Percée historique de la Coordination rurale, la FNSEA vacille


7 février 2025 à 15h56

Mis à jour le 7 février 2025 à 17h01

Durée de lecture : 4 minutes

C’en est fini de l’hégémonie. Les résultats des élections aux chambres d’agriculture, rendus les 6 et 7 février, sont sans appel. Pour la première fois, le duo ultra-majoritaire — composé de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et des Jeunes agriculteurs (JA) — chancelle. Et le fauteur de troubles a un nom : la Coordination rurale.

Baptisés les « bonnets jaunes », ses partisans ont signé une nette percée en Occitanie comme en Aquitaine, où la chambre girondine a été arrachée à six voix près. Au-delà des trois fiefs conquis en 2019 et conservés cette année, le syndicat aux valeurs compatibles avec celles de l’extrême droite confisque l’Indre-et-Loire, le Cher, la Dordogne, la Charente, la Charente-Maritime, la Gironde, les Ardennes, la Lozère, le Tarn, le Loir-et-Cher et le Gard à la FNSEAJA. Quatorze chambres donc, pour « une victoire historique », se réjouit l’heureux outsider.

De son côté, dans un mouchoir de poche, la Confédération paysanne s’empare de l’Ardèche. « Voilà des années que notre opposition est méprisée, parfois bousculée, a déclaré Aurélien Mourier, éleveur de chèvres laitières bientôt à la tête de la chambre. Les confédérés ont tenu bon, et ça a payé. » Le syndicat conserve par ailleurs Mayotte, où les élections ont été reportées après le passage du cyclone Chido en décembre 2024. Il échoue toutefois — à 79 voix près — à renverser le président sortant de la chambre ariégeoise.

« Même si c’est à petite échelle, on progresse, s’est félicitée Laurence Marandola, porte-parole du syndicat défenseur de la paysannerie. Nos scores ont fortement progressé dans une douzaine de départements, notamment dans les territoires d’Outre-mer, l’Auvergne-Rhône-Alpes et les Pyrénées. » Le syndicat pourra en outre siéger en Île-de-France et dans le Lot-et-Garonne : « On a obtenu la représentativité, en franchissant la barre des 10 % dans ces bastions de la FNSEA et de la Coordination rurale, poursuit-elle. Échapper à ces rouleaux compresseurs est une belle victoire. »

La FNSEA vacille

Pour le député écologiste Benoît Biteau, paysan en Charente-Maritime, ces résultats trahissent un désaveu limpide de la FNSEAJA : « Déconnecté du terrain, fossoyeur de la paysannerie, ce syndicat a trop tiré sur la corde d’un corporatisme, d’un modèle agricole libéral, productiviste et industriel, désastreux pour une profession pourtant déjà en extrême souffrance et détresse. »

Et le message n’a pas échappé à Arnaud Rousseau, patron du syndicat vacillant : « [Ce recul] nous oblige à la lucidité quant aux enseignements de ce scrutin, a-t-il déclaré en conférence de presse, le 6 février. Car ce soir, indéniablement, une colère s’est exprimée. […] Force est de constater que dans les territoires où les difficultés s’accumulent, des agriculteurs n’ont plus foi en l’avenir. » Le céréalier a toutefois revendiqué une « victoire […] sans aucun triomphalisme ».

« L’agenda ultralibéral construit par la FNSEA lui convient »

Cette brèche créée par les « bonnets jaunes » dans la suprématie de la FNSEAJA aura-t-elle une incidence positive ? Pas vraiment, aux yeux de Laurence Marandola : « La Coordination rurale a largement instrumentalisé la colère des paysans. Seulement, elle progresse sans aucune alternative ni proposition concrète. L’agenda ultralibéral construit par la FNSEA lui convient. Dans le fond, il n’y a pas de différence. »

L’Ariégeoise, éleveuse de lamas, craint toutefois un durcissement des relations dans certains départements : « Notamment dans le Gers, où le ton est très compliqué. Il est indispensable que les règles de fonctionnement des chambres soient respectées. » Encore méconnu il y a peu, le syndicat identitaire et anti-écologiste — né en 1991 d’une scission avec la FNSEA — s’est illustré au travers d’agissements parfois violents. L’un de ses boucs émissaires principaux est l’Office français de la biodiversité (OFB).

Une chose est sûre : en dépit de leurs modestes scores, hors de question pour les confédérés de tiédir leurs positions. Ni sur les accords de libre-échange, ni sur le productivisme, ni sur d’autres points. Y compris la pluralité : « Nous l’avons toujours réclamée. Alors maintenant que nous sommes aux manettes, nous ne pouvons pas faire fi des autres forces syndicales, assure Aurélien Mourier, futur président de la chambre ardéchoise, qui promet de démocratiser la gouvernance. Le débat ne nous fait pas peur. »

Le 7 février, à midi, aucune donnée concernant l’Aveyron, la Corse et la Guyane — que la Confédération paysanne assure avoir remportée — n’avait été officiellement publiée.

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