Pour Trump, le gaz américain sera « un moyen de pression » sur la France


16 janvier 2025 à 16h00

Durée de lecture : 4 minutes

« Drill, baby, drill » (« Fore, chéri, fore ! »). Tel a été le mantra de campagne de Donald Trump pour sa réélection. Mais à qui les États-Unis vendront-ils ce gaz et ce pétrole que le président étasunien souhaite forer sans limites ? Notamment à l’Europe et même la France, qui, pour sortir de l’emprise de la Russie, font dorénavant largement appel aux hydrocarbures des États-Unis. Dans ce contexte, observe Anna-Lena Rebaud, chargée de campagne gaz fossile et transition juste aux Amis de la Terre France, le meilleur rempart face à cette nouvelle dépendance reste toujours de miser sur la transition écologique et la sobriété.

Reporterre — Dans quelle mesure la France est-elle aujourd’hui dépendante des hydrocarbures étasuniens ?

Anna-Lena Rebaud — Même si la France est proportionnellement moins dépendante au gaz que l’Allemagne ou d’autres pays voisins, nous restons en volume le troisième plus gros consommateur de gaz de l’Union européenne et la quasi-totalité de nos hydrocarbures est importée, du Moyen-Orient notamment, mais pas seulement.

En 2023, 17 % du pétrole brut provenait d’Amérique du Nord (Canada et États-Unis). Pour le gaz, c’est encore plus élevé, puisque 24 % du gaz importé provient aujourd’hui des États-Unis. C’est une évolution récente : avant 2017, les États-Unis n’exportaient pas encore de gaz naturel liquéfié (GNL) vers la France. En 2021, avant l’invasion russe en Ukraine, c’était seulement 6 %. Et les engagements pris pour en finir en 2027 avec le gaz russe se reportent surtout vers les importations américaines de gaz.

Le gaz étasunien peut-il consister pour Trump un moyen de pression envers la France ou l’Europe ?

Même si, jusqu’ici, ça n’a pas été le cas des États-Unis envers l’Europe et la France, qui restent encore des pays alliés, c’est tout à fait possible. D’autant que pour importer du gaz américain, il y a deux options : soit on signe des contrats privés à long terme, soit on achète directement le GNL sur le marché à court terme qui a été fortement utilisé lors de l’invasion russe.

Trump, en tant que président, peut tout à fait signer un décret réduisant les exportations via ce second marché, non seulement comme moyen de pression politique, mais aussi pour des raisons économiques.

« Qu’est-ce que Trump fera de cela

une fois au pouvoir ? »

En janvier dernier, Joe Biden avait gelé les autorisations pour les nouveaux projets de terminaux de GNL. Donald Trump veut certes les relancer. Mais un rapport récent du département de l’énergie américain a relevé qu’en plus de l’impact climatique, l’augmentation des exportations sans restriction entrainerait une hausse de 30 % du prix du gaz pour les particuliers, les entreprises et par conséquent des produits manufacturés américains. Qu’est-ce que Trump fera de cela une fois au pouvoir ?

Quelles sont les mesures mises en œuvre par la France pour s’extraire de cette nouvelle dépendance ?

Minimes compte tenu de la tâche nécessaire. La consommation de gaz a bien diminué en 2022, mais il est très difficile de savoir si cela relève de la privation des ménages faute de moyens ou d’un changement structurel. 40 % du gaz consommé est utilisé dans le chauffage. Le simple remplacement des chaudières à gaz — et encore pas toutes — par des pompes à chaleur n’est pas suffisant. Et les coupes budgétaires annoncées sur les budgets dédiés à l’écologie — rénovation, aide à la conversion, fonds vert — vont dans le mauvais sens.

Quels autres leviers pourraient être enclenchés ?

Au niveau européen, il est désormais acquis que le développement des énergies renouvelables permet de réduire l’usage du gaz, qui est plus fortement stocké qu’utilisé directement. Mais en parallèle, il faudrait déjà en finir avec tous les nouveaux projets de terminaux gaziers en France comme en Europe. Les installations et le réseau existants sont suffisants pour les besoins de la période de transition d’ici à la sortie complète des fossiles.

Continuer d’investir dedans risque de verrouiller nos marges de manœuvre, avec la contrainte que ces installations coûteuses restent rentables, alors même que le terminal récemment mis en service au Havre n’a été utilisé qu’à la moitié de sa capacité en 2023.

En France, outre les consommations domestiques et du secteur tertiaire qui sont importantes, l’industrie pèse également lourdement. Quand on regarde en détail ce qui a été annoncé pour les 50 sites les plus émetteurs, 3 seulement prévoient des mesures de sobriété. En revanche, la moitié fait référence à des technologies de stockage ou de captation carbone. Des technologies qui sont toujours immatures après quarante ans d’expérimentation.

Pour nous, il est nécessaire d’enclencher d’abord une réflexion sur l’industrie dont nous avons besoin selon nos usages et ensuite réfléchir à comment la faire fonctionner sans énergies fossiles.

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