Une nouvelle fois, Donald Trump s’en est pris à l’une de ses cibles préférées : les Démocrates. Face à des incendies d’une intensité sans précédent en Californie — ayant causé au moins 24 morts, ravagé plus de 15 000 hectares et détruit plus de 12 000 bâtiments —, le futur président des États-Unis a de nouveau cherché des boucs émissaires au lieu de reconnaître le rôle du dérèglement climatique. Dans son viseur : Gavin Newsom, le gouverneur démocrate de Californie.
Donald Trump l’a accusé d’incompétence dans la gestion des feux. Leur violente propagation serait due, selon Trump, au manque d’eau que connaît l’État étasunien, qui s’expliquerait par les politiques environnementales démocrates. Elles détourneraient, toujours selon Trump, l’eau de pluie pour protéger un poisson en danger critique d’extinction, l’éperlan. Le futur président climatosceptique a également reproché au gouverneur d’avoir refusé de signer une supposée « déclaration de restauration des eaux », un document qui aurait permis, d’après lui, de fournir suffisamment d’eau pour éteindre les incendies.
« Je vais exiger de ce gouverneur incompétent qu’il permette à l’eau douce, propre et magnifique, d’affluer en Californie ! C’est lui qui est responsable de cette situation », a écrit Donald Trump le 8 janvier sur sa plateforme Truth Social, en renommant Gavin Newsom « Gavin Newscum » (« scum » signifiant « ordure » en anglais).
« De la pure fiction »
Ces accusations sont totalement infondées. Plusieurs experts, notamment Jeffrey Mount, interrogé par le Washington Post, ont confirmé que ces mesures n’avaient aucun lien avec les incendies en cours. Ceux-ci sont davantage liés à des sécheresses prolongées et à des vents violents, amplifiés par le réchauffement climatique. Par ailleurs, la majorité de l’eau utilisée quotidiennement à Los Angeles provient du fleuve Colorado et est surtout destinée à l’agriculture. Quant à la « déclaration de restauration des eaux » mentionnée par Trump, elle n’existe tout simplement pas. « C’est de la pure fiction », a affirmé le bureau du gouverneur de Californie.
La violence des incendies californiens est surtout attribuable au changement climatique, comme l’a expliqué Reporterre, s’appuyant sur une étude d’attribution rapide publiée le 10 janvier. Pourtant, la galaxie Trump n’hésite pas à répandre des théories complotistes sur l’origine des feux.
Elon Musk, patron de Tesla nommé à la tête du ministère de « l’efficacité gouvernementale », a par exemple affirmé qu’ils s’étaient propagés en raison d’« une série de décisions environnementales » prises par l’État californien, notamment l’interdiction des coupe-feux — ces zones volontairement déboisées dans une forêt — et la gestion des broussailles. Mais selon plusieurs experts, les vents qui attisaient les flammes étaient si violents et le sol si sec que le débroussaillage n’aurait pas eu d’effet significatif.
Une question identitaire
Peu importe les faits, le message de Trump a atteint son objectif : déplacer le débat vers des thèmes secondaires, éclipsant la véritable cause des incendies, le réchauffement climatique. « C’est une campagne de déflexion visant à empêcher le public de se concentrer sur la véritable cause : notre consommation continue de combustibles fossiles », souligne le climatologue Michael Mann dans un article publié par le média Salon.
Pour Trump et ses alliés, les incendies deviennent un levier idéal pour renforcer un dénialisme climatique déjà bien ancré. Ils instrumentalisent la crise pour attaquer les politiques environnementales, dépeintes comme « nuisibles » à l’économie et inefficaces face aux catastrophes naturelles. Cette rhétorique s’inscrit dans une logique plus large de scepticisme envers les faits scientifiques, transformé en étendard idéologique.
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« Chez les électeurs étasuniens, le dérèglement climatique n’est pas une question scientifique, mais identitaire, dépendant du groupe auquel on appartient : progressiste ou conservateur », observe Jean-Daniel Collomb, chercheur spécialiste des politiques climatiques étasuniennes à l’université Grenoble Alpes. Ainsi, un chrétien évangélique de l’Oklahoma, électeur républicain, sera peu enclin à croire au réchauffement climatique. À l’inverse, un universitaire progressiste de Boston le considérera comme un enjeu crucial.
« Trump a très bien compris cela et exploite cette polarisation, poursuit Jean-Daniel Collomb. Il sait que ses électeurs adorent s’attaquer aux Démocrates et aux écologistes. » Ainsi, Gavin Newsom est une cible de choix : représentant de l’aile gauche du Parti démocrate, il est un candidat possible à l’élection présidentielle de 2028.
Un discours répété
Cette stratégie n’est pas nouvelle. En août 2018, Trump avait déjà affirmé que des lois environnementales signées par ses prédécesseurs avaient entravé la gestion de l’incendie Mendocino Complex, qui avait dévasté 185 000 hectares dans le nord de la Californie et fait neuf morts. Deux ans plus tard, en 2020, au moment du Creek Fire, qui avait brûlé 139 hectares dans le « Golden State », il avait imputé la catastrophe à une « mauvaise gestion forestière » dans un État dirigé par les Démocrates. Jamais, dans ses discours, il n’a évoqué le rôle du réchauffement climatique.
Quand Trump ne blâme pas ses adversaires, il s’attaque à une autre cible : les migrants. Lors des ouragans Hélène et Milton en septembre et octobre dernier, il avait affirmé que l’État fédéral n’accordait que 750 dollars (734 euros) aux sinistrés, car 1 milliard de dollars (978 millions d’euros) auraient été « volés » à l’agence fédérale de réponse aux catastrophes naturelles, la Fema, pour « les donner aux immigrés ».
Malgré l’évidence scientifique, la posture de Trump continue de ralentir les efforts de décarbonisation. Une analyse de Carbon Brief estime que son retour au pouvoir le 20 janvier pourrait entraîner une hausse de 4 milliards de tonnes d’émissions de carbone aux États-Unis d’ici 2030, infligeant près de 900 milliards de dollars (881 millions d’euros) de dommages climatiques. Une telle trajectoire menacerait gravement les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris, que Trump a décrit comme une « entrave » à l’économie des États-Unis.
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