Palestiniennes emprisonnées, une histoire de résistances, par Hélène Servel & Asja Zaino (Le Monde diplomatique, janvier 2025)


Éducation et formation politiques derrière les barreaux

En décembre, alors qu’Israël poursuivait ses bombardements sur les camps de réfugiés dans la bande de Gaza, la question de l’échange de prisonniers restait au cœur des discussions en vue d’un cessez-le-feu. Les détenues palestiniennes sont souvent les premières libérées, avec les mineurs. Leur mouvement a forgé une unité singulière, notamment autour des actions d’éducation et à rebours d’une résistance qui demeure très divisée.

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Taysir Batniji. – Détail de l’installation « Hannoun », 2009

Courtesy Taysir Batniji et galerie Eric Dupont

Des cris d’allégresse à travers les salons, des larmes qui coulent sur les visages fatigués par l’attente insupportable du retour, des voisins qui viennent présenter leurs félicitations. Fin novembre 2023, des Palestiniennes se retrouvent dans les bras de leurs proches, parfois après plusieurs années de séparation. Des vidéos sur les réseaux sociaux montrent presque en direct la libération de dizaines de prisonnières des geôles israéliennes. Elles ont été arrêtées de quelques semaines à dix années plus tôt, pour des raisons souvent floues. Certaines d’entre elles sont très jeunes, parfois mineures, d’autres âgées avec des problèmes de santé.

Depuis la création de l’État d’Israël en 1948, la prison occupe une place centrale dans les rapports de domination structurant le quotidien de la population palestinienne. Au fil des années, l’administration coloniale a superposé deux systèmes juridiques, créant une « disparité légale » sur une base ethnique : pour un crime de même nature et commis au même endroit, un Palestinien sera jugé par un tribunal militaire, alors qu’un colon le sera par un simple tribunal civil. Ce principe discriminatoire vaut pour tous les Palestiniens, qu’ils soient de Cisjordanie, de Jérusalem, citoyens d’Israël ou qu’ils résident à l’étranger. Considérés comme une population suspecte dans son ensemble, ils sont assimilés à une menace pour l’État, avec le statut de « détenus de sécurité ». Sur ce fondement, ils font l’objet d’un régime de détention administrative qui permet une incarcération illimitée, sans accusation formelle ni procès, et pour des motifs secrets auxquels leurs avocats n’ont pas accès. Pouvant durer six mois et renouvelables indéfiniment par un juge militaire, les détentions de ce type concernent aujourd’hui plus de 3 400 Palestiniens. Au total, près d’un million de personnes ont connu l’enfermement depuis 1967, soit près de 40 % de la population masculine. Chaque famille compte ainsi un ou plusieurs détenus.

Des victoires passées sous silence

Au fil des (…)

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Hélène Servel &

Asja Zaino

Respectivement doctorante à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et auteure de l’ouvrage Des hommes entre les murs. Comment la prison façonne la vie des Palestiniens, Agone, Marseille, 2016, et journaliste.



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