excès de précaution ou moindre mal ?


La tempête Floriane a traversé en quelques heures seulement la France, de la Vendée aux Ardennes. Pourtant, le lundi 6 janvier, des milliers de passagers sont restés à quai. La SNCF avait décidé d’annuler, par précaution, de nombreux trains dans les régions concernées, comme elle le fait désormais à chaque avis de tempête. La veille, Météo-France avait en effet annoncé des rafales pouvant atteindre localement de 110 à 120 km/h.

« Lorsque Météo-France émet une vigilance rouge, ou que des risques comme des vents violents se précisent, nous faisons désormais le choix d’arrêter temporairement la circulation des trains sur les lignes concernées », explique SNCF Réseau interrogé par Reporterre. Objectif de cet arrêt préventif : « Éviter que des trains avec des voyageurs ne soient bloqués en ligne, en raison de chutes d’arbres notamment. » 

Ces « stop circulation », tels que les a baptisés l’entreprise, sont mis en œuvre depuis un an dans le cadre du dispositif d’adaptation du réseau ferroviaire au changement climatique. SNCF Réseau assure que le dispositif, déclenché une dizaine de fois lors des dernières tempêtes en 2024, a prouvé son efficacité.

« Un moindre mal »

Qu’entend SNCF Réseau par « vents violents » ? « À partir de 80-100 km/h, des mesures peuvent être prises », répond-elle. Mais ces seuils peuvent varier selon le lieu (sur les côtes, dans les terres), selon les périodes (vagues de déplacements durant les vacances), selon si les sols sont détrempés, si la ligne ferroviaire est escarpée ou entourée de beaucoup d’arbres, etc.

« Quand on est en période humide comme en ce moment, c’est très compliqué, les arbres se déracinent plus facilement en cas de vent », confirme François Delétraz, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), pour qui l’annulation préventive des trains est « un moindre mal ».

Le responsable de la Fnaut rappelle qu’avant, en cas de tempête, les trains étaient fortement ralentis. « Tout le système de plan de transport était donc bousculé, avec des conséquences lourdes pour les passagers puisqu’ils ne savaient plus quand le train arrivait et quand il repartait. » Une situation qui laissait des milliers de personnes dans les gares « non adaptées pour accueillir des milliers de voyageurs et servir de zone tampon en cas de tempête », estime-t-il.

40 000 usagers empêchés en Île-de-France

Cette suspension ferroviaire le jour de la rentrée n’a pourtant pas manqué d’énerver nombre d’usagers. « Pour éviter que 500 personnes soient coincées 2 à 3 heures dans un train à cause d’un arbre tombé sur les voies, ils préfèrent empêcher 20 ou 40 000 usagers de se déplacer en train. Principe de précaution louable ou nivellement par le bas ? » s’interroge sur X le collectif Plus de trains, une association d’usagers des lignes RER et Transilien.

« Pour éviter de voir des images sur les réseaux sociaux de voyageurs bloqués »

Au téléphone, Arnaud Bertrand, son président, regrette que l’ensemble des lignes franciliennes, « sauf une », aient été arrêtées en partie entre 9 et 15 heures, « en gros, sur toutes les zones qui traversent des forêts ». Selon lui, SNCF Réseau a fait ce choix « pour éviter de voir des images sur les réseaux sociaux de voyageurs bloqués ».

Il dénonce aussi le fait que l’information n’ait été diffusée que très tardivement la veille, et que la suspension qui devait intervenir à partir de 10 heures en Île-de-France ait été avancée à 9 heures, empêchant de nombreux voyageurs d’aller au travail. « Les rafales étaient annoncées à 100 km/h au maximum pendant une heure, une vitesse revue à la baisse le matin, à 85 km/h. On est dans l’excès de précaution de notre point de vue. »

Une végétation mal entretenue

Il pointe surtout un problème de gestion de la végétation aux abords des voies. La réglementation interdit à tous les propriétaires riverains du chemin de fer de planter ou de laisser des arbres ou haies dépasser une certaine hauteur. En cas de chute de troncs ou branches sur la voie, ils encourent une amende pour atteinte au domaine public ferroviaire.

« L’entretien n’est pas fait comme il devrait l’être, estime Arnaud Bertrand. Plein de gens ne respectent pas cette règle, et sont ravis d’avoir de la végétation pour ne pas voir passer les trains et avoir moins de bruit. Il faut que les riverains respectent la loi, que la SNCF se fasse respecter et qu’elle-même procède à l’entretien de sa propre emprise. »

La lutte contre la végétation est un gros enjeu pour SNCF Réseau. « Les effets du changement climatique représentent aujourd’hui un défi majeur, et concernent notamment la maîtrise de la végétation, explique l’entreprise. Avec des températures plus chaudes et des périodes de croissance prolongées combinées à des épisodes de forte pluviométrie, la végétation peut se développer plus rapidement. Cela peut entraîner une prolifération excessive de la végétation sur les voies et aux abords, nécessitant des efforts accrus pour la maîtriser. »

Des arbres fragilisés par le changement climatique

Autre effet du changement climatique : les arbres deviennent plus fragiles, d’une part parce que l’alternance saturation en eau/sécheresse des sols les déstabilise et, d’autre part, à cause des maladies ou des parasites qui les affaiblissent. « Pour une tempête d’intensité équivalente, un arbre qui aurait résisté il y a vingt ans, a aujourd’hui de grandes chances de tomber », relève SNCF Réseau.

En 2023, 240 000 minutes ont été perdues à cause des chutes d’arbres ou de feuilles mortes (phénomène de patinage) ou encore des feux de broussailles. Le budget pour la taille des végétaux a plus que doublé, passant de 90 millions d’euros en 2010 à 210 millions d’euros en 2024. C’est le premier poste de dépenses de maintenance du réseau ferré, selon SNCF Réseau.

Depuis trois ans, l’entreprise n’a plus recours au glyphosate et expérimente diverses techniques selon les zones, comme le recours à des herbicides « à plus de 95 % de biocontrôle », l’installation de géotextiles antivégétation, l’écopâturage ou encore « l’ensemencement choisi » qui permet de sélectionner des plantes à la croissance adaptée.

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