Pourquoi le prix de l’électricité aurait pu baisser encore plus


7 janvier 2025 à 09h51

Mis à jour le 7 janvier 2025 à 11h17

Durée de lecture : 5 minutes

C’est une des nouvelles a priori revigorantes de 2025 : à partir du 1er février, le prix du kilowattheure (kWh) va diminuer pour environ deux tiers des consommateurs et consommatrices d’électricité. Il doit passer de 25 à 22 centimes, soit -14 %. Mais est-ce une vraie bonne nouvelle ? Si l’on regarde dans le détail, cette baisse masque les hausses de plusieurs des composantes de ce prix. Explications.

Le prix de l’électricité s’appuie sur trois éléments :

  • la production de l’électricité en tant que telle (55,2 % en 2024) ;
  • la part « réseaux » (20,5 %) ;
  • et les taxes prélevées par l’État (24,3 %).

Cette année, la part « production de l’électricité » diminue. Sur les marchés, les prix de l’électricité s’étaient envolés lors de l’hiver 2022, avec l’invasion russe de l’Ukraine et l’indisponibilité du parc nucléaire français. Ils ont désormais clairement diminué en à peine deux ans, passant de 170 euros/mégawattheure (MWh) à 76 euros, soit -55,29 % ! Ce qui se répercute aujourd’hui sur le tarif du 1er février.

Cependant, cette baisse aurait pu être bien plus importante. Elle est compensée par l’augmentation des deux autres composantes du prix : les parts « taxes » et « réseaux » de la facture. Du côté des taxes, c’est l’accise sur l’électricité qui augmente. Reversée au budget général de l’État, celle-ci a baissé quand le gouvernement a mis en place un bouclier tarifaire. Comme il prend fin, la part de l’accise augmente pour retrouver son niveau d’avant la crise. De 21 euros/MWh, elle sera portée à 33,7 euros/MWh dès le 1er février, soit +60,5 %. Pour un foyer moyen (qui consomme 5 000 kWh/an), cela représente un surcoût annuel d’environ 70 euros.

C’est un très mauvais signal d’après les experts de la transition énergétique. « À mon avis, revenir à un niveau de taxation pré-crise sans s’interroger sur le bien-fondé de cette taxe est une occasion manquée d’envoyer un signal favorable à l’électrification », analyse le consultant en énergie Nicolas Goldberg.

D’après lui, comme les usages des Français pour se déplacer, se chauffer, se divertir, produire, etc. doivent s’électrifier en masse d’ici à l’horizon 2050, le meilleur signal serait de ne « pas augmenter les taxes » liées à l’électricité.

Or, pendant les débats autour du budget 2025, Michel Barnier avait envisagé de relever la fiscalité à un niveau supérieur à celui qui avait cours avant le bouclier tarifaire, pour faire entrer 3,4 milliards d’euros dans les caisses de l’État. Cela aurait eu pour conséquence de limiter la baisse de la facture électrique à seulement 9 %.

Les groupes La France insoumise (LFI) ou Rassemblement national (RN) ont largement fait pression sur l’ancien gouvernement, rejoints par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. « Si on va au-delà du niveau d’avant-crise, le risque, c’est qu’effectivement il y ait une augmentation des prix de l’électricité. Il faut être très vigilant, parce que les Français modestes et les classes moyennes […] auront la double peine. Ce sont souvent elles qui vivent dans des passoires thermiques », avait-elle déclaré fin 2024.

Compenser de futurs coûts pharaoniques

L’autre augmentation cachée se trouve dans la part « réseaux » de la facture. Le Turpe, tarif payé par tous les consommateurs pour l’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité, va prendre 10 % sur la période 2025-2028. Pour un client résidentiel, cela représente actuellement environ 0,06 euro/kWh hors taxes, soit de 20 à 30 % de sa facture en fonction du prix de l’électricité. Pour une famille de quatre personnes, cela représente une hausse de 80 euros sur la facture. Bien que cette hausse soit notable, elle reste inférieure aux demandes des gestionnaires de réseaux qui doivent engager des investissements conséquents dans les années à venir.

Des investissements pharaoniques — près de 240 milliards d’euros d’ici à 2040 — sont prévus pour moderniser les réseaux d’acheminement et de distribution de l’électricité : raccordement de parcs éoliens offshore, adaptation des réseaux aux fortes chaleurs et au changement climatique en général, rénovation d’infrastructures vieillissantes, arrivée des énergies renouvelables qui exigent des solutions de stockage ou encore l’électrification de certaines zones industrielles…

Et après ? Difficile de prédire la trajectoire future des prix de l’électricité ; ceux-ci dépendent de trop d’inconnues comme la régulation, la part des taxes, les prix de marché, etc. « La hausse des prix de l’électricité est évitable : elle dépendra des choix de régulation et de financement de la transition. S’il est décidé que l’intégralité du coût est à supporter directement par les consommateurs, il y a effectivement fort à craindre… mais ce n’est pas inéluctable », assure Nicolas Goldberg.

Le prix de l’énergie est devenu un sujet politiquement très sensible : d’après l’Observatoire de la précarité énergétique, 75 % des Français ont restreint leur chauffage chez eux pour éviter la flambée de leurs factures.

legende



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *