27 décembre 2024 à 16h17
Mis à jour le 28 décembre 2024 à 09h38
Durée de lecture : 5 minutes
« Ceci devrait être un électrochoc pour le nouveau gouvernement. » Le 27 décembre, un aperçu inédit de la quantité de gaz à effet de serre (GES) émis par la France au cours des neuf premiers mois de l’année 2024 a été publié. Et ce baromètre n’est pas de bon augure : « Les émissions sont reparties à la hausse au troisième trimestre », déplore la directrice des programmes au Réseau Action Climat, Anne Bringault, sur le réseau social Bluesky.
Mandaté par le ministère chargé de la Transition écologique pour mener à bien cet inventaire, l’organisme Citepa détaille les chiffres dans un communiqué. De janvier à mars 2024, il a enregistré une réduction de 5 % des émissions de GES par rapport à la même période l’année précédente. D’avril à juin, cette baisse n’était plus que de 2,2 %. Et entre juillet et septembre, les émissions sont reparties à la hausse, de 0,5 %.
Sur l’ensemble de ces trois trimestres, les émissions demeurent en diminution de 2,4 %. À titre de comparaison, les neufs premiers mois de l’année 2023 avaient été marqués par une baisse de 6 % des émissions par rapport à 2022. Une dynamique réjouissante que le Premier ministre de l’époque, Gabriel Attal, s’était aussitôt attribuée en déclarant : « Nous n’avons de leçons à recevoir de personne en matière d’efficacité écologique et environnementale. »
Centrales nucléaires et inflation
« Ce ralentissement, fort heureusement, nous laisse encore sur la bonne trajectoire, a tenté de rassurer Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, au micro de RTL. Compte tenu des efforts que nous avons faits ces deux dernières années, nous ne prenons pas de retard [sur la trajectoire que s’est fixée la France]. Mais attention, ça nous rappelle qu’il ne faut pas baisser la garde. »
Déjà en juin, dans son sixième rapport, le Haut Conseil pour le climat alertait sur ces chiffres en trompe-l’œil. La présidente de l’instance, Corinne Le Quéré, précisait à Reporterre qu’un tiers de la baisse des émissions observées en 2023 était due à des facteurs conjoncturels — tels que la remise en route de centrales nucléaires ou l’inflation.
Avec ces nouvelles données, le Citepa semble ainsi montrer que les politiques publiques ne sont pas suffisantes pour maintenir la France sur la trajectoire d’une réduction de 55 % des émissions de GES du pays d’ici à 2030. Autrement dit, 270 Mt CO2e annuel.
Pour atteindre cet objectif, les émissions doivent être réduites de 4,7 % tous les ans. Au premier trimestre 2024, tous les grands secteurs semblaient en bonne voie pour jouer leur rôle dans cette diminution. En tête de peloton, figuraient ceux de la production d’énergie (‑ 2,9 Mt CO2e), des bâtiments (‑ 1,6 Mt CO2e), de l’industrie (‑ 1,4 Mt CO2e) et des transports (‑ 1,3 Mt CO2e). Toutefois, six mois plus tard, la donne avait changé.
« Les entreprises achètent deux fois moins de voitures électriques que les ménages »
Du côté des bâtiments d’abord, une envolée de 11,8 % des émissions a été enregistrée au troisième trimestre. La faute à une augmentation de la pose de chaudières à gaz et de l’utilisation du fioul, a assuré Agnès Pannier-Runacher, qui a ajouté : « Ce n’est pas une bonne nouvelle. »
Par ailleurs, les émissions des transports routiers étaient elles aussi en hausse au troisième trimestre : « Les entreprises achètent deux fois moins de voitures électriques que les ménages, a poursuivi la ministre, toujours sur RTL. Elles ne jouent pas le jeu, alors il va falloir les y pousser. » Anne Bringault pointe, elle, la responsabilité de l’État et déplore la baisse des soutiens publics aux véhicules électriques et au financement des mobilités alternatives, comme le train et le vélo.
Parmi les autres secteurs passés au crible, celui de la production d’électricité affiche des résultats encourageants, dont la principale raison est un moindre recours aux combustibles fossiles. L’industrie manufacturière doit, elle, la baisse de 3,3 % de ses émissions aux efforts fournis par le sous-secteur des matériaux de construction — comme le ciment et le verre.
L’aérien en baisse grâce à la suppression des vols courts
Enfin, après un rebond en 2022, le secteur aérien domestique poursuit le déclin de ses émissions avec 3,5 % en moins en 2023 et 4,2 % en moins en 2024. Une trajectoire notamment liée à la suppression des vols inférieurs à 2 heures 30, si une alternative ferroviaire directe existe.
À noter que, pour le moment, l’ensemble de ces chiffres n’inclut que partiellement certains secteurs, comme l’agriculture, les déchets et les gaz fluorés. De même, la quantité de carbone absorbée naturellement par les forêts et les sols n’est pas prise en compte. Or, sous l’effet du changement climatique et de la hausse des récoltes de bois, l’efficacité de ces puits de carbone s’amenuise. Il faudra ainsi patienter jusqu’à l’analyse des inventaires consolidés, dont la parution est prévue mi-2025, pour obtenir le chiffre précis de la réduction des émissions de GES en France durant l’année sur le point de se clore.
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