Les camions publicitaires lumineux sont proscrits, mais ils roulent quand même


25 janvier 2025 à 10h06

Mis à jour le 25 janvier 2025 à 10h29

Durée de lecture : 4 minutes

Difficile de la rater dans les rues de Paris : avec ses 20 m2 de panneaux numériques lumineux, la camionnette noire attire l’œil du passant… et son oreille. Ce jour-là, sur les écrans LED apposés sur ses flancs et à l’arrière, elle promeut des produits de maquillage. À l’arrêt, le véhicule émet un ronflement sourd. Ce n’est pas le bruit du moteur, mais celui du groupe électrogène fixé à l’intérieur du fourgon. Car il faut bien alimenter ces milliers de LED, et la batterie du camion n’y suffit pas. Une petite ouverture située sur le haut du caisson permet d’évacuer les émanations toxiques. Non seulement ce camion pollue beaucoup, mais il circule surtout de façon tout à fait illégale dans les rues.

Depuis au moins quatre ans, ces véhicules déambulent à Paris, Lyon ou encore Marseille. Les agences de publicité qui les louent — une dizaine opèrent sur ce créneau — vantent une solution de communication innovante et très efficace. « Les annonceurs utilisent surtout ce type de support pour des événements spécifiques, par exemple la sortie d’un album ou d’un nouveau produit, explique à Reporterre LED Media Com, qui possède cinq camions à Paris. Il s’agit généralement de campagnes éphémères, sur une journée, parfois une demi-journée. » Ces écrans mobiles permettent de diffuser des images fixes, mais aussi des clips, des bandes-annonces de film, etc.

Fin décembre, le groupe Sata, qui possède les domaines skiables des Deux-Alpes et de l’Alpe d’Huez, a fait circuler pendant dix jours un camion avenue des Champs-Élysées et boulevard Haussmann pour lancer la saison de ski. « La plus grosse publicité inutile ! » taclait sur X Valérie Paumier, fondatrice de Résilience Montagne, une ONG plaidant pour la transformation de l’économie dans les milieux montagnards et vallées.

Interdit en France

Pourtant, la publicité lumineuse sur les véhicules est interdite par le Code de l’environnement, à l’article L. 581-48, et par le Code de la route, à l’article L. 418-1. Ce que confirme également le ministère de la Transition écologique dans son guide pratique sur la publicité extérieure, publié en 2024 : « L’autorité de police de la circulation ne peut pas accorder de dérogation à cette interdiction de la publicité lumineuse sur les véhicules terrestres à l’occasion de manifestations particulières. » Les annonceurs encourent une contravention de troisième classe, soit jusqu’à 450 euros.

LED Media Com dit ne pas avoir d’informations à propos d’une interdiction à Paris. « La seule chose, c’est que nous n’avons pas le droit de stationner trop longtemps devant les monuments historiques, comme le Trocadéro », nous assure son porte-parole. La Ville de Paris, contactée par Reporterre, dément : « Les camions utilisés à des fins essentiellement publicitaires ne sont pas autorisés à Paris qu’ils soient lumineux ou non. Le règlement local de la publicité (RLP) de Paris est plus strict que le Code de l’environnement. »


Le camion à LED des domaines skiables des Deux-Alpes et de l’Alpe d’Huez a circulé pendant dix jours à Paris.
X/Valérie Paumier

LED Media Com reconnaît les conséquences environnementales de ses camions, « comme tous les autres véhicules à essence ». Il souligne aussi développer son offre d’écrans numériques sur des vélos électriques, « une solution plus écoresponsable ». Certes. Mais ce support est tout aussi interdit par le Code de la route, qui prévoit jusqu’à 38 euros d’amende pour les contrevenants à vélo.

Marchandisation de l’espace public

« Nous avons régulièrement des signalements depuis 3-4 ans dans les grandes villes de France, constate Thomas Bourgenot, chargé de plaidoyer à Résistance à l’agression publicitaire (RAP). Mais le phénomène semble rester marginal pour l’instant. » Cependant, les camions en question semblent passer entre les mailles des contrôles.

Selon la Ville de Paris, ces infractions sont difficiles à sanctionner, car le constat d’un agent assermenté est nécessaire pour faire un PV. « Or, ces dispositifs sont en mouvement, et souvent très éphémères », se défend la municipalité. Cette dernière dit cependant adresser un courrier d’avertissement à la marque quand elle reçoit un signalement. « On a un problème de rapport à la publicité à Paris, juge pour sa part Émile Meunier, élu écologiste et conseiller de Paris. Pour moi, la publicité est le moteur de la destruction du monde. »

L’élu écologiste mène régulièrement bataille contre « la marchandisation de l’espace public ». Fin 2024, son groupe a par exemple déposé un recours gracieux auprès de la mairie de Paris pour exiger le retrait de la malle géante à l’effigie de Louis Vuitton sur les Champs-Élysées. Destinée à cacher un bâtiment en chantier, cette installation de LVMH s’apparente, pour lui, à de la publicité déguisée.

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