Dans l’Histoire, le Rassemblement National, anciennement Front National, a tenu de nombreuses positions extrêmement contradictoires dévoilant sa réelle nature populiste, prêt à tout pour séduire un électorat volatil et populaire. Les faits démontrent pourtant qu’il reste avant tout un mouvement réactionnaire, raciste et antisocial. Décryptage.
Que ce soit au niveau social, démocratique ou international, le discours du RN a constamment évolué au fil des ans, au point de brouiller les pistes pour draguer un public peu au fait des agissements du parti. On a également pu constater que l’organisation de Marine Le Pen s’aligne de plus en plus avec les volontés du grand patronat pour satisfaire le marché. Mr Mondialisation vous donne 5 exemples de sujets sur lesquels le camp d’extrême droite a radicalement changé avec le temps.
1. L’âge de la retraite
Alors que la retraite à 60 ans avait été installée dans le pays par la gauche en 1982, le FN de Jean-Marie Le Pen s’y était toujours opposé. Ainsi, encore en 2007, il proposait de revenir à 65 ans.
En 2012, alors que Nicolas Sarkozy avait déjà déplacé le curseur vers 62 ans entre temps, Marine Le Pen évoquait elle un « retour progressif à 60 ans », « en fonction de la situation financière de la nation ». Elle était même allée jusqu’à parler d’une possible dérogation pour les travailleurs ayant commencé à exercer précocement.
En 2017, elle avait clairement inscrit dans son programme la retraite à 60 ans en 40 annuités. Pourtant, à plusieurs reprises dans ses discours, on pouvait douter de la sincérité de cette promesse. Ainsi, à l’été 2016, elle déclarait : si « récupérer les dépenses exorbitantes de l’immigration, de la fraude sociale, de la décentralisation anarchique » ne suffisait pas à « accorder un départ à 60 ans [pour] quarante ans de cotisations, alors nous nous tournerons vers les Français en leur disant la vérité », ajoutant que « les Français accepteront les sacrifices qu’on leur demandera ».
En 2022, elle renonçait finalement à la mesure dans son programme, la réservant à ceux qui auraient commencé leur carrière très tôt. Deux ans plus tard, lors des législatives, Jordan Bardella admettait même que le retour à la retraite à 60 ans n’était « pas une priorité » de son parti.
2. La Palestine
Historiquement, le FN, fondé par d’ex-nazis et collaborationnistes, a toujours cultivé un antisémitisme puissant. Et même s’il persiste encore aujourd’hui, il est beaucoup moins assumé par les cadres du parti.
Dès les années 70, cet antisémitisme s’est d’ailleurs manifesté par une forte opposition à Israël. Une tradition qui a perduré jusqu’au début des années 2010, notamment sous l’impulsion de figure comme Alain Soral.
On peut ainsi retrouver d’anciennes déclarations de Florian Philippot, retweetées par Jordan Bardella, expliquant que « l’honneur de la France c’est de reconnaître l’État palestinien ». Des propos qui vont à l’inverse de la position promue par le chef du parti de nos jours puisque ce dernier assurait récemment que « reconnaître un État palestinien aujourd’hui, ce serait légitimer le Hamas ».
Rappelons d’ailleurs que le Hamas n’a rien à voir avec la Cisjordanie qui fait pourtant partie de la Palestine, et qu’il était déjà au pouvoir à Gaza en 2014 lorsque le même Bardella œuvrait pour l’indépendance.
Actuellement, le RN est, de fait, devenu l’un des plus ardents soutiens du gouvernement d’Israël, pour plusieurs raisons. D’abord parce que Marine Le Pen a entrepris de dédiaboliser son parti en essayant de se débarrasser de l’étiquette « antisémite » qui lui colle à la peau depuis toujours.
Mais il s’agit aussi, et surtout, d’alimenter sa haine des musulmans qui a largement supplanté celle des juifs au sein de son électorat. Enfin, le fait que le gouvernement d’extrême droite d’Israël partage la même idéologie suprématiste et nationaliste que le RN joue également un rôle dans ce revirement.
3. L’Union européenne
Suivant la grande mode néolibérale adoptée par la majorité des droites et extrêmes-droites du continent, Jean-Marie Le Pen tenait dans les années 80 un point de vue très europhile, favorable au marché unique et à la monnaie commune. Pourtant, dans les années 90, il avait changé son fusil d’épaule et s’était retranché derrière un nationalisme non dissimulé.
Marine Le Pen a ensuite repris le parti dans cette lignée en occupant des positions anti-européennes récurrentes. En 2014, elle allait même jusqu’à demander à François Hollande d’organiser un référendum sur la sortie du pays de l’UE.
2016: Le Pen veut un référendum sur la sortie de la France de l’UE, donc sur le Frexit
2022: le Frexit n’a jamais été son projet, le RN veut changer l’UE de l’intérieur…
Ses convictions sont indexées sur le cours du dollar… pic.twitter.com/xEhj0BNM46— patricia chaibriant (@PChaibriant) November 10, 2024
En 2017, elle présentait aussi le souhait de revenir au franc. Mais arrivée au second tour, pour sceller son alliance avec Nicolas Dupont-Aignan, elle avait renoncé à toute velléité de quitter l’institution. Ce choix avait alors été entériné quelque temps plus tard par le départ de Florian Philippot, fervent défenseur de l’option du Frexit.
Dès 2019, le RN s’est définitivement soumis au projet néolibéral européen, admettant ainsi sa position en faveur du grand patronat et assurant pouvoir changer l’union continentale de l’intérieur grâce à ses partenaires européens d’extrême-droite.
4. Les grandes fortunes
Depuis son accès à la tête du parti, Marine Le Pen ne cesse de se déclarer du côté des plus pauvres. Elle a, en outre, plusieurs fois dénoncé les inégalités avec les plus riches. En 2017, elle prétendait même s’opposer à la suppression de l’ISF souhaitée par Emmanuel Macron.
Et pourtant, depuis l’arrivée en masse de ses députés à l’Assemblée nationale, son mouvement vote constamment des mesures en faveur des plus aisés. Son groupe a d’ailleurs toujours voté contre le retour de l’impôt sur la fortune proposée à de multiples reprises par la gauche. À la place, l’ex-présidente du RN promettait en 2022 un nouvel impôt qui avantagerait les plus riches. Dans une totale hypocrisie, elle affirmait également que la « taxe des superprofits devenait une urgence de justice sociale » alors que son parti avait voté contre quelques mois plus tôt.
Son programme actuel est d’ailleurs teinté de nombreux cadeaux envers les mieux lotis, comme la suppression de l’impôt sur le revenu des moins de trente ans ou l’allègement des taxes sur la succession qui ne concernent pourtant déjà qu’une minorité.
5. L’augmentation des salaires
Dans les faits, l’organisation de Marine Le Pen n’a jamais véritablement prôné une augmentation des salaires, et en particulier du SMIC, puisqu’à l’image de tous les partis de droite, il s’est toujours enfermé dans une rhétorique traditionnelle de « baisse du coût du travail ».
Pourtant, Marine Le Pen a usé de divers subterfuges pour laisser penser que les rémunérations progresseraient sous sa mandature. Ainsi, en 2012, elle promettait une hausse de « 200 € » à tous les employés payés moins de 1500 €, financée par une « cotisation sociale sur les importations ».
🏛️ Vote pour augmenter le SMIC à 1500 € net/mois, financé par une caisse de péréquation inter-entreprises :
Rejet de l’amendement de @Clemence_Guette (257 / 4 / 121)
🟥🟥🟥🟥🟥🟥🟥🟩🟩🟩Date : 20 juillet 2022, scrutin n°43
➤ https://t.co/KscnfivzyV#DirectAN pic.twitter.com/zjJsbf6R4b— Votes – Assemblée nationale (@VotesAssemblee) August 18, 2022
Il ne s’agissait déjà pas d’une augmentation de salaire réelle, puisque les 200 € auraient en réalité été versés par l’État lui-même, et non par le patronat. Il aurait donc fallu mettre à contribution la collectivité, en lieu et place des entreprises, et ce sans tenir compte de leur taille.
À noter que dans le même temps, la fille de Jean-Marie Le Pen avait également promis d’indexer les salaires sur l’inflation. Et pourtant, en 2023, le parti d’extrême droite a bel et bien voté contre cette mesure (qui a depuis disparu de son programme), tout comme il s’est exprimé contre la hausse du SMIC. De quoi éclairer les véritables aspirations du mouvement.
– Simon Verdière
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