Rosa Bonheur et le tri sélectif, par Evelyne Pieiller (Le Monde diplomatique, avril 2023)


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Garouste & Bonetti. — « Chaise cocarde », 1988

© ADAGP, Paris, 2023 – Photographie : Bertrand Prévost – Centre Pompidou, MNAM-CCI – RMN-Grand Palais

Pendant un temps qui put à certains paraître long, il fut difficile d’échapper, dans le métro parisien, à l’image d’un cerf aux yeux quelque peu exorbités, au centre d’une élégante forêt. Entre deux affiches pour des téléphones portables, c’était perturbant. On découvrait Rosa Bonheur. Une exposition au Musée d’Orsay lui rendait hommage. France Mémoire avait choisi de commémorer le bicentenaire de sa naissance en 2022. M. Emmanuel Macron a décidé la création de ce service « par l’Institut de France en remplacement de l’ancienne délégation aux commémorations nationales ». Il se charge d’établir tous les ans un « calendrier d’une cinquantaine de dates anniversaires sur (sic) des personnalités, des œuvres ou des événements marquants de l’histoire de France ». Comme le souligne M. Xavier Darcos, ancien ministre et chancelier de l’Institut, il s’agit là d’une « mission d’intérêt général » et qui entend « donner au reste du monde une juste image » des Français. Autant dire une sérieuse responsabilité.

Certes, France Mémoire est censée être indépendante des instances politiques. Mais ses décisions contribuent à la version officielle de ce qui compte au rang des « valeurs » nationales. En 2022 donc, nous commémorâmes avec persévérance Rosa Bonheur, avec son Roi de la forêt, que le Musée d’Orsay présentait sans frémir comme une « artiste hors norme, novatrice et inspirante, tournée vers la nature », « engagée pour la reconnaissance des animaux » et exprimant leur « âme », « icône de l’émancipation des femmes ». Le Musée des beaux-arts de Bordeaux, où avait eu lieu la même exposition que dans la capitale, assénait dans son dossier de presse que sa « vie de femme libre » était « devenue mythique », ce qui jusqu’alors avait échappé à notre attention, mais non à France Mémoire, qui la déclinait non seulement en « icône féministe » bien sûr, mais aussi de façon délicieusement démodée et puritaine en « vestale de l’art ». Nul n’oubliait de souligner qu’elle avait (…)

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