«Trump a unifié les Canadiens plus que jamais». Lettre de Jean-Chrétien, ancien Premier ministre du Canada


  1. Campagne de dons Décembre 2024

    Chers amis lecteurs, Réseau International a de nouveau besoin de vous. Grâce à vous, nous avons pu nous doter d’un serveur plus sécurisé, avec des capacités bien plus aptes à gérer la très grosse taille des données du site et son important trafic. C’est grâce à vos dons que nous pouvons garder notre indépendance et  vous fournir le meilleur de l’information internationale alternative. Votre soutien nous est indispensable; nous comptons sur vous.

    11 071,00 € de l’objectif de 25 000,00 € atteint

par Jean Chrétien

Aujourd’hui, c’est mon 91ème anniversaire de naissance.

C’est une occasion de célébrer avec ma famille et mes amis. De revenir sur la vie que j’ai eu le privilège de mener. Et de réfléchir à la façon dont ce pays que nous aimons tous tant a grandi et changé au cours des neuf décennies que j’ai passées sur cette terre.

Cette année, j’ai également décidé de m’offrir un cadeau d’anniversaire. Je vais faire quelque chose dans ce texte que je ne fais plus très souvent : m’exprimer sur un problème majeur qui affecte l’état de la nation et me préoccupe profondément comme tant d’autres Canadiens. Bien sûr, il s’agit des insultes totalement inacceptables et des menaces sans précédent contre notre souveraineté de la part de Donald Trump.

J’ai deux messages très clairs et simples.

À Donald Trump, d’un vieux bonhomme à un autre : réveillez-vous ! Qu’est-ce qui vous permet de penser que les Canadiens renonceraient un jour au meilleur pays du monde – et ne vous y trompez pas, c’est ce que nous sommes – pour rejoindre les États-Unis ?

Je peux vous dire que les Canadiens tiennent à leur indépendance. Nous aimons notre pays. Nous avons construit quelque chose ici qui fait l’envie du monde – en matière de compassion, de compréhension, de tolérance et de recherche d’un moyen pour les personnes d’origines et de croyances différentes de vivre ensemble en harmonie.

Nous avons également construit un solide filet de sécurité sociale – notamment en matière de soins de santé publics – dont nous sommes très fiers. Il n’est pas parfait, mais il repose sur le principe selon lequel les plus vulnérables d’entre nous doivent être protégés.

Ce n’est peut-être pas la «méthode américaine» ou la «méthode Trump». Mais c’est la réalité dont j’ai été témoin et que j’ai vécue tout au long de ma longue vie.

Si vous pensez que nous menacer et nous insulter va nous faire changer d’avis, vous ne nous connaissez vraiment pas. Vous ne savez pas que lorsqu’il s’est agi de combattre dans deux guerres mondiales pour la liberté, nous nous sommes engagés – les deux fois – des années avant votre pays. Nous nous sommes battus et nous avons fait des sacrifices énormes.

Nous avons aussi eu le courage de dire non à votre pays lorsqu’il a tenté de nous entraîner dans une guerre totalement injustifiée et déstabilisatrice en Irak.

Nous avons bâti une nation sur le territoire le plus accidenté et le plus difficile qu’on puisse imaginer. Et nous l’avons fait contre toute attente. Nous pouvons paraître faciles à vivre et doux. Mais ne vous y trompez pas, nous sommes déterminés et coriaces.

Un message à nos dirigeants

Et cela m’amène à mon deuxième message, à tous nos dirigeants, fédéraux et provinciaux – et à ceux qui aspirent à diriger notre pays :

Commencez à montrer cette détermination et cette ténacité. C’est ce que les Canadiens veulent voir – c’est ce qu’ils ont besoin de voir. C’est ce qui s’appelle le leadership. Les Canadiens sont prêts à suivre. Vous devez ouvrir la voie.

Je sais que l’esprit est là. Depuis les attaques de Trump, tous les partis politiques se prononcent en faveur du Canada. De fait, à ma grande satisfaction, même le Bloc québécois défend le Canada !

Mais on ne gagne pas un match de hockey en jouant seulement en défensive. Nous savons tous que même si nous satisfaisons une demande, le président Trump reviendra avec une autre, plus importante. Ce n’est pas de la diplomatie, c’est du chantage.

Nous avons besoin d’une autre approche. Une approche qui brisera ce cycle.

Le président Trump a accompli une chose : il a unifié les Canadiens plus que jamais auparavant ! Tous les dirigeants de notre pays se sont unis dans la détermination de défendre les intérêts canadiens.

Lorsque je suis devenu premier ministre, le Canada était confronté à une crise d’unité nationale. La menace d’une séparation du Québec était bien réelle. Nous avons agi pour faire face à cette menace existentielle de manière à rendre les Canadiens, y compris les Québécois, plus forts, plus unis et encore plus fiers des valeurs canadiennes.

Il existe désormais une autre menace existentielle. Et nous devons une fois de plus réduire notre vulnérabilité. C’est le défi de cette génération de dirigeants politiques.

Et vous n’y parviendrez pas en utilisant les mêmes vieilles approches. Oui, dire aux Américains que nous sommes leurs meilleurs amis et leur plus proche partenaire commercial est une bonne chose. Il en va de même pour le lobbying intense à Washington et dans les capitales des États, soulignant que les droits de douane nuiront également à leur économie. En ce qui concerne les tarifs de rétorsion : lorsque vous êtes attaqué, vous devez vous défendre.

Réduire notre vulnérabilité

Mais nous devons aussi jouer à l’attaque. Disons à Trump que nous avons nous aussi des problèmes de frontières avec les États-Unis. Le Canada dispose d’une législation stricte en matière de contrôle des armes à feu, mais les armes illégales affluent des États-Unis.

Nous devons lui dire que nous nous attendons à ce que les États-Unis agissent pour réduire le nombre d’armes à feu entrant au Canada. Nous voulons également protéger l’Arctique. Mais les États-Unis refusent de reconnaître le passage du Nord-Ouest qui traverse l’Arctique canadien comme des eaux canadiennes et insistent sur le fait qu’il s’agit d’une voie navigable internationale. Nous avons besoin que les États-Unis reconnaissent le passage du Nord-Ouest comme étant des eaux canadiennes.

Nous devons également réduire notre vulnérabilité en premier lieu. Nous devons être plus forts. Il y a plus de barrières commerciales entre les provinces qu’entre le Canada et les États-Unis.

Faisons un projet national pour éliminer ces barrières ! Renforçons les liens qui unissent cette vaste nation – par exemple en créant un véritable réseau énergétique à travers le pays.

Nous devons également comprendre que Donald Trump ne se contente pas de nous menacer, il cible également un nombre croissant d’autres pays ainsi que l’Union européenne elle-même. Il ne fait que commencer.

Le Canada devrait organiser rapidement une réunion des dirigeants du Danemark, du Panamá, du Mexique et de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour formuler un plan pour lutter contre ces menaces. Chaque fois que M. Trump ouvre la bouche, il crée de nouveaux alliés pour nous tous. Organisons-nous ! Pour lutter contre la puissance brute et déraisonnable, nous avons besoin de la force du nombre.

Le respect de nos adversaires

L’enjeu n’est pas d’attendre effrayés le prochain coup de Donald Trump, mais de construire un pays et une communauté internationale capables de lui résister.

Les Canadiens me connaissent. Ils savent que je suis optimiste. Que je suis pratique. Et que je dis toujours ce que je pense. J’ai commis ma part d’erreurs au cours de ma longue carrière, mais je n’ai jamais douté un seul instant de la décence de mes concitoyens canadiens – ou de mes adversaires politiques.

La génération actuelle – et future – de dirigeants politiques devrait se rappeler qu’ils ne sont pas les ennemis les uns des autres, mais des adversaires. Personne n’a jamais autant aimé la dureté de l’arène politique que moi. Mais j’ai toujours compris que chacun d’entre nous essayait d’apporter une contribution positive pour faire de notre communauté et de notre pays un endroit meilleur.

Cet esprit est plus important que jamais, alors que nous relevons ce nouveau défi. Ils devraient garder cela à l’esprit.

J’ai 91 ans aujourd’hui et je suis en bonne santé. Et je me tiens sur les remparts pour aider à défendre l’indépendance de notre pays comme je l’ai fait toute ma vie.

Vive le Canada !

source : La Presse via Mondialisation



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *