Pour Jean-Marie Le Pen, l’écologie était un prétexte au racisme


Les climatosceptiques perdent un de leurs plus illustres représentants. Le cofondateur du Front national Jean-Marie Le Pen, ouvertement anti-écologie, est mort le 7 janvier, à Garches (Hauts-de-Seine), à l’âge de 96 ans.

D’abord député, l’homme politique d’extrême droite a été à plusieurs reprises candidat à l’élection présidentielle, allant jusqu’à se qualifier au second tour face à Jacques Chirac en 2002. Il a finalement été exclu du Front national par sa fille Marine en 2016, et a quitté son mandat de député européen en 2019.

Affaibli par un malaise cardiaque en 2023, il s’est depuis fait beaucoup plus discret. Sa vie a été marquée par de multiples polémiques : des accusations de torture pendant la guerre d’Algérie, les chambres à gaz de la Seconde Guerre mondiale qui ne seraient qu’un « détail de l’histoire », le racisme, l’homophobie. Il a aussi multiplié les provocations et les contre-vérités en matière d’environnement.

La crise climatique : une invention des écologistes

Jean-Marie Le Pen a ainsi été un éternel climatosceptique, présentant le changement climatique comme une invention des écologistes destinée à imposer leur programme politique. Leur « catastrophisme », qui s’appuierait « sur l’analyse discutable de phénomènes comme “l’effet de serre” », leur servirait à « imposer des solutions mondialistes, négation de notre civilisation et de notre identité », assurait-il en 2002.

En 2010, lors d’un colloque sur le thème « Réchauffement climatique, mythe ou réalité ? » destiné à dénoncer la « manipulation » du « prétendu réchauffement climatique », Jean-Marie Le Pen fustigeait « l’écologisme, nouvelle religion des bobos gogos ». Un certain nombre de ses saillies climatosceptiques ont été livrées sur Twitter, son réseau social préféré : « Sans le réchauffement climatique on mourrait de froid » (janvier 2018) ; « Brrr Brrr on se caille les miches. Ceux qui dénoncent le réchauffement climatique sont désespérés » (février 2018).

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Au-delà du climatoscepticisme, il a bâti une vision de l’écologie profondément nationaliste et excluante, prémisse d’une forme de localisme exaltant les paysages et les valeurs traditionnelles que continue de promouvoir l’extrême droite. Dans un discours de 2007, il a dit vouloir « sauvegarder le patrimoine de la France qui s’incarne dans un peuple et dans une civilisation, mais aussi dans un terroir, avec ses paysages, sa faune et sa flore » et promouvoir « une écologie authentique, fondée sur le respect de l’ordre naturel, le bon sens et la confiance dans le génie humain ».

Défense des chasseurs

Ceci, sans toutefois tourner le dos au dogme de la croissance : « Ce n’est pas en freinant la croissance économique de nos nations que nous protègerons notre environnement. Ce sont les progrès technologiques qui ont permis d’avoir des voitures aujourd’hui, dont la pollution est inférieure de 20 % à celles d’il y a vingt ans. »

Cette écologie a ses acteurs, forcément issus de la ruralité et des pratiques traditionnelles. Par exemple, les chasseurs : « Vous faites au quotidien de l’écologie, du terrain. Quand les écologistes professionnels ne s’intéressent qu’à l’exceptionnel, l’ours dans les Pyrénées, le loup dans le Mercantour, vous, vous gérez la nature en vraie : la grive, la palombe, le canard, le perdreau ou le lièvre, et on vous attaque », leur a-t-il déclaré en 2007.

Ou encore, les paysans traditionnels : sans préciser quelle est sa vision de l’agriculture, il a pourfendu « une agriculture vouée au productivisme », caractérisée par l’utilisation d’OGM et surtout de pesticides qui « a conduit, d’une part, à la destruction de 60 % de l’humus naturel de nos terres […], d’autre part, à la pollution des nappes phréatiques ». Ainsi qu’à « la disparition de deux millions de paysans » et des paysages ruraux — notamment du bocage — et à l’essor d’un élevage industriel « menaçant notre santé et imposant des conditions d’exploitation indignes pour les animaux ».

« Une instillation régulière et massive d’un sang non européen »

Ce localisme est inséparable de son racisme, puisqu’il s’agit de ne pas mélanger les peuples entre eux : « On a persuadé les Européens que l’enfant est une charge insupportable, et que l’Autre, c’est-à-dire les peuples d’immigration, nous fournira la population qui nous manque. […] Sous le travestissement de l’intérêt matériel immédiat, se cache le projet de supprimer physiquement les peuples, par une instillation régulière et massive d’un sang non européen », écrit-il ainsi en 1991.

L’écologie, un prétexte pour déverser son racisme

L’écologie devient un prétexte parmi tant d’autres pour exprimer sa xénophobie, comme en 2002, où le Front national s’inquiétait de « la mise à mort, dans des conditions illégales, barbares et contraires à l’hygiène publique, de milliers de moutons à l’occasion des fêtes musulmanes ».

Il reste cependant difficile de trouver une cohérence d’ensemble dans ses déclarations sur l’environnement, un sujet qui ne l’a jamais réellement intéressé. Le nucléaire a été un exemple éclatant de ses changements de pied. En 1996, Jean-Marie Le Pen a vertement critiqué la décision de Jacques Chirac de mettre fin aux essais nucléaires l’accusant de « [renoncer] implicitement à défendre notre indépendance, et donc notre souveraineté ».

Dans son programme de 2007, il indiquait aussi vouloir « poursuivre l’effort sur le nucléaire » en développant des filières de réacteurs de troisième et quatrième générations et en relançant la construction d’un surgénérateur.

Cela ne l’a pas empêché, la même année, de dénoncer comme dangereuse la centrale nucléaire tchèque de Temelín et l’accord sur le nucléaire conclu entre la France et la République tchèque. Et, en 2016, d’assurer que son hypothyroïdie avait été causée par son irradiation lors du passage du nuage de Tchernobyl en France — il dit l’avoir senti passer le dimanche suivant la catastrophe alors qu’il était en train de prendre un bain de soleil à Cannes. « C’est une catastrophe qui doit toujours nous faire penser que le nucléaire comporte un risque très grand », a jugé l’homme politique.

Les Verts, des « partisans de l’immigration totale »

Il ne s’est enfin jamais lassé d’attaquer l’écologie politique. Les Verts étaient à ses yeux « les plus extrémistes partisans des solutions les plus néfastes » et « les plus fervents partisans de l’immigration totale », a-t-il ainsi déclaré en 1992. Les Verts et « leur esprit totalitaire » étaient l’une des cibles privilégiées de Jean-Marie Le Pen. En 2007, il critiquait leur « autophobie, qui les amène à créer à Paris des embouteillages monstres, lesquels augmentent la pollution ». Selon lui, en tentant de limiter l’usage de la voiture dans la capitale, « leur écologie dévoyée peut conduire à l’établissement d’un système totalitaire mondial, un Big Brother contrôlant nos faits et gestes ».

Autre exemple, la même année, où il estimait que leur volonté de ralentir la croissance économique était une « idéologie, d’apparence bucolique, qui est en réalité plus criminelle que celles qui ont ensanglanté le siècle dernier, puisque sa mise en œuvre impliquerait la mort de milliards d’hommes. Comme cela a d’ailleurs été le cas au Cambodge où des millions d’hommes ont été tués par les communistes pour revenir à l’ère préindustrielle ».

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