Planter des arbres n’est pas forcément bon pour la biodiversité


30 janvier 2025 à 17h14

Durée de lecture : 4 minutes

Planter des arbres, est-ce toujours une idée bénéfique pour la Terre ? Cela dépend de s’il s’agit de restaurer une forêt ou d’en créer une de toutes pièces. Une étude parue dans la revue Science le 24 janvier, conduite par Jeffrey Smith, chercheur spécialisé dans la surveillance environnementale, et ses collègues de l’Université étasunienne de Princeton, se penche sur la différence entre reforestation et afforestation. Et détaille les effets sur la biodiversité de ces deux méthodes.

De quoi regarder d’un nouveau œil les projets qui se multiplient dans le monde. Ainsi, à Pierrelaye-Bessancourt, une commune francilienne, les autorités ont décidé en 2019 de créer un bois de 1 350 hectares, et donc de planter 1 million d’arbres ! Fin novembre 2024, la sixième campagne de plantation était lancée.

Dans quelques années, cette ancienne plaine agricole devrait donc devenir une forêt. Ce qui chamboule nécessairement la vie des animaux et des plantes locales.

Lutte pour le climat… au détriment de la biodiversité ?

Reforestation comme afforestation permettent de capturer du carbone atmosphérique en faisant grandir des arbres qui vont l’absorber. En revanche, si la reforestation est bénéfique pour la biodiversité, l’afforestation, elle, provoque un phénomène de conversion de l’habitat chez de nombreuses espèces.

Après avoir étudié les effets de ces politiques sur plus de 14 000 espèces de vertébrés, les chercheurs ont conclu que les conséquences négatives étaient bien plus importantes que les positives.

Les nouveaux arbres privent en effet certains animaux de leur habitat. Les chauves-souris, certains papillons, ou des espèces d’oiseaux comme les tariers des prés préfèrent souvent les espaces plus ouverts et vont mal s’accommoder de l’arrivée impromptue d’une forêt.


Le tarier des prés est un petit passereau de la taille d’une mésange. Il aime les espaces ouverts et s’accomode mal de l’arrivée d’une forêt.
Flickr / CC BYSA 2.0 / xulescu_g

Pour Richard Michalet, enseignant-chercheur en écologie à l’Université de Bordeaux, cela va dans le sens de nombreuses autres études : « Pour résumer, la nature a besoin de stabilité. Il vaut mieux tenter de préserver les écosystèmes existants que d’essayer de jouer à l’apprenti-sorcier. »

Le reboisement est, lui, bénéfique pour les espèces

De plus, le chercheur travaille actuellement sur des études locales, autour de Bordeaux, qui arrivent à la même conclusion. « Nous avons constaté que lorsqu’il y a du reboisement dans des milieux forestiers, cela avait des conséquences positives sur les espèces. Alors qu’une nouvelle végétation dans les milieux ouverts était moins bénéfique. »

Les petits mammifères et les oiseaux vivant en forêt ont en effet tendance à préférer l’ombre : de nouvelles plantes, grâce à une reforestation, leur donnent un habitat plus favorable. C’est le cas notamment de ceux qui profitent de cet environnement pour se cacher des prédateurs. Tandis que les espèces des milieux ouverts, par exemple les lézards, les chauves-souris ou certains gros oiseaux, demandeurs de lumière, supportent mal l’arrivée de zones ombragées en cas d’afforestation.

Pour résumer, l’étude locale de Richard Michelet aboutit au même constat que les travaux globaux de Jeffrey Smith. Cela rejoint aussi l’avis d’autres scientifiques qui avaient décrit les effets néfastes sur la biodiversité de ces plantations d’arbres : la faune et la flore sont effet mal prises en compte car tous les regards sont braqués sur l’absorption du CO2.

Planter des monocultures ?

Qu’en est-il du projet de plantation de 1 milliard d’arbres vanté par Emmanuel Macron ? Il s’agit bien, en grande partie, de reforestation. Mais avec une méthode un peu particulière : des centaines de milliers d’hectares de forêt, considérées comme en mauvaise santé, ont été rasées — et le bois vendu — afin de replanter des arbres. Ainsi, qui dit reforestation ne dit pas que tout va pour le mieux. Surtout si on en profite pour planter des monocultures plutôt que de prendre soin de forêts diversifiées.

« Si l’étude [de Science] est très intéressante pour avoir un point de vue global, elle n’est pas un travail de terrain, mais une modélisation. Il y a des subtilités au niveau local qui passent inaperçues avec ce type d’approche », observe Richard Michelet.

Lire aussi : Planter 1 milliard d’arbres : comment le plan de Macron rase des forêts

Ces limites sont reconnues par les auteurs de l’étude eux-mêmes, qui alertent sur l’absence de prise en compte dans leurs propres travaux de nombreux facteurs comme les risques d’incendies, la gestion de l’eau ou les effets sur les animaux invertébrés.

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