31 janvier 2025 à 09h20
Mis à jour le 31 janvier 2025 à 10h10
Durée de lecture : 4 minutes
Montpellier (Hérault), reportage
« On a des cookies ! » La voiture s’arrête, un sourire, puis quelques mots sont échangés : « Je vous donne ce tract, le Cirad doit arrêter de travailler avec Bolloré ! » La conductrice repart et franchit le portail du campus montpelliérain du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. Un site où travaille plus d’un millier de salariés.
Ils sont une dizaine de militants des groupes locaux d’Extinction Rebellion et des Soulèvements de la Terre présents devant l’entrée jeudi 30 janvier. « On est là pour lutter contre le projet xénophobe de Vincent Bolloré », explique Paul [*], militant des Soulèvements. « Travailler avec lui, c’est légal, mais ce n’est pas moral. Le Cirad est financé par nos impôts, nous avons un droit de regard sur ce qu’il s’y passe. » Cette manifestation s’inscrit dans la campagne baptisée « Désarmer Bolloré » : cinq jours d’action contre l’empire du milliardaire.
À Montpellier, Paul et ses camarades sont venus dénoncer la collaboration entre PalmElit, filiale détenue à 60 % par le Cirad [1], et la société Socfin, dont Bolloré est actionnaire minoritaire.
« Graves » violations des droits humains
L’entreprise possède plus de 390 000 hectares de palmiers à huile et d’hévéas à travers le monde. Des ONG l’accusent de maltraiter ses travailleurs et de polluer des cours d’eau. En août 2024, c’est le fonds souverain norvégien, actionnaire du groupe Bolloré, qui pointait de « graves » violations des droits humains.
À l’entrée du campus, les salariés continuent d’arriver. « On a un super accueil », lance Cathy [*] « pour la plupart, ils ne sont pas au courant que leur employeur travaille avec Bolloré ». Le tract distribué se veut pédagogique. Il propose des reportages et documentaires accessibles via un QR code.
« On espère créer du débat », explique Paul. Il a stoppé sa distribution et argumente avec Marie-Laurence Poux-Viel, déléguée à la communication du Cirad. Elle est accompagnée du directeur régional Vincent Fabre-Rousseau. « Socfin, c’est à peine 1 % de notre budget », explique-t-elle. « L’État nous finance à 60 %, le reste, on va le chercher chez d’autres acteurs publics comme l’Union européenne, puis en travaillant avec le privé. »
Selon elle, les entreprises ne représentent que « 10 % du budget du Cirad ». Vincent Fabre-Rousseau complète : « Nous ne jugeons pas l’engagement politique des entreprises, mais nous sommes engagés depuis quinze ans sur les questions d’éthique, en particulier liées à l’environnement. »
Des actions dans toute la France
Alors que deux gendarmes garent leur voiture et prennent des photos, le chercheur Thomas Balenghien nous salue. Thermos de café à la main, il passe soutenir les militants mobilisés. « Le respect de l’éthique, on y est très attentif », lance ce secrétaire du syndicat CGT-Cirad. « Ici, on a une histoire lourde : on est né en 1984 de la fusion d’instituts qui travaillaient sur nos anciennes colonies. »
Il n’était pas au courant de la collaboration entre la filiale du Cirad et la Socfin. « On sait que nous travaillons avec l’industrie de l’huile de palme, mais nous n’avions pas l’identité des entreprises », explique-t-il. « Les valeurs fondatrices du Cirad, c’est la coopération internationale et la solidarité. Le projet de l’extrême droite est aux antipodes de ça. » Il veut maintenant porter le sujet en interne : « C’est bien que des personnes extérieures nous alertent, on va interroger notre direction et relayer le débat. »
« Les valeurs fondatrices du Cirad, c’est la solidarité »
Il est 10 heures, le flot des voitures s’est tari et la boîte à cookies est presque vide. Les militants remballent la banderole « Cirad financé par Bolloré » accrochée à une grille de chantier. Avant de nous quitter, Paul fait une dernière remarque, une promesse : « Si le Cirad ne bouge pas, on reviendra pour d’autres actions. » Des mobilisations « Désarmons Bolloré » sont prévues jusqu’à dimanche 2 février dans toute la France.