Recul des libertés, faillite politique, par Anne-Cécile Robert (Le Monde diplomatique, février 2025)


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Peter Martensen. – « Front », 2016

© ADAGP, Paris, 2025 – Galerie Maria Lund, Paris

«Nous en avons assez des lettres de cachet. Nous en avons assez d’être mis en prison pour des raisons secrètes. Nous en avons assez du scandale quotidien qui nous est révélé chaque jour au réveil, et qui, le soir venu, tombera dans l’oubli. Nous en avons assez des ministres falots qui prétendent nous diriger, alors qu’ils ne savent pas se conduire bien eux-mêmes ! » L’apostrophe de Beaumarchais — dans le film d’Édouard Molinaro (1996) — à un tribunal aux ordres de la monarchie rappelle que 1789 est aussi une révolution juridique. Contre l’arbitraire et pour la justice. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 affirme l’égalité devant la loi et confie aux élus de la nation la mission de définir, en public et après débat, les crimes et délits. Elle énonce les garanties accordées aux citoyens, telles la séparation des pouvoirs ou la présomption d’innocence, la soumission du pouvoir exécutif et de la police à l’intérêt général, ou encore celle des peines de prison à leur stricte nécessité.

Depuis plusieurs siècles, la concrétisation de ces principes faisait l’objet d’une constante bataille. En Angleterre, la Magna Carta (Grande Charte) avait introduit la notion d’égalité devant la loi en 1215, et en 1679 le Parlement anglais avait arraché au roi Charles II le principe d’habeas corpus, garant de la liberté individuelle dès lors qu’il interdit la détention arbitraire en imposant la présentation du prisonnier à un juge. Ainsi la lutte séculaire pour la « garantie des droits de l’homme » alterne progrès et retours en arrière, à la mesure des rapports de forces politiques, de l’intensité des mobilisations populaires. L’évolution du droit, celle des institutions et les mœurs publiques, les relations police-justice permettent de caractériser chaque époque. À cette aune, la période actuelle ne présente-t-elle pas toutes les caractéristiques d’une ère de régression ?

Le double mouvement des idées et des peuples favorise de significatives avancées au XIXe et au XXe siècle. En Europe, (…)

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