le metal contestataire depuis 1995


Trente ans que Mass Hysteria fait vibrer et sauter les foules sur un metal énervé, joyeux et engagé. Trente ans que Mouss Kelaï, chanteur-compositeur, scande ses idées et a fait de sa révolte une source d’optimisme. Lors de son passage au Havre pour un concert, Mouss a accepté de nous répondre, à cœur ouvert et sans langue de bois. Rencontre avec un passionné, en quête de réponses et de justice.

Engagé, révolté, positif à bloc, Mouss se passionne aussi pour la géopolitique et tente d’éveiller les consciences, sans toutefois prétendre détenir la vérité. Interview d’un chanteur conscient, en concert au Zénith de Paris ce 31 janvier !

Mouss, toujours positif à bloc ! ©Mass Hysteria

Mr Mondialisation : Tu fais partie de Mass Hysteria depuis la création du groupe en 1995. Comment es-tu entré dans l’aventure ?

Mouss Kelaï : J’ai grandi avec la musique, dans une famille de huit enfants où chacun écoutait des styles différents : chanson française, disco, rockabilly, hit parade… Pour ma part, les Beatles m’ont accroché dès le plus jeune âge, puis Téléphone. C’est là que j’ai commencé la guitare et ai eu mon premier groupe, vers l’âge de 15 ans. Je voulais être guitariste, mais je n’étais pas très bon… si bien qu’on m’a relégué au chant (rires) ! Heureusement, j’ai appris à aimer ça. S’en sont suivis des allers-retours entre Paris, Brest, ma ville d’origine, et Lyon.

J’ai erré quelques années loin de la musique, de petits boulots en petits boulots, jusqu’au jour où mon pote Erwan m’a appelé en me disant qu’il cherchait un chanteur sur Paris. Il est arrivé exactement au bon moment, celui où on ne sait pas quoi faire de sa vie, dans quelle direction aller… J’étais plutôt dans le dub et le reggae à l’époque, mais des copains m’avaient initié au metal via Metallica ou Slayer, que je trouvais ultra violents (rires).

« je voulais faire des chansons positives et utopistes à la Bob Marley »

Je n’étais pas encore converti lors de mon arrivée à Paris, je voulais faire des chansons positives et utopistes à la Bob Marley, mais j’aimais également Brel et la chanson engagée. Je me suis fait à la culture metal et ai donc commencé la première mouture de Mass Hysteria en 1995. Yann (ndlr : guitariste) et Raphaël (ndlr : batteur) toujours là aujourd’hui, sont arrivés l’année suivante. Aujourd’hui, on est cinq avec Jamie à la basse et Nico à la guitare, qui nous ont rejoints il y a une dizaine d’années.

Mass Hysteria, l’un des plus grands groupes de métal français ©Audrey Wnent

Mr Mondialisation : Vous avez fait sensation au dernier Hellfest, en jouant sur l’une des deux « mainstage », juste avant Metallica. En trente ans, Mass Hysteria a su faire partie des grands !

Mouss Kelaï : Oui, on a passé un très bon moment au Hellfest, qui reste la grande messe du metal. Le son était incroyable, au point que l’ingé-son de Metallica est venu féliciter le nôtre ! On a pu profiter de leur « snake pit » (ndlr : des places VIP au coeur de la scène), en négociant le droit d’avoir 200 fans à cet endroit donc c’était vraiment top.

On ne s’est pas rendu compte tout de suite de l’impact du concert. Quand on est sur scène, qu’on joue, on est un peu dans un état second… Mais en revoyant les images après coup, avec ces milliers de gens qui sautent tous en même temps, mes poils de bras se sont dressés (rires).

Mr Mondialisation : Hormis votre incarnation sur scène, tu es aussi pleinement investi par l’état de notre monde. Sens-tu une connivence entre le metal et l’engagement politique ?

« Le metal s’inscrit plutôt dans une forme de rejet de la conformité »

Mouss Kelaï : Musicalement, la France a un passif de chanson contestataire. C’est dans notre ADN, mais je pense que le metal, à l’origine, n’est pas aussi socialement engagé que le dub, le reggae, le rock, ou encore le rap à ses débuts. Le metal s’inscrit plutôt dans une forme de rejet de la conformité. C’est une musique extrême, hors-case, contestataire par nature mais peut-être plus sur des sujets environnementaux, avec des groupes comme Gojira, ou sociaux.

Depuis trente ans, le groupe est connu et reconnu pour sa révolte et son engagement ©Mass Hysteria

Ainsi, le côté poing levé face aux politiques prend sans doute ses racines dans la chanson contestataire française, dont nous avons hérité avec Mass et des groupes comme Lofofora ou No One is innocent. Je ne suis pas un spécialiste du metal à l’international donc je manque d’informations pour répondre, mais l’idée que le metal « politique » puisse être une spécificité assez française, ça me plaît !

Mr Mondialisation : Tu écris et chantes en français des textes engagés qui ont construit l’identité de Mass Hysteria. Te sens-tu une forme de responsabilité, notamment vis-à-vis des plus jeunes qui t’écoutent ?

Mouss Kelaï : Oui un peu, j’essaie de ne pas dire n’importe quoi, d’autant que je parle pour moi, ce sont mes textes que les autres membres du groupe ont la gentillesse de me laisser chanter (rires). En écrivant ce que je pense et en pensant ce que j’écris, je suis conscient que je touche les plus jeunes, ceux que l’on fait monter sur scène à la fin de chacun de nos concerts.

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« Mais mon discours demande à être remis en question : chacun doit se faire sa propre opinion »

Mais mon discours demande à être remis en question, chacun doit se faire sa propre opinion : là, on discute et je ne te demande pas d’être d’accord avec moi. L’essentiel est d’obtenir un compromis sans forcément avoir les mêmes idées. Je pense savoir ce que je chante et éviter de dire des bêtises, donc cette forme de responsabilité ne m’angoisse pas.

Sur scène, Mass Hysteria est réputé pour ses prestations d’une énergie folle et d’une grande générosité ©Mass Hysteria

Mr Mondialisation : Peux-tu nous raconter ton histoire « politique », celle qui a mené à ton engagement ?

Mouss Kelaï : Je suis né d’un père algérien, arrivé dans les années 1950 pour « reconstruire » la France, et d’une mère française. Mon père travaillait à l’arsenal de Brest. Syndicaliste et communiste, il s’endimanchait à chaque élection, c’était un véritable rituel. J’ai toujours suivi ma famille aux bureaux de vote : mes parents, puis mes frères et sœurs en âge d’aller voter. Quand mon tour est arrivé, c’était la seconde élection de Mitterrand et je n’ai cessé de voter depuis, toujours à gauche…

Jusqu’en 2005, année du référendum sous Sarkozy. J’ai voté non, comme 55% des Français à l’époque, plutôt contre cette Europe profondément anti-sociale et sans aucune harmonie fiscale : dans certains pays de l’Est, une infirmière gagne l’équivalent d’un RSA chez nous… Sauf que Sarkozy a décidé de faire ce qu’il voulait, à savoir ne pas respecter le vote des Français.

Pour moi, ça a été le coup de grâce. Je me suis senti comme un apostat, j’ai cessé d’y croire. Je vote blanc depuis cette époque – et je considère le fait qu’il ne soit pas comptabilisé comme un déni de démocratie. 

Mr Mondialisation : Mais avec une percée de l’extrême droite…

Mouss Kelaï : Aujourd’hui, le vote contestataire est devenu l’extrême droite ! La gauche s’est vidée du prolétariat qui est parti vers le Rassemblement National.

Les gens votent par ras-le-bol, trop déçus les partis politiques. Ils ne seront malheureusement pas mieux servis par l’extrême droite… (ndr : (re)lire notre article « 5 petits arrangements entre le RN et la Macronie »)

Un groupe au poing levé depuis 1995 ©Mass Hysteria

Mr Mondialisation : Si tu avais une baguette magique pour réformer ce système, que ferais-tu ?

Mouss Kelaï :  Je n’ai pas la solution miracle, mais je cherche une politique juste. Je pense qu’il faudrait tendre vers une démocratie directe, à l’image de la Suisse, où l’on demanderait l’avis de la population avant de voter les lois et surtout, on respecterait sa décision. Et tant qu’on y est, virons le Sénat ! C’est une institution inutile et terriblement chère. J’en ferais un musée ou une salle des fêtes (rires) ! (ndlr : la suppression ou la réforme du Sénat fut placée au cœur du débat citoyen lors de la révolte des gilets jaunes). Enfin, le Parlement pourrait ne plus être élu mais bâti comme un jury de tribunal. 

Mr Mondialisation : « Positif à bloc », « La joie comme vengeance », « Tout va si mal que le meilleur est pour bientôt »… malgré tout ce qu’on voit, entend, subi, comme la réélection récente de Trump, tu restes optimiste. À quoi t’accroches-tu ?

« Je ne suis piloté par personne dans cette quête, aucun parti, aucun mouvement ».

Mouss Kelaï : Oui, je suis définitivement optimiste. Depuis toutes ces années, je profite de mon temps libre pour essayer de comprendre la géopolitique à l’échelle mondiale. Je ne suis piloté par personne dans cette quête, aucun parti, aucun mouvement. Notre contexte politique mondial est tellement dense et compliqué qu’il m’a fallu des années pour commencer à me dire que j’étais assez à l’aise sur le sujet.

Il n’y aura pas forcément de révolution ou de guerre civile, mais plutôt un effet domino. Alors oui, tout va si mal que le meilleur est pour bientôt, j’en suis persuadé.

– Propos recueillis par Mélusine L. pour Mr Mondialisation.

AGENDA : Mass Hysteria sera en concert au Zénith de Paris le vendredi 31 janvier 2025, afin d’y fêter ses trente ans de carrière.

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