Quand l’Occident choisit ses contestataires, par Meriem Laribi (Le Monde diplomatique, avril 2023)


Un traitement partisan des manifestations au Venezuela et au Pérou

De toute évidence, mieux vaut contester un président de gauche qu’une dirigeante de facto, parvenue au pouvoir sur la base d’un coup d’État. La comparaison des traitements réservés à des soulèvements récemment survenus dans deux pays latino-américains suggère que, devant les tribunaux médiatiques et diplomatiques, toutes les mobilisations n’ont pas la même légitimité.

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Jorge Cabieses. — Sans titre, de la série « Decapitados » (Décapités), 2012

© Jorge Cabieses – Galería Fernando Pradilla, Madrid

En 2014 et 2017, les manifestations de l’opposition vénézuélienne et leur répression entraînent la mort d’environ 180 personnes. Au Pérou, un soulèvement populaire a conduit, depuis décembre 2022, au décès d’au moins 60 personnes sous les balles des forces de l’ordre, et fait plus de 1 800 blessés. Dans les deux pays, les manifestants s’opposent à leurs dirigeants : M. Nicolás Maduro au Venezuela et Mme Dina Boluarte au Pérou. Toutefois, en dépit de situations comparables, les réactions médiatiques et diplomatiques diffèrent. D’un côté, condamnation du pouvoir et soutien aux manifestants ; de l’autre, solidarité avec la présidence et présentation distanciée de la répression.

Le 6 juin 2021, le Pérou élit M. Pedro Castillo, un instituteur rural. Il l’emporte face à Mme Keiko Fujimori, fille de l’ancien dictateur Alberto Fujimori (1990-2000). M. Castillo et son équipe « doivent être préparés à une sérieuse réaction de l’oligarchie, soutenue par ses patrons à Washington. Le Pérou possède d’énormes gisements de cuivre et d’or que l’Occident a l’habitude d’extraire du sol à ses conditions. Ils ne font pas de compromis », prévient alors le journaliste britannique Matt Kennard.

Deux tentatives de destitution (la première, quatre mois après son investiture), soixante-dix-huit ministres et quatre gouvernements plus tard, acculé, le président annonce le 7 décembre 2022 avoir pris « la décision de déclarer l’état d’exception pour rétablir l’État de droit et la démocratie en dissolvant temporairement le Congrès et en convoquant des élections pour une Assemblée constituante dans les neuf mois ». Ses adversaires contre-attaquent. Le Congrès le démet de ses fonctions moins de deux heures après son allocution pour « incapacité morale permanente ». M. Castillo est arrêté par son propre garde du corps et emprisonné. Il s’agit en réalité d’un coup d’État qui permet à la vice-présidente Boluarte d’enfiler l’écharpe présidentielle.

Le soleil ne s’est pas encore couché sur Lima, le 7 décembre, que Washington (…)

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