10 janvier 2025 à 15h32
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Dix ans après son lancement, l’installation généralisée des compteurs Linky est en passe de se terminer. Et pour l’occasion, à partir de cet été, Enedis, gestionnaire du réseau, facturera environ 11 euros de taxe supplémentaire tous les deux mois les derniers récalcitrants qui ont refusé d’installer un compteur connecté et de transmettre leurs relevés de consommation.
Une dernière étape après des années de déploiement dans tout le pays, parfois à marche forcée, de 34 millions de compteurs. Le tout pour un coût de « seulement » 4,6 milliards d’euros, 880 millions d’euros de moins que ce qui avait été estimé au départ, nous apprend un rapport de la Cour des comptes publié fin novembre. Un bilan financier qui nous apprend que Linky a profité à Enedis, mais peu aux particuliers.
Enedis, premier à en profiter
La cour constate que le premier bénéficiaire du projet est avant tout Enedis, gestionnaire du réseau, qui a eu des conditions financières « très avantageuses ». Un mécanisme complexe de différé tarifaire a ainsi été mis en place avec l’aval de la Commission de régulation de l’énergie pour soutenir l’installation des compteurs connectés. Si l’investissement était porté par Enedis, filiale à 100 % d’EDF, il a été intégralement remboursé grâce aux économies que Linky lui a apportées.
Or depuis 2021, relève la Cour des comptes, c’est en fait le consommateur ou la consommatrice qui a financé le coût de ce différé tarifaire, pour 785 millions d’euros, via l’une des principales taxes sur l’électricité, le Turpe. Un problème qui avait déjà été pointé en 2018 lors du précédent rapport de la Cour des comptes sur Linky.
Surtout, désormais que les compteurs sont amortis, Enedis va pleinement bénéficier du principal intérêt des compteurs : réaliser des opérations à distance sans avoir à déplacer de technicien. Ces économies avaient d’ailleurs favorisé la suppression de près de 2 500 emplois de techniciens de proximité.
Peu de bénéfices côté usagers
En revanche, pour les usagers, la Cour des comptes peine à voir l’intérêt concret. L’utilité de Linky pour le consommateur résidait, selon Enedis, dans le fait d’avoir une analyse « intelligente » des consommations, c’est-à-dire de pouvoir suivre les heures et les postes de dépenses en électricité pour agir dessus. En réalité, Linky apporte un supplément d’information avec la possibilité de connaître la consommation électrique d’un logement par tranche d’une demi-heure, très loin des fantasmes consuméristes d’une maison « connectée » et pilotée.
Or, « les compteurs communicants ne permettent pas à eux seuls de réduire les consommations », souligne l’Agence de la transition écologique (Ademe) à Reporterre. « Ils contribuent à faire monter les ménages en compétence sur les questions énergétiques, [mais] ce qui est déterminant, c’est la motivation et l’accompagnement des ménages », précise l’agence. Un domaine sur lequel Linky n’a pas eu d’effet spécifique.
Un autre avantage attendu était d’en finir avec les factures salées de régularisation tous les six mois et de pouvoir « payer ce que l’on consomme ». La crise des prix de l’énergie fin 2023 a fait la preuve que ce n’était pas le cas. Il ne suffit pas d’avoir l’information pour que cela se retrouve sur la facture, surtout quand trois quarts des usagers ont toujours un prélèvement mensualisé.
Enfin, la dernière promesse de Linky était liée à l’ouverture à la concurrence sur le marché de l’électricité et à des offres adaptées aux usages. Or, là encore, en dehors des heures pleines/creuses, Linky n’a pas suscité une grande créativité de la part des fournisseurs d’électricité. Les consommatrices et consommateurs ne s’y sont pas trompés. Même s’ils peuvent désormais plus facilement changer d’opérateur, ils et elles préfèrent toujours des offres avec « des prix fixes ou prévisibles comme le sont les tarifs réglementés », note la Cour des comptes, et d’autant plus quand les prix de l’électricité non régulés ont explosé au début de l’invasion russe de l’Ukraine, durant l’hiver 2022.
Victoire d’un électrosensible
Un point positif dans ce bilan désastreux : le 4 janvier, pour la première fois, un habitant de la Loire a obtenu la désinstallation de son compteur Linky par principe de précaution. Motif : électrosensibilité, celle-ci étant « sans lien avéré » avec le compteur. La question sanitaire a été centrale dans le combat anti-Linky. Dix ans après, la Cour des comptes juge que les études réalisées ont bien été « tardives », mais que la question est désormais soldée. L’organisme s’appuie pour cela sur les rapports de l’Anses de 2017, réactualisés en 2023, qui concluaient à un « faible niveau d’exposition aux ondes » pour une technologie qui n’utilise pas d’ondes radio, mais les fils électriques eux-mêmes.
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