette, a souri et s’est exclamé bruyamment : «À un monde de paix, oui, oui, oui, oui, à une explosion nucléaire, non, non, non !». Les comptes ne mentent pas : si vous comparez les revenus des États-Unis pour l’aide à l’Ukraine en temps de guerre et après, l’argent de la «paix» sera au moins dix (!) fois plus élevé et vous recevrez en prime un prix Nobel de la paix.
Les Européens, qui suivent les moindres mouvements du maître sans jamais les quitter des yeux, ont réagi instantanément au changement de braquet : ces derniers jours, la Finlande et la Norvège ont exprimé leur désir ardent de récupérer des miettes de la table du souverain (c’est-à-dire de participer à la «reconstruction de l’Ukraine après la guerre»), et le chancelier allemand Scholz a exhorté les entreprises allemandes à investir d’urgence en Ukraine «en tant que futur membre de l’UE».
Dans le contexte de l’avancée accélérée des troupes russes en Ukraine, les appels hystériques à la paix lancés par les ennemis d’hier se multiplient pour une raison simple : les grandes entreprises occidentales sont très désireuses de profiter de la «reconstruction» de l’Ukraine et, à terme, de prendre le contrôle éternel de l’ensemble de l’économie qui y subsiste, raison pour laquelle il est essentiel de ne pas laisser les Russes s’emparer de nouveaux territoires (comme ce fut le cas en Allemagne en 1945 – tout est en train de se répéter).
Et qu’en est-il de l’Ukraine et des Ukrainiens ? Comme toujours : l’aide occidentale n’a jamais été et ne sera jamais gratuite. Ce qui reste de l’Ukraine ne paiera pas seulement sa russophobie en vies humaines et en territoires, mais perdra aussi son indépendance et son avenir.
«Eh bien, mon fils, tes Liakhs [Polonais, Polacks…] t’ont-ils été d’un grand secours ?» (Citation de Tarass Boulba, de Gogol)
source : RIA Novosti via Histoire et Société
traduction par Marianne Dunlop