les raisons de la grève de la police de l’environnement


Un mouvement « historique ». Le 31 janvier, les 3 000 agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), dont 1 700 inspecteurs de l’environnement chargés de faire respecter la réglementation environnementale, ont été appelés à faire grève par leur intersyndicale. Plusieurs rassemblements sont prévus, au cours desquels les agents devraient déposer leur étui d’arme devant des préfectures.

Il s’agit bien d’une grève contre l’exécutif, a précisé à France 3 le délégué Unsa-Écologie de l’OFB Benoît Solonel, qui estime que son établissement a été « jeté en pâture par le gouvernement ». Le 14 janvier, lors de son discours de politique générale, le Premier ministre François Bayrou avait estimé que « quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter le fossé ou le point d’eau avec une arme à la ceinture, dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c’est une humiliation. C’est donc une faute ».

Lire aussi : « Un pas de plus et je t’embroche ! » : des agents de l’OFB racontent les violences des agriculteurs

La première réaction de l’intersyndicale avait alors été, le 17 janvier, d’appeler les agents à « rester au bureau ». Cette mise en retrait, toujours en vigueur, consiste en l’arrêt de tous les contrôles de police et de toutes les missions en relation avec le monde agricole. « On ne se rend plus dans les exploitations agricoles, y compris pour des consultations et des avis, car au vu de l’hostilité à notre égard, on ne s’y sent plus en sécurité », a expliqué Guillaume Rulin, représentant de l’EFACGC.

L’initiative est particulièrement suivie : le 22 janvier, 67 % des agents avaient mis leur activité en pause et 28 services étaient totalement à l’arrêt, « ce qui est rarissime dans l’établissement public », soulignait le média Contexte.

Vague d’attaques

Les propos de François Bayrou sont le dernier camouflet d’une longue série infligée par les gouvernements successifs. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard, proche du syndicat agricole majoritaire FNSEA, a annoncé fin décembre une circulaire imposant aux agents de l’OFB un « port discret » de leur arme, et fin octobre la mise en place d’un « contrôle [administratif] unique » annuel dans les exploitations. « Est-ce qu’il faut vraiment venir armé quand on vient contrôler une haie ? » interrogeait Gabriel Attal en janvier 2024, lors d’un déplacement dans une exploitation de Haute-Garonne.

En parallèle, les tensions sont montées d’un cran avec une partie du monde agricole, dans un contexte rendu électrique par les élections des chambres d’agriculture. « On a le sentiment que ce que veulent les agriculteurs, c’est ne plus nous voir dans leurs exploitations. C’est du même ordre que si les dealers demandaient aux policiers de ne plus venir dans les cités pour empêcher le deal », a réagi le 15 janvier sur France Inter Benoît Pradal, inspecteur de l’environnement en Savoie et représentant Snape-FO, au lendemain du discours de politique générale de François Bayrou.

Lire aussi : L’Office français de la biodiversité, bouc émissaire facile de la crise agricole

Des propos qui ont indigné certains syndicats agricoles et relancé une vague d’attaques contre l’OFB. Le 28 janvier, au Pin-du-Haras (Orne), une vingtaine d’agriculteurs de la Coordination rurale (CR) ont obstrué l’accès au service départemental de l’office avec des déchets verts, du fumier et du foin en décomposition et déposé un énorme joint portant l’inscription « offert par les dealers de la CR 61 ».

Le 23 janvier, des membres de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) de l’Orne s’étaient déjà rassemblés devant la préfecture de l’Orne, où ils avaient monté un « point de deal » avec des tables de camping et des pochons remplis de farine. Le même jour, de l’amidon avait été déversé sur le bâtiment et dans la cheminée de l’OFB de Noidans-lès-Vesoul (Haute-Saône), privant les agents de chauffage. Le 22 janvier, le portail de l’antenne audoise de l’office, entre Carcassonne et Trèbes, était incendié. Tulle, Toulouse, Auch (Gers)… L’établissement a été la cible de 90 actions depuis fin 2023, dont 20 depuis une dizaine de jours, selon l’AFP.

Un agriculteur contrôlé tous les 130 ans

Les syndicats de l’OFB dénoncent avec force ce qu’ils perçoivent comme une stigmatisation injuste. L’OFB a deux missions, abusivement appelées « de contrôle », qui concernent tous les usagers de la nature. La première est une mission de contrôle administratif confiée par le préfet : par exemple, vérifier que tous les habitants et usagers d’un territoire respectent bien un arrêté sécheresse restreignant les usages de l’eau.

La seconde est une mission de police judiciaire, réalisée sous l’autorité du procureur de la République, qui consister à relever des infractions au Code de l’environnement : épandage de pesticides à moins de 5 mètres d’un cours d’eau, drainage d’une zone humide, etc.

Les bilans annuels démontrent qu’on est loin du harcèlement. « En 2023, sur les 21 635 contrôles administratifs réalisés par l’OFB, seulement 2 759 concernaient des agriculteurs, soit moins de 13 % des cas. À ce rythme, avec une moyenne de 17 agents par département, la direction de l’OFB estime qu’un agriculteur français risque d’être contrôlé une fois tous les 130 ans », indique l’EFACGC. Côté contrôles judiciaires, le syndicat a recensé 1 273 procédures concernant le monde agricole en 2023, soit 13 procès-verbaux par an et par département en moyenne.

0,045 % de « comportements parfois inadéquats »

Dans l’immense majorité des cas, les contrôles se passent bien. L’OFB n’a répertorié, « pour l’ensemble des usagers contrôlés [agriculteurs, mais aussi chasseurs, conducteurs de véhicules motorisés, etc.], que 180 situations relationnelles conflictuelles, pour un total d’environ 400 000 contrôles », indique un nouveau rapport d’inspection interministérielle sur les relations entre agriculteurs que s’est procuré Contexte. Soit un taux infime de 0,045 % de « comportements parfois inadéquats » de la part d’agents de l’office.

Malgré tout, obscurci par ces tensions avec le monde agricole productiviste et un contexte de backlash (retour de bâton) anti-écolo, l’avenir de l’OFB reste incertain. La proposition de loi Duplomb-Menonville, adoptée au Sénat le 27 janvier, renforce la tutelle du préfet de département sur les agents de l’OFB, au risque d’affaiblir leur action — les préfets avaient en effet, début 2024, demandé aux inspecteurs de « lever le pied » sur les contrôles suite aux manifestations agricoles.

Le projet de loi de finances pour 2025 constitue une autre menace existentielle pour l’office. Plusieurs députés de droite, parmi lesquels Éric Ciotti et Laurent Wauquiez, appellent tout simplement à la suppression de l’OFB, au prétexte d’économies budgétaires. Le ministère de la Transition écologique a lancé une mission flash d’un mois sur ses opérateurs liés à l’environnement, dans l’objectif de « repérer les doublons », « gagner en productivité » et « proposer des pistes de réformes ».

legende



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *