Dossier : L’exception comme règle
Le 6 janvier, le garde des sceaux Gérald Darmanin reprochait à certains avocats de « travailler non pas à l’innocence de leurs clients mais [à] emboliser la procédure judiciaire ». En réalité, depuis quelques années, ce sont plutôt les réformes de cette procédure qui tendent à compliquer la défense des personnes mises en cause par la police ou la justice.
Peter Martensen. – « The Movement » (Le mouvement), 2003
© ADAGP, Paris, 2025 – Galerie Maria Lund, Paris
«L’État de droit, ça n’est pas intangible ni sacré », affirmait le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, le 28 septembre dernier. Son prédécesseur Place Beauvau, M. Gérald Darmanin, avait assumé d’expulser un ressortissant ouzbek soupçonné de radicalisation malgré une décision provisoire de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’y opposant. Le juge des référés du Conseil d’État avait ensuite, par une décision du 7 décembre 2023, enjoint au ministère de l’intérieur de prendre dans les meilleurs délais toutes mesures utiles permettant le retour de la personne ainsi expulsée. L’aspiration croissante de nos gouvernants au sécuritarisme affecte la perception du contrôle juridictionnel — parfois appréhendé comme un obstacle à l’efficacité. Les professionnels de la justice reçoivent aussi les coups de boutoir d’une classe politique avide de désigner à l’opinion des responsables après les faits divers les plus médiatiques, en particulier si des personnes récidivistes se trouvent impliquées. À entendre les expressions les plus caricaturales, la justice ferait preuve de laxisme, alors même que la surpopulation carcérale atteint des sommets.
L’avocat se situe au carrefour de ces courants violents. Il incarne le respect du contradictoire, qui peut, précisément, faire fléchir le juge. Dernier rempart, notamment compte tenu de ses missions contentieuses, il voit, par ricochet, son rôle affaibli. Cette remise en cause se traduit aussi bien par des modifications réglementaires et législatives que, plus généralement, par la manière dont les responsables politiques le perçoivent, aspirés par le glissement à l’extrême droite d’une partie de l’électorat et de l’opinion.
L’avocat occupe pourtant une place centrale dans l’œuvre judiciaire. Il a vocation à assurer aux mis en cause l’appui d’un professionnel de la justice exerçant, selon son serment, avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. Son intervention consacre le caractère équitable de la procédure, sans lequel une décision de (…)
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