Pour éviter les amendes, PSA rachète des « droits à polluer » à Tesla


13 janvier 2025 à 17h03

Durée de lecture : 4 minutes

Racheter des droits à polluer à Tesla pour éviter les amendes CO2 : voilà ce qui est prévu par le groupe Stellantis. Depuis le 1er janvier, l’objectif de réduction des émissions de CO2 imposé par la réglementation européenne Corporate Average Fuel Economy (Cafe) se renforce. Un nouvel objectif a ainsi été donné aux constructeurs automobiles européens pour diminuer le taux moyen de CO2 émis par les véhicules vendus. En 2025, la limite est fixée à 81 g/km. Pour l’atteindre, les constructeurs devront vendre environ 25 % de véhicules électriques dans l’année.

Mais cette nouvelle législation ne réjouit pas toutes les entreprises automobiles européennes qui peinent à produire et à vendre de l’électrique. Renault, par exemple, n’en a écoulé que 11,3 % en 2024.

Certains constructeurs comme Stellantis — et ses quatorze marques automobiles dont PSA — sont ainsi prêts à acheter des crédits d’émissions de CO2 à Tesla ou Volvo, pour éviter les amendes prévues par la Commission européenne. Un dispositif regrettable, selon Pierre Leflaive, chargé de mission mobilités durables au Réseau Action Climat (RAC), puisqu’il permet aux entreprises automobiles de ralentir leur politique de transition.

Reporterre — Comment Stellantis peut-il racheter des droits à polluer à Tesla ?

Pierre Leflaive — Les constructeurs 100 % électriques sont soumis aux mêmes normes que les autres. Produisant des véhicules n’émettant pas de CO2 à l’émission, ils sont ainsi considérés comme totalement « verts » et respectant la loi Cafe. En autorisant les constructeurs à s’associer, la Commission européenne introduit plus de flexibilité. Les entreprises qui risquent de ne pas atteindre les objectifs fixés achètent en quelque sorte un droit à polluer aux acteurs plus vertueux, et évitent les lourdes amendes prévues par la réglementation européenne.

L’objectif est de récompenser les bons acteurs et de donner plus de latitude aux constructeurs qui risqueraient de ne pas atteindre ces objectifs. Le problème, c’est que si nous continuons d’alléger les réglementations dès que l’échéance approche, celles-ci perdront de leur pouvoir incitatif.

Ce rachat des droits à polluer va-t-il à l’inverse de l’interdiction, en 2035, de la vente de véhicules thermiques neuves dans l’UE ?

Les objectifs ont été définis il y a longtemps. Si l’on fixe un cadre réglementaire, mais qu’on donne des solutions de repli, la crainte est que les constructeurs ne fassent pas leur transition. Stellantis en est l’exemple. Il y a deux mois, le groupe affirmait que tout allait bien et deux mois plus tard, il est prêt à racheter des droits à polluer. Le constructeur a-t-il menti ? On ne peut pas l’affirmer. Toutefois, il semble prendre des précautions et alimente un narratif de crise pour obtenir la disparition des amendes et des aides supplémentaires de l’État.

Les constructeurs automobiles sont capables de produire des voitures électriques. Si, aujourd’hui, le secteur se porte mal, c’est parce qu’il a commencé par produire des véhicules haut de gamme au détriment des volumes. Il a ainsi perdu de la compétitivité, et la demande a baissé. Seule une petite partie de la population peut s’offrir ces véhicules électriques. Si des modèles plus abordables avaient été lancés, la concurrence chinoise ne serait pas aussi inquiétante, les pertes d’emploi dans le milieu ne seraient pas les mêmes, et les objectifs seraient facilement atteints.

Face aux contestations, Stellantis a confirmé que cela l’aiderait « à atteindre [s]es objectifs d’émissions [de CO2] pour 2025 », et qu’il continuerait à développer des « technologies innovantes et à faibles émissions ». Qu’en pensez-vous ?

Disons-le clairement, tous les constructeurs aujourd’hui ont la capacité de respecter la règlementation Cafe pour 2025. C’est une question de priorité et de choix d’investissements. Stellantis avoue ainsi qu’il ne veut pas s’investir complètement dans l’électrique. Avec ces rachats de droits à polluer, le groupe va pouvoir ralentir sa transition vers des véhicules électriques plus abordables et va continuer de travailler sur des véhicules thermiques ou hybrides avec de fortes marges.

Toute cette politique alimente une transition à deux vitesses, dans laquelle les plus aisés auront tous les avantages des véhicules de demain. L’autre partie de la population sera coincée avec des véhicules vieillissants, polluants et vulnérables aux augmentations des prix du carburant. On est face à un problème à la fois social et environnemental.

Selon vous, le rachat des droits à polluer peut-il perdurer ?

Il faudrait être prudent et encadrer le système. Pour racheter des droits à polluer, les constructeurs devraient montrer patte blanche, afficher clairement ce qu’ils ont mis en œuvre pour atteindre leurs objectifs et pourquoi ils n’ont pas réussi à les atteindre. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Certains n’ont aucune volonté d’aller vers une politique plus verte.

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