Le 1er février marque la Journée Mondiale du galgo. Un nom que même les amateurs de chiens ne connaissent pas forcément ; et une date symbolique qui coïncide avec la fin de la saison de la chasse en Espagne. Explications de l’enfer silencieux pour ces lévriers, qui se reproduit chaque année.
Les galgos sont des chiens élevés depuis des générations pour la chasse, et connaissent souvent un sort encore moins enviable que celui des animaux qu’ils poursuivent.
Zoom sur ces martyrs ibériques qui méritent tous les regards, dont nous vous parlions déjà en 2022…
Les lévriers, des coureurs victimes de leur talent
Les galgos, et leurs cousins moins connus les podencos, appartiennent à la famille des lévriers. Des chiens taillés pour la course et généralement élevés pour ces mêmes raisons.
En France, la course de lévriers avec pari est interdite depuis 2020 : seules les courses de loisir restent organisées, généralement par des passionnés de la race. Cette absence d’argent et de spéculation a globalement permis de couper court à la maltraitance.
Toutefois, ces courses lucratives persistent dans d’autres pays comme le Royaume-Uni, la Chine, les États-Unis, la Nouvelle Zélande ou encore le Brésil. Le sort des chiens y est peu enviable, à l’instar de celui des chevaux de courses : surentraînés, abîmés, blessés, ils sont réformés tôt et ne finissent pas toujours leur vie sur un canapé.
En 2018, un cynodrome de Macao, en Chine, a fermé ses portes suite à la pression des associations de défense animale, accusant le site de maltraiter et tuer ses animaux.
Mais le décor ibérique offre une vie autrement plus cruelle à ses lévriers. Appelés galgos (proches du greyhound en terme de morphologie) et podencos (descendants directs du lévrier égyptien, à la robe souvent rousse), les lévriers espagnols sont élevés pour la chasse sans fusil depuis des générations. Une tradition qui ferme les yeux sur le traitement infligé aux animaux.
« une loi espagnole de 2017 atteste que les animaux sont « des êtres vivants doués de sensibilité » Mais les galgos et podencos en sont exclus car considérés comme des outils de travail »
Jean-Philippe Pascal, président de l’association G.A.L.G.O.S fondée en 2012 en région Rhône-Alpes, rappelle qu’il existe une loi espagnole de 2017 attestant que les animaux sont « des êtres vivants doués de sensibilité ». Toutefois, sous la pression des chasseurs, les galgos et podencos en ont été exclus car considérés comme des outils de travail :
« Il existe toujours une forme d’omerta, ajoute Jean-Philippe Pascal. Chacun se cache derrière un consensus officieux du « rien vu, rien entendu ». Il y a quelques années, la présidente d’une association espagnole avait dénoncé la maltraitance d’un galgo auprès de la Guardia civile. Sauf que ce sont les copains des chasseurs… Elle a retrouvé son chien pendu quelques jours plus tard. Le silence est de mise, sous peine de représailles. » A l’instar de la France, le lobby de la chasse est très puissant en Espagne !
Des animaux traités comme des déchets, sous couvert de tradition
L’honneur comme prétexte à la torture : voilà ce que plaident les galgueros lorsqu’un de leur chien n’a pas attrapé le gibier escompté.
Les chasses sans fusil sont généralement organisées à deux chiens : tandis que le « gagnant » remportera les honneurs, celui qui n’a pas su se montrer à la hauteur sera victime des pires sévices.
« Pendu avec les pattes frôlant le sol, jeté vivant dans un puits ou du haut d’un pont, traîné derrière une voiture, brûlé vif, aspergé d’eau de Javel, abandonné agonisant dans une poubelle… »
Pendu avec les pattes frôlant le sol, jeté vivant dans un puits ou du haut d’un pont, traîné derrière une voiture, brûlé vif, aspergé d’eau de Javel, abandonné agonisant dans une poubelle… Une imagination dans l’horreur qui dépasse l’entendement, car la douleur du chien doit être à l’image du déshonneur de son maître : un prétexte amoral, sadique et moyenâgeux qui perdure à notre époque sur des milliers d’innocents.
Jean-Philippe Pascal confirme : « Nous savons que les traditions barbares persistent sur les galgos car les bénévoles espagnols retrouvent encore des cadavres de chiens pendus ou couverts de blessures. Heureusement, leur travail tend à diminuer ce genre de pratiques. En parallèle, la population de chasseurs rajeunit et s’intéresse de moins en moins à la chasse avec des lévriers. Toutefois, nous sommes très loin d’en avoir vu le bout. »
Le martyre des galgos et des podencos est d’autant plus troublant qu’il s’abat sur des chiens d’une douceur désarmante. Les lévriers sont des chiens d’un tempérament naturellement docile, conciliant et très peu enclin à l’agressivité. L’horreur qu’ils subissent est inversement proportionnée à leur fidélité, leur abnégation et leur quiétude : un acharnement qui dérange donc au-delà du raisonnable, car ces âmes innocentes subissent des tourments qu’elles ne sont pas en mesure de rendre au millième. De là à en déduire que leurs tortionnaires se délectent de leur incapacité à se défendre, il n’y a qu’un pas.
Les nombreuses associations au secours des martyrs espagnols
Les élevages de galgos et podencos font figure d’exception en France et dans le monde. Les galgueros espagnols s’occupent « naturellement » de la perpétuité de la race, enchaînant les portées d’année en année et entraînant des vagues d’abandon incroyables, notamment passée la période de chasse, en février.
Galgos et podencos sont avant tout des chiens à adopter. Blessés, peu convaincants à la course, échappés ou vieillissants, ils sont quotidiennement récupérés par les associations espagnoles via des perreras (fourrières locales), certains galgueros, ou la rue. Femelles gestantes ou allaitantes sont également régulièrement découvertes et prises en charge dans les refuges, avant d’être proposées à l’adoption. Ces chiens au lourd passé se voient alors offrir une seconde chance.
En Espagne, les refuges pour galgos et podencos – qui accueillent souvent d’autres races dans le besoin – se sont beaucoup développés ces dernières décennies.
Leur nombre est difficile à chiffrer mais pour Jean-Philippe Pascal, elles sont « très nombreuses et font un travail remarquable. » Leur dévouement pour récupérer des animaux dans le besoin est sans faille. « Ces associations font de la pédagogie auprès des écoles, afin que les nouvelles générations ne voient plus que de la barbarie dans ces pratiques. Elles tentent également d’ouvrir le dialogue avec les chasseurs, de façon très diplomatique. En les convaincant d’abandonner leurs chiens dans des refuges et non de s’en débarrasser de la pire manière qui soit, ces associations sauvent de plus en plus de chiens chaque année. »
Elles travaillent généralement en relais avec des associations d’autres pays, principalement situées en Europe et en Amérique du Nord, où leur nombre a augmenté ces dernières années. Il est fréquent de retrouver des lévriers espagnols dans des foyers canadiens, finlandais ou allemands – avec le pull qui va bien pour affronter des températures que leur absence de graisse et de sous-poil peine à endurer naturellement !
Que faire pour leur venir en aide ?
Comme souvent, le nerf de la guerre reste l’argent : les associations ont besoin de fonds pour fonctionner correctement. Infrastructures d’accueil, nourriture, soins et frais vétérinaires, transferts d’un pays à l’autre…
En cela, il est possible de contribuer même avec une toute petite somme : la plateforme Teaming, par exemple, propose des dons mensuels à partir de 1€. Sachant que les petits ruisseaux forment les grandes rivières, l’accumulation de ces sommes aide énormément à financer les besoins des associations bénéficiaires.
Des dons ponctuels, plus élevés, sont également très utiles, ainsi que des dons en nature. « Notre association ne vit que des dons, confirme Jean-Philippe Pascal. Chaque année, nous descendons en Espagne avec des camionnettes chargées de nourriture, jouets, couvertures… En 2024, nous avons déposé 60 tonnes de croquettes et matériels divers à 22 associations différentes.«
« Nous cherchons surtout des bénévoles pouvant réaliser des collectes un peu partout en France »
Il est également pertinent d’agir en donnant de son temps auprès de structures françaises. « Nous cherchons surtout des bénévoles pouvant réaliser des collectes un peu partout en France, précise le directeur de G.A.L.G.O.S. Ces actions sont un moyen de récupérer le matériel nécessaire pour aider les refuges espagnols, mais également de faire connaître la cause des galgos auprès du grand public. »
Pour celles et ceux qui en ont le temps et les moyens financiers, se rendre directement dans les refuges espagnols est une excellente façon d’aider. Nombre d’entre eux recherchent des bénévoles, avec quelques périodes plus tendues que d’autres, notamment à la fin de la période de chasse.
Attention, le bénévolat est souvent payant car sa prise en charge représente un coût pour les associations : transport, logement et une partie de la nourriture sont à la charge du bénévole, en plus des frais souvent demandés par l’association hôte. Il s’agit toutefois d’une démarche solidaire enrichissante, qui permet de découvrir ce que vivent les chiens et leurs aidants sur le terrain en s’impliquant de manière concrète et de revenir avec l’envie d’en parler autour de soi.
Adopter un lévrier espagnol : la voix du cœur
Entrer dans la démarche d’adoption d’un galgo ou d’un podenco constitue un acte tangible de résistance face au martyr subi par ces chiens en leur offrant (enfin) une vie digne, sécurisante et aimante. « Nous sommes environ 25 associations en France, précise Jean-Philippe Pascal, mais nous faisons face à une saturation des adoptions, qui stagnent voire régressent. Les personnes touchées par le sort des lévriers ne peuvent souvent pas ou plus prendre de chiens. Nous avons vraiment besoin que la cause soit plus largement connue, afin de renouveler les potentiels adoptants. »
Comme toute adoption responsable, cette démarche nécessite quelques pré-requis, comme une habitation sécurisée contre les risques de fugue, mais reste ouverte à toute personne prête à s’engager en faveur d’un animal en détresse.
Se renseigner au préalable sur la race est également conseillé : les lévriers sont des chiens un peu « à part ». Sensibles, réservés, peu enclins aux exercices d’obéissance, souvent têtus, chasseurs dans l’âme, frileux, amoureux des fauteuils et canapés… La compréhension de leurs besoins et de leur tempérament est le premier pas vers une adoption réussie.
« Il ne faut pas oublier les podencos, souligne Jean-Philippe Pascal, qui passent souvent au second plan. Leur physique est moins typé et élancé que celui des galgos, et ils souffrent moins des traditions barbares qui s’abattent sur leurs cousins. Pourtant, les podencos sont également victimes de la chasse et beaucoup sont récupérés complètement traumatisés. Ce sont des chiens qui méritent tout autant d’être adoptés. »
Malgré le travail incroyable des bénévoles espagnols et des associations relais à travers le monde, la loi espagnole de 2017 rappelle que les galgos et podencos sont encore loin de voir leur sort s’améliorer. « Il faut absolument médiatiser ce sujet, insiste le directeur de G.A.L.G.O.S. La commission européenne ne cesse de botter en touche, et cela n’intéresse pas les grands médias. Pourtant, pour aider les galgos et podencos, il n’y a rien de mieux que de les rendre visibles aux yeux du grand public. Seul un réel réveil international pourra changer leur destin.«
– Mélusine L.
Photo d’en-tête de Dada Mar sur Unsplash