« Mon peuple est exterminé en silence”


Yanomami d'Amazonie :
Yanomami d’Amazonie : « Mon peuple est exterminé en silence”

Avec leur long-métrage La Chute du Ciel, Eryk Rocha et Gabriela Carneiro da Cunha offrent une immersion puissante au sein de la tribu indigène des Yanomami. Une véritable plongée dans un monde méconnu, bercée par le discours percutant de Davi Kopenawa, chaman et porte-parole de sa communauté. Surtout, le documentaire se fait l’écho d’un appel urgent à la sauvegarde de la forêt et à la redéfinition de notre rapport à la nature. En salles ce 5 février.

« La forêt est vivante. Elle ne mourra que si les Blancs persistent à la détruire. (…) Alors nous mourrons, les uns après les autres, les Blancs et nous. Tous les chamans finiront par mourir. Et quand il n’en restera plus un seul pour soutenir le ciel, celui-ci s’effondrera », décrit Davi Kopenawa, contant ainsi la mythologie de son peuple, la Chute du Ciel. 

Les Yanomami : entre survie et résistance

« la communauté Yanomami compte environ 30 000 membres, répartis en plus de 300 tribus »

Touchée depuis de nombreuses années par les différentes menaces de la société moderne, la tribu d’Amazonie fait souvent parler d’elle dans les médias pour la grave crise humanitaire qu’elle traverse. Située entre le Brésil et le Venezuela, en plein cœur de la forêt tropicale, la communauté Yanomami compte environ 30 000 membres, répartis en plus de 300 tribus.

Aujourd’hui, toutes sont confrontées à une grave crise humanitaire, provoquée par l’invasion massive de mineurs et d’orpailleurs illégaux, à la recherche de minéraux rares enfouis sur leur territoire.

Pour le peuple autochtone autrefois protégé du monde extérieur, les conséquences de cette irruption étrangère sont catastrophiques : épuisement de leurs ressources de subsistance, irruption de maladies inconnues de leur système immunitaire, déforestation, contamination au mercure et violences dues aux invasions sont désormais légion.

Les Yanomami sont une société de chasseurs-cueilleurs vivant au nord de l’Amazonie, dont les contacts avec les sociétés industrialisées sont relativement récents. Leur territoire, situé entre le Brésil et le Venezuela, est l’une des plus grandes zone de forêt tropicale ininterrompue du monde. Il est aujourd’hui menacé par plusieurs milliers d’orpailleurs illégaux. – Crédits : La Chute du Ciel, Vingt Cinquième heure Production (dossier de presse).

Ce peuple ‘‘qui soutient le ciel’’ est ainsi exterminé en silence”.

Entre 2019 et 2022, près de 570 enfants de moins de cinq ans sont décédés sur le territoire. Rien qu’en 2023, 308 Yanomami sont morts au cours des 11 premiers mois, dont 104 avaient moins d’un an. Des taux de mortalité hors du commun, qui témoignent de l’ampleur du mal qui ronge la communauté et que beaucoup décrivent comme un génocide. “Ce peuple ‘‘qui soutient le ciel’’ est ainsi exterminé en silence”.

Une plongée dans la cosmologie Yanomami

Si depuis décembre 2023, les images des Yanomamis véhiculées dans les médias font état de la grave crise humanitaire et sanitaire qui frappe la tribu, le nouveau documentaire La Chute du Ciel, en salle dès le 5 février 2025, offre une autre perspective de la situation :

Dans ce film, nous n’avons pas voulu reproduire les mêmes images médiatiques qui ont déjà été diffusées à grande échelle, mais plutôt créer un moyen d’expression esthétique, politique et cinématographique propre, qui mettrait en lumière la beauté, le courage et la vitalité des Yanomami et de la communauté Watoriki”, expliquent Eryk Rocha et Gabriela Carneiro da Cunha, co-réalisateurs.

Pour cela, les deux artistes brésiliens se sont librement inspirés du livre éponyme de Davi Kopenawa et Bruce Albert, docteur en anthropologie. 

Le tournage s’est déroulé principalement dans la maloca des Watoriki, une grande maison circulaire dressée au cœur de la communauté. Tout le récit s’articule autour du rite Reahu, soit l’événement le plus significatif de la cosmologie Yanomami : “Le Reahu représente une forme de “mise à jour esthétique” du monde des esprits qui, selon les Yanomami, nous invite à rêver plus loin, plus profondément”, détaillent les deux réalisateurs dans un communiqué. 

Quand le rêve devient résistance

Pour Davi Kopenawa, chaman et porte-parole de la communauté, l’action même de rêver prend une dimension éminemment politique lorsqu’il met le doigt sur ce qui lui semble être la plus grande malédiction des non-autochtones : “ils dorment beaucoup, mais lorsqu’ils rêvent, ne rêvent que d’eux-mêmes”. 

A travers des éléments de discours distillés tout au long du film, on comprend la volonté du leader autochtone de nous emmener bien au-delà de la tragédie qui touche les terres de sa tribu. “Il brandit un miroir vers nous, pour nous confronter à notre propre reflet. L’expérience des Yanomami devient la nôtre”. 

Le tournage de La Chute du Ciel a été réalisé par une équipe hybride, composée de Yanomami et d’individus non autochtones. Des cinéastes Yanomami ont notamment été intégrés aux équipes de photographie, de son et de production. – Crédits : La Chute du Ciel, Vingt Cinquième heure Production.

Bien conscient que l’or arraché à ses terres traverse l’océan pour être raffiné puis vendu dans les pays du Nord, perpétuant la sempiternelle mécanique du (néo)colonialisme, Davi Kopenawa nous renvoie à notre propre responsabilité. Dans son regard, ce que nous appelons la catastrophe climatique n’est rien d’autre que la vengeance de la terre pour toutes les destructions commises par le « peuple de la marchandise » : celles des êtres vivants, humains et non-humains, comprenant l’extermination de ses ancêtres Yanomami. 

Protéger et valoriser les savoirs-faire autochtones

A une échelle plus globale, le documentaire se veut aussi porteur d’espoir pour toutes les tribus autochtones et sensibiliser les jeunes générations. “Ce film a pour but de montrer aux gens de la ville que notre façon de vivre et de travailler est différente de la leur. Elle ne détruit pas la forêt et ne nuit pas à notre Terre mère. C’est un moyen de leur faire ressentir de l’amour, de l’empathie et du respect pour notre peuple, notre nature, nos rivières. Ainsi, les générations futures pourront entendre, elles-aussi, notre appel”, explique le chaman.

En 2004, les Yanomami des onze régions du Brésil se sont coordonnés pour créer l’association Hutukara,la partie du ciel où la terre est née”. Ensemble, ils entendent défendre leurs droits auprès du gouvernement brésilien et sensibiliser l’opinion publique internationale à la cause autochtone. 

En outre, l’association s’engage également pour la protection de la forêt tropicale, face au déclin rapide de la biodiversité et à l’aggravation des effets du dérèglement climatique. Les savoirs-faire ancestraux des Yanomamis en matière de préservation et d’occupation durable des terres forestières représentent à ce titre une ressource précieuse pour la sauvegarde de nos écosystèmes, qui devrait être mieux considérée dans les enceintes de négociation politique brésilienne et internationale.

La Chute du Ciel, au cinéma le 5 février, produit par Aruac Filmes, Stemal Entertainment, Les Films d’Ici et distribué par La Vingt-Cinquième Heure.

– L.A.


Image d’entête @

– Information –

Donation



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *