scandale autour du Pacte vert et de son système de lobbying financé et organisé par la Commission européenne — Enfant de la Société — Sott.net


Après le scandale du Qatargate au Parlement européen, un nouveau scandale bouleverse le sommet de l’Europe. Cette fois-ci, l’ingérence n’est pas financée par le Qatar mais par des membres de la haute bureaucratie européenne.

Hémicycle UE

© Martin BERTRAND/Hans LUCAS/AFPL’hémicycle du Parlement européen à Bruxelles le 10 décembre 2024.

Si le lobbying européen est toléré bien que polémique, quand celui-ci est subventionné par la Commission pour influencer le vote des députés, il soulève des questions déontologiques sur l’utilisation des fonds européens.

Le scandale du « Greengate » est venu d’articles parus la semaine dernière dans le journal néerlandais De Telegraaf et le journal français Le Point. On y lit que l’ancien commissaire néerlandais Frans Timmermans aurait organisé un système de financements d’ONG écologistes pour influencer les eurodéputés et les États membres en faveur du Pacte vert. Un système reconnu en plénière par le nouveau commissaire au Budget, Piotr Serafin, le 22 janvier.

Le « Green Deal » ou « Pacte vert » a introduit depuis 2019 des normes punitives dans les domaines du transport, de l’énergie, de l’industrie et de l’agriculture afin d’atteindre l’objectif d’une neutralité carbone en 2050. Les grands secteurs de croissance européens ont été soumis à des réglementations de plus en plus restrictives (comme l’interdiction à la vente de voitures thermiques neuves en 2035 ou l’augmentation des taxes sur l’agriculture), alors que le reste du monde, les États-Unis et la Chine en tête, continuaient à produire sans restrictions dans un contexte de mondialisation des échanges commerciaux. Or, les voitures électriques produites en Chine, le bœuf du Brésil ou le lait de Nouvelle-Zélande ne respectent pas les mêmes normes environnementales et sociales que l’Union Européenne, ce qui entraîne une concurrence déloyale généralisée pour la production et une économie européenne au bord de la récession.

Dans ce contexte, le lobbying orchestré par la Commission européenne est d’autant plus énigmatique. Des signalements ont été déposés au Parquet national financier français et au Parquet européen, ainsi qu’à l’Office européen de lutte antifraude.

L’UE accusée d’avoir financé le lobbying d’ONG écologistes au Parlement

Des élus français et européens accusent la Commission européenne d’avoir financé des ONG environnementales pour faire pression sur des eurodéputés afin qu’ils votent les propositions de loi sur le Pacte vert.

Le député européen Jean-Paul Garraud du parti « Les Patriotes pour l’Europe » a adressé le 24 janvier des signalements à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), au Parquet national financier (PNF) français et au Parquet européen. « Il y a matière à enquêter » sur cette « pression » faite sur des eurodéputés, selon lui.

Le financement des ONG et des lobbyistes fait l’objet de débats depuis plusieurs semaines à Bruxelles, car la Commission veut réviser ses règles en la matière. Mais le ton est monté le 22 janvier, avec la publication d’un article du journal néerlandais De Telegraaf, qui affirme que des contrats de financement d’organisations environnementales comprenaient spécifiquement des objectifs de lobbying auprès des parlementaires européens.

Selon le journal, l’une des ONG les plus visées par ces accusations est le Bureau européen de l’environnement (EEB) qui regroupe 185 associations environnementales. L’EEB et d’autres groupes similaires bénéficient de subventions considérables de l’UE, leur donnant un pouvoir d’influence tout aussi considérables auprès des députés.

Le journal mentionne également le programme européen LIFE, qui soutient des actions dans les domaines de l’environnement et du climat et évoque notamment le lobbying des ONG en faveur d’une loi comprise dans le Pacte Vert sur la restauration de la Nature, adoptée en février 2024 au Parlement.

Devant les eurodéputés en séance plénière, le commissaire européen du Budget et de l’Administration Piotr Serafin a admis qu’il « était inapproprié pour certains services de la Commission de conclure des accords obligeant les ONG à faire du lobbying spécifiquement auprès des membres du Parlement européen ». La Commission partage « l’objectif du Parlement européen d’améliorer la transparence » des financements européens et attend un audit de la Cour des comptes européenne sur le financement des ONG, a-t-il indiqué.

« Une collaboration très orchestrée »

« C’est un système de lobbying fantôme qui sape la confiance dans nos institutions », a réagi l’eurodéputé néerlandais Dirk Gotink (PPE). « Des fonctionnaires de la Commission travaillaient sur les campagnes de communication de réseaux de lobbyistes qu’ils finançaient eux-mêmes » a-t-il continué. L’eurodéputé assure cependant ne pas être contre le mouvement environnemental :

« Ma critique s’adresse à la Commission européenne. Il semble qu’il s’agisse d’une collaboration très orchestrée, ce qui suscite des questions en matière de séparation des pouvoirs et de transparence » a-t-il déclaré.

Pour l’eurodéputée française Céline Imart (PPE), le décalage entre les États-Unis et l’Europe devient de plus en plus manifeste : « Pendant que les États-Unis cherchent à conquérir Mars, l’UE finance des ONG à hauteur de 5,5 milliards d’euros pour attaquer nos entreprises déjà asphyxiées. » (Dans le cas du « greengate », les contrats représenteraient 15 millions d’euros en 2024, selon Le Point, ndlr). Pour l’eurodéputée allemande Monika Hohlmeier (PPE), la Commission a fait pression « sur elle-même en prétendant que ce sont des actions de lobbyistes indépendants ».

Les réactions des partis écologistes, socialistes et progressistes, dont Renew, favorables au Pacte vert, sont à l’exact opposé.

Au centre, le député slovaque Martin Hojsík (Renew) s’est dit pour sa part « reconnaissant » que l’Union européenne finance la « société civile », alors que des entreprises et des syndicats professionnels mènent régulièrement des actions de lobbying au Parlement européen.

À gauche, l’écologiste Marie Toussaint a reproché aux élus de droite leur « hypocrisie ». « Ils ne veulent pas s’assurer du bon usage des fonds européens », mais « mener la guerre » à des ONG qui « œuvrent pour la planète », a-t-elle déclaré.

Un dévoiement manifeste du fonctionnement de l’Europe

Dans l’ordre institutionnel européen, ce n’est pas la Commission qui oriente le Parlement et les États membres, c’est, au contraire, elle qui doit suivre le consensus né du travail des deux seules entités qui décident : le Conseil (des États membres) et les élus du Parlement européen. Il y a donc un dévoiement manifeste du fonctionnement de l’UE et un détournement de sa politique par une haute bureaucratie européenne. Plusieurs dizaines de millions d’euros d’argent public – les enquêtes établiront l’ampleur de ces dépenses – pourraient avoir été utilisés, non pour l’intérêt général européen mais pour pousser des intérêts politiques ou financiers particuliers, autour du Pacte vert.

Avant que ce scandale n’éclate en France, l’eurodéputé Jordan Bardella demandait la suspension immédiate du Green Deal. « Négocié main dans la main par la droite, les macronistes et la gauche au Parlement européen, le Green Deal est probablement l’un des plus grands plans de décroissance qu’ait connu notre continent ces 50 dernières années », a-t-il estimé dans un entretien accordé au JDD. « L’inflation de normes que promet (le Pacte vert), comme la multiplication de contraintes à la croissance qu’il sous-tend, condamnera notre économie, de l’agriculture à l’industrie automobile, de l’intelligence artificielle à notre politique énergétique », accuse l’eurodéputé, qui dit craindre que ces réglementations ne relèguent l’Europe « à la marge du monde ».

À la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui assurait à l’automne vouloir maintenir un « engagement très clair » sur le Pacte vert mais de manière « ouverte aux technologies, avec des investissements et des innovations », prépare une grande conférence baptisée « Boussole compétitivité » en février, censée relancer les débats au sein du nouveau Parlement européen. L’idée est aussi de présenter le gigantesque plan d’investissement public et privé de 800 milliards d’euros dans les énergies vertes et l’innovation, que suggérait en 2024 le rapport Draghi.

Mais l’élection du nouveau président américain Donald Trump a rebattu en quelques jours les cartes de la compétition internationale et ce nouveau scandale au sommet de la Commission européenne pourrait contribuer à rebattre les cartes en Europe. Le Premier ministre polonais Donald Tusk, qui vient de prendre la présidence de l’Union européenne pour 6 mois, a d’ailleurs appelé le 22 janvier le Parlement européen à une « grande action de dérégulation », y compris pour le Green deal.



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