Vers la fin de la souveraineté alimentaire
Il y a un an, les agriculteurs se soulevaient. Notamment après que l’abolition des droits de douane sur les denrées ukrainiennes s’était traduite par une chute des prix en Europe. Le 6 décembre, la Commission a pourtant fait aboutir la négociation d’un accord de libre-échange avec plusieurs États d’Amérique du Sud. En France, sa ratification compromettrait plus encore la situation des paysans et la souveraineté alimentaire.
Des pneus devant les préfectures, des bottes de foin sur les ronds-points, des tracteurs dans les centres-villes : la scène deviendrait-elle un rituel hivernal ? Il y a un an, un mouvement social de grande ampleur secouait le monde agricole français – et européen. Apparu dans le Sud-Ouest, il s’est rapidement étendu au reste du pays, soutenu par le principal syndicat du secteur, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Quelques mesures d’urgence ont temporairement éteint le mécontentement, mais sans rien régler sur le fond. Aussi les agriculteurs n’ont-ils pas attendu très longtemps pour reprendre le chemin de la contestation. Ils ont rebattu le pavé en novembre dernier, avec dans leur ligne de mire, toujours, l’impossibilité de vivre décemment de leurs exploitations en raison, en particulier, de la pression sur les prix exercée par les produits agricoles importés.
Au sein de la classe politique, tous fustigent désormais la concurrence « déloyale » des pays à bas coût. Y compris ceux dont les partis n’ont cessé, depuis trente ans, de valider des accords de libre échange et ont concouru à la pénétration toujours plus forte des importations agricoles : l’excédent français en ce domaine – 7,8 milliards d’euros en 2019 – tient aux exportations de vins et de spiritueux ainsi qu’à celles de céréales ; en dehors de ces deux postes, le déficit s’élève à 11 milliards d’euros, soit presque deux fois plus qu’en 2010.
Les importations sont passées de 28 à 56 milliards d’euros depuis 2000, et représentent désormais 20 % de l’alimentation nationale, 45 % de la consommation de volailles, 56 % de celle de viande ovine, 63 % de celle de protéines issues d’oléagineux à destination des élevages, et 71 % de celle des fruits. La France dépend donc entre autres de partenaires européens à la main-d’œuvre moins coûteuse. Un tiers de la volaille et un quart du porc transformés industriellement en France proviennent des Pays-Bas, de Belgique, d’Allemagne, de Pologne, ainsi que (…)
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