Saint-Prest (Eure-et-Loir), reportage
Bravant la pluie battante, une centaine d’opposants au projet d’autoroute A154-A120, habitants, agriculteurs, militants écologistes et élus, se sont rassemblés dans un champ sur la commune de Saint-Prest, en Eure-et-Loir, lundi 27 janvier. « Ce terrain est le symbole de notre lutte », dit Caroline Duvelle, porte-parole du collectif Non à l’A154-A120, perchée sur un tracteur entre deux bottes de paille.
Cette parcelle est celle de Maximilien Vangeon qui cultive ces terres depuis 2012. « J’ai repris la ferme et le combat de mon père », dit l’agriculteur de 41 ans. L’autoroute ensevelirait une partie de son champ sous le bitume et couperait son parcellaire en deux.
Maximilien en a conscience, « c’est le pot de fer contre le pot de terre », mais cette bataille est « existentielle » à ses yeux : « Cette exploitation a été transmise de génération en génération dans la famille, c’est un crève-cœur d’imaginer qu’elle disparaîtrait sous une autoroute. »
L’agriculteur vit depuis des années dans l’incertitude sur l’avenir de son gagne-pain : « On ne sait pas comment et quand ça va arriver, alors on ne peut pas faire de projet ni investir. C’est une torture morale. »
Il craint aussi de voir cet environnement et ces paysages qu’il côtoie depuis son enfance « saccagés ». La vallée de l’Eure, en contrebas de son champ, serait traversée par l’un des trois immenses viaducs de l’autoroute.
Selon le collectif, 660 hectares de terres, principalement agricoles, seraient englouties par la création de 61 kilomètres en 2×2 voies et l’élargissement de 37 kilomètres de routes nationales existantes, entre les communes de Nonancourt et Allaines.
« C’est le projet routier qui dévore le plus de terres agricoles », dit Caroline Duvelle. Une dizaine d’agriculteurs et agricultrices de la région, tous syndicats confondus, sont d’ailleurs venus au rassemblement pour afficher leur désaccord face à ce projet qu’ils jugent « inutile » et « aberrant ».
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Tandis que nous avançons péniblement sur le sol boueux, mis au repos jusqu’au semis de printemps, Maximilien pointe en direction d’une tour en bois, aux allures de mirador. « C’est pour guetter l’ennemi », sourit-il.
En décembre, c’est à quelques mètres de cette vigie que l’agriculteur a surpris des techniciens du bureau d’études Biotope, mandaté par Vinci, en pleine opération de carottage pour étudier le sol de sa parcelle… sans son autorisation. L’agriculteur a porté plainte contre X.
« Ils se comportent comme s’ils étaient en terrain conquis »
« C’est un délit pénal. Ils se comportent comme s’ils étaient en terrain conquis », commente Bruno Galy, avocat de l’association Saint-Prest Environnement et de la Fédération Environnement Eure-et-Loir.
« Des études peuvent être réalisées par les candidats à la concession. Toute investigation sur un terrain privé nécessite toutefois l’accord préalable du propriétaire », a réagi de son côté la préfecture d’Eure-et-Loir dans un communiqué, sans apporter plus de précisions. Sollicités, Vinci et Biotope n’ont pas répondu à nos questions.
Les candidatures à la concession, dont celle de Vinci, devraient être soumises très prochainement, et les opposants à l’autoroute craignent une accélération du calendrier. « On lutte maintenant de toutes nos forces pour éviter que le cauchemar de l’A69 se reproduise ici », martèle Caroline Duvelle, du collectif Non à l’A154-A120.
Une fois le contrat de concession signé, « les enjeux financiers sont énormes, pour le concessionnaire qui attend l’argent des péages et pour l’État qui devra le compenser en cas d’abandon, puisqu’il y a une clause d’indemnisation ».
« On leur mettra des bâtons dans les roues à tous les niveaux »
« Si le contrat est signé, on engagera des recours juridiques et on n’exclut pas de faire une zad. On leur mettra des bâtons dans les roues à tous les niveaux », prévient la porte-parole. Pour mettre toutes les chances de son côté dans ce moment décisif, les opposants à l’A154-A120 comptent faire entendre leur voix au niveau national.
Ils peuvent déjà compter sur le soutien de Sylvain Carrière, député LFI de l’Hérault, qui porte la proposition de loi d’un moratoire sur les projets routiers. Le collectif a aussi envoyé un courrier à tous les députés de l’Assemblée nationale, aux côtés de la coalition nationale La Déroute des Routes, et sa pétition a déjà été signée par plus de 12 400 personnes.
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