Comment Cannes se prépare à un tsunami


Cannes (Alpes-Maritimes), reportage

Il est 14 h 25, ce jeudi de décembre, quand le haut-parleur se met en marche : « Alerte tsunami. Évacuez immédiatement le bord de mer. » Le pas presse. Louise est essoufflée. Avec sa classe de troisième, la collégienne marche dos au port du Mouré Rouge de Cannes (Alpes-Maritimes). Elle a pris la bonne direction : « Les premières bases », en se dirigeant bien dos à la mer en suivant les petites flèches par terre. Elle a couru : mauvais réflexe, car, comme dans tout exercice d’évacuation, il ne faut jamais courir pour ne pas se blesser, et il faut faire attention aux voitures, bien s’orienter et éviter la panique. Cette alerte est un « exercice », répète trois fois le haut-parleur.

Vingt ans après le tsunami qui a dévasté l’Asie du Sud-Est et causé plus de 250 000 morts, la menace d’une submersion est prise au sérieux sur la Côte d’Azur. Le 16 décembre 2024, un séisme de magnitude 3,7 s’est d’ailleurs produit au large de Monaco, avec des secousses ressenties dans toute la région, rappelant que le risque était bien présent.

« Les failles sismiques bougent régulièrement »

Cannes se prépare donc à faire face à la vague. Elle est la première ville de France métropolitaine et de Méditerranée à obtenir la certification de l’Unesco « Tsunami ready ». Ses systèmes d’alerte, ses tests grandeur nature et sa signalétique d’évacuation sont reconnus par l’organisation onusienne. Reporterre a suivi un exercice de simulation de tsunami, comme il en est réalisé tout au long de l’année.


Une quinzaine de sites refuge ont été définis à Cannes en cas de tsunami.
© Laurent Carré / Reporterre

La mer est d’huile dans le port. Au large, les vaguelettes amusent amateurs de planche à voile et de kitesurf. Difficile d’imaginer un tsunami sur les côtes cannoises. « Ce risque existe en Méditerranée », dit pourtant Bernardo Aliaga, chef de la section résilience aux tsunamis à l’Unesco.

Selon l’organisation, la probabilité d’une vague de plus d’un mètre en Méditerranée dans les trente prochaines années est proche de 100 %, alors qu’il suffit d’une montée d’eau de 50 centimètres pour emporter poubelles et voitures. « Les failles sismiques sont actives, dit Yannick Ferrand, directeur des risques majeurs de Cannes. Elles bougent régulièrement. »

« Si les gens ne sont pas informés, ça peut tourner à la catastrophe »

Une onde après un séisme au large d’Alger arriverait sur la Côte d’Azur en 1 h 10, un mouvement d’eau sur la faille ligure (entre la Corse et le continent) se ressentirait dix minutes plus tard. « On ne peut pas tenir sur ses pieds. Si on ne s’accroche pas à un arbre, on finit par tomber », décrit Bernardo Aliaga.

Louise n’était pas née quand, en 2004, un tsunami a déferlé sur les littoraux de l’océan Indien, causant la mort de 230 000 personnes. « Ça a été une prise de conscience qu’on pouvait réduire l’impact sur les pertes humaines grâce à la prévention de la population côtière, poursuit l’expert de l’Unesco. Si les gens ne sont pas informés, ça peut tourner à la catastrophe. » Cette prévention passe par l’apprentissage de la culture du risque.

Des panneaux partout en ville

À Cannes, les écoliers, les seniors, les plagistes, les pêcheurs sont sensibilisés. Ils savent qu’il faut se réfugier à cinq mètres d’altitude ou 200 mètres du rivage. Partout en ville, on trouve des petits panneaux sur les poteaux et des macarons au sol avec le sigle de la vague. Leurs flèches indiquent le chemin à suivre jusqu’à la « zone refuge », où il faut attendre les pompiers ou patienter jusqu’à la fin de l’alerte.


Les collégiens de Cannes ont été formés aux bons gestes à adopter en cas d’alerte au tsunami.
© Laurent Carré / Reporterre

Le poste de commandement communal coordonne les opérations. C’est dans ses locaux du centre-ville de Cannes que toutes les images des caméras sont visionnées et que la cartographie d’évacuation est élaborée. C’est ici que l’alerte est déclenchée et que les messages sont diffusés via haut-parleurs. « Le 3 octobre 2015, on a eu des inondations catastrophiques, avec des morts, rappelle Yannick Ferrand. Ça a été l’électrochoc pour mettre en place cette politique publique. »

« On ne sait pas combien va mesurer la vague, ni si elle va faire de gros dégâts »

« Ça fait un drôle d’effet, reconnaît l’enseignante Nathalie Battle, la professeure de SVT de Louise, qui a vécu ces alertes. Les élèves vivent dans une zone à risques. Maintenant, ils ont la notion qu’une vague peut arriver. C’est de l’éducation à la population. » Louise, 15 ans, a conscience qu’il faut « faire attention ». Ça fait « un peu peur » à sa camarade Émilie : « On ne sait pas combien va mesurer la vague, ni si elle va faire de gros dégâts. » « Ce sont les mauvais réflexes qui sont dangereux. On ne peut pas imaginer que de grosses vagues cassent tout », dit Cassiano. Avant de minimiser : « Mais ça ne me fait pas peur. Au pire, je nage. »

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