Des tonnes de plastique souillent les forêts des Yvelines


Des milliers de manchons en plastique ont été abandonnés par l’Office national des forêts (ONF) dans plusieurs parcelles forestières des Yvelines. Les preuves de cette pollution ont été collectées par trois associations de protection de l’environnement, sur huit parcelles des forêts de Saint-Germain-en-Laye, Beynes et Fausses-Reposes, et jointes à une plainte déposée le 22 janvier devant le procureur de Versailles, que Reporterre a pu consulter. Elle vise l’ONF pour non-respect du Code de l’environnement, qui réprime l’abandon de déchets.

Reporterre a pu constater en forêt de Saint-Germain-en-Laye la présence de nombreux restes de protections en plastique semi-rigide noir, installées à l’origine autour de jeunes pousses afin qu’elles ne soient pas dégradées par les chevreuils.

Certaines sont enfouies dans le sol par le passage de tracteurs, d’autres sont encore positionnées le long du tronc d’un arbre de plusieurs mètres. Des photos prises par les associations montrent également des manchons déchiquetés par des engins de défrichement. L’analyse des archives des images satellites de ces parcelles montre que les plantations datent de 15 à 20 ans pour quatre d’entre elles. Les autres semblent avoir été plantées depuis six ans ou ne sont pas lisibles par image satellite.


Sur la parcelle 190 de la forêt de Saint-Germain-en-Laye, de nombreux manchons en plastique jonchent le sol ou entourent des arbres. Les images satellites du site indiquent que la plantation date au moins de 2010.
© Erwan Manac’h / Reporterre

Cette pollution de grande ampleur est reconnue par le directeur de l’agence ONF d’Île-de-France Ouest, Pierre-Emmanuel Savatte, contacté par Reporterre. Il minimise néanmoins : « Il y a eu des accidents et des pratiques qui, dans le passé, n’étaient pas très vertueuses. Nous allons cartographier les parcelles présentant des pollutions plastiques et faire le travail de rattrapage. Il faut qu’on corrige le tir, mais cela ne va pas se faire d’un coup de baguette magique. »

Il assure que le ramassage des manchons de protection sera désormais systématique, « après plus ou moins une dizaine d’années selon les essences et la fertilité du sol ». Soit le temps nécessaire à ce que la végétation grandisse suffisamment pour faire disparaître les ronces du sol, facilitant le travail de collecte.


La pollution représenterait 412 à 782 kg de plastique par hectare, selon l’association Sauvons les Yvelines.
© Erwan Manac’h / Reporterre

Le directeur régional, nommé il y a un peu plus d’un an, reconnaît également qu’une opération de broyage de végétation a déchiqueté des manchons, en forêt de Beynes. « Un accident », dit-il, ajoutant avoir passé des consignes aux entreprises d’élagage pour qu’elles interrompent les travaux lorsque la présence de plastique est détectée.

412 à 782 kg par hectare

Jean-François Bron, de l’association Sauvons les Yvelines, a fait ses calculs. Il estime que la pollution représente 412 à 782 kg de plastique par hectare, selon le type de manchons et la densité de plantation. Ces manchons abandonnés représentent donc une masse totale de plusieurs tonnes dans les huit parcelles où ils ont été constatés.

« Tout permet de penser que d’autres forêts d’Île-de-France présentent le même problème », s’inquiètent les associations L’Appel des Forêts d’Île-de-France, Jade, et Sauvons les Yvelines, signataires de la plainte. « Une partie du plastique sera ingéré par la faune […] et l’autre partie rejoindra la nappe phréatique et l’eau potable qui en est extraite », écrivent-elles, soulignant que « plusieurs captages d’eau potable existent » en forêt de Saint-Germain-en-Laye.


La certification PEFC Ouest affirme avoir demandé des «  investigations complémentaires  ».
© Erwan Manac’h / Reporterre

Les risques du plastique pour la santé humaine sont de mieux en mieux documentés : plusieurs études notent des corrélations entre la présence de plastique dans l’air, le sol ou l’eau et une altération de certains organes (poumons, intestin…), pouvant conduire à diverses pathologies.

Des « investigations complémentaires »

La pollution plastique constatée dans les Yvelines n’a pas empêché l’ONF de bénéficier de la certification PEFC (Programme de reconnaissance des certifications forestières) sur l’ensemble de ses forêts en Île-de-France. Le cahier des charges associé à ce label de « gestion durable des forêts » est réputé permissif. Il laisse ouverte la possibilité de pratiquer des coupes rases à grande échelle (jusqu’à 10 hectares), une pratique qui dégrade les écosystèmes et malmène les sols. Cette certification prévoit toutefois que le propriétaire doit « respecter l’espace forestier en préservant […] les sols ».

L’ONF obtient chaque année un renouvellement de certification à l’échelle régionale, après un audit visant quatre forêts choisies aléatoirement. En octobre 2023, les auditeurs avaient conclu à « la totale adéquation de la gestion appliquée par les agences ONF franciliennes avec les indicateurs de gestion durable », se félicite l’ONF sur son site.


Plastique retrouvé en forêt de Saint-Germain-en-Laye.
© Erwan Manac’h / Reporterre

Interrogé par Reporterre, l’organisme de certification PEFC Ouest affirme avoir, par l’intermédiaire de son conseil d’administration — dont est membre l’ONF —, « demandé que des investigations complémentaires soient menées sur le terrain ». Des « mesures adaptées » seront prises si une « non-conformité avec les exigences de la certification PEFC est confirmée ».

« Arrêter de raser des forêts »

Ce type de pollution a déjà été constaté par le passé, comme en 2022 en forêt domaniale de Châtellerault (Vienne). Le responsable local de l’ONF indiquait alors à La Nouvelle République être « conscient qu’il y a de la perte, à un niveau qu’on ne sait pas chiffrer ».

Le risque que cette pollution existe à grande échelle est donc difficile à évaluer, notamment dans les parcelles privées qui représentent les trois quarts des forêts françaises. Une récente étude de l’Agence de la transition écologique (Ademe) révèle que les trois quarts des sols français examinés sont contaminés par des microplastiques. Seulement 1 des 4 échantillons prélevés en forêt présentait néanmoins des traces de microplastiques.


Plastique retrouvé en forêt de Saint-Germain-en-Laye.
© Erwan Manac’h / Reporterre

Comment prévenir le risque de pollution dans les forêts ? Plusieurs alternatives aux manchons en plastique sont à l’étude (engrillagement des parcelles, manchons en bois, laine de mouton ou carton), mais aucune n’est encore parvenue à s’imposer. Une solution serait de limiter au maximum les plantations. « Nous devrions commencer par arrêter de raser des forêts pour y replanter des arbres », dit Sylvain Angerand, de l’association Canopée, mobilisée contre le plan gouvernemental « 1 milliard d’arbres » qui offre des primes aux coupes rases. La régénération naturelle ne nécessite en effet pas de planter de jeunes pousses, observe le militant.

« En temps normal, nous laissons faire la nature, assure Pierre-Emmanuel Savatte, mais des travaux de régénération artificielle sont parfois nécessaires, notamment quand il y a des pathogènes qui risquent d’entraîner des chutes d’arbres. C’est un enjeu de sécurité pour les promeneurs. Et ces coupes représentent un sacrifice pour nous. »

La plainte déposée le 22 janvier s’inscrit dans le cadre d’un bras de fer engagé par les trois associations avec l’ONF. Elles lui reprochent des coupes d’arbres et destruction des sols dans le bois de Beynes, dans le cadre de travaux forestiers entamés le 16 décembre dernier, à proximité d’une marre hébergeant des espèces protégées. Une première plainte a été déposée le 16 janvier pour destruction d’espèce protégée.

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