À peine plus de 5 %. Telle est la proportion des pays signataires de l’Accord de Paris sur le climat à avoir rendu leur copie à temps. Ils avaient jusqu’au 10 février pour publier leur nouveau plan de réduction des émissions, baptisé les « contributions déterminées au niveau national » dans le jargon des diplomates. Malheureusement, faute de caractère contraignant, seuls 10 des 195 signataires ont respecté cette échéance.
En signant le traité international parisien, lors de la COP21 en 2015, les États s’étaient engagés à soumettre tous les cinq ans une feuille de route détaillant leurs objectifs climatiques à l’horizon 2035. Une première série a ainsi été dévoilée en 2015. Une autre en 2020, la troisième étant attendue cette année. Si cette mise à jour tarde, la COP30 — prévue en novembre au Brésil — pourrait bien être chaotique.
Le pays de Lula da Silva a affiché l’ambition d’intensifier la lutte contre le changement climatique lors de ce grand raout. Objectif : que la Terre entre enfin dans les clous de l’Accord de Paris, autrement dit que la température mondiale soit maintenue à +1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels d’ici 2100. Seulement, tant que les nouveaux plans ne seront pas publiés, les gouvernements continueront de s’appuyer sur ceux établis il y a cinq ans. Or, d’après les Nations unies, ceux-ci nous mènent droit vers une hausse des températures de 2,6 à 2,8 °C d’ici la fin du siècle.
L’UE parmi les mauvais élèves
Parmi les dizaines de retardataires figurent notamment l’Union européenne (UE), le Japon, la Chine ou le Canada. Et chacun a son excuse : tantôt des difficultés techniques, tantôt des pressions économiques, tantôt des incertitudes diplomatiques. L’élection récente d’un républicain climatodénialiste à la tête des États-Unis a poussé les diplomates à temporiser. Certains estiment, dans les colonnes du Guardian, qu’il est désormais préférable de reporter la publication une fois la tempête Trump calmée.
Première émettrice mondiale, la Chine n’a pas communiqué la date à laquelle elle entend sortir du silence. « Son plan est extrêmement important à surveiller, mais elle montre rarement ses cartes en avance », déplore à Reporterre Gaïa Febvre, du Réseau Action Climat (RAC). Des sources officielles indiennes avancent, dans The Indian Express, une parution de sa feuille de route entre juin et décembre. Et celle-ci devrait refléter « la déception suscitée par […] la COP29 à Bakou [en Azerbaïdjan] » et son accord « néocolonialiste ». Traduction : l’Inde ne se foulera pas.
83 % des émissions sont dus
aux pays retardataires
Du côté de l’Union européenne, on justifie le non-respect de la deadline par la lenteur des processus d’approbation. « L’UE doit accélérer la cadence pour ne pas arriver les mains vides à Belém [à la COP30] », insiste Caroline François-Marsal, chargée des questions européennes au RAC. Qui regrette que ce dossier soit en attente depuis plus d’un an : « Alors que les attaques contre l’environnement s’intensifient de toutes parts, l’Europe doit tenir bon et constituer un rempart solide sur le climat en redevenant un pays moteur des négociations. »
Au total, d’après une analyse du média spécialisé Carbon Brief, les pays retardataires sont à l’origine de 83 % des émissions planétaires et pèsent pour près de 80 % de l’économie mondiale. Pas de quoi troubler le secrétaire exécutif de l’ONU pour le climat, Simon Stiell : « D’après les conversations que j’ai eues avec les pays, les gouvernements prennent cela très au sérieux, a-t-il déclaré le 6 février. Il est donc raisonnable de prendre un peu plus de temps pour s’assurer que ces plans soient de première qualité […] Au plus tard, l’équipe du secrétariat doit les avoir reçus d’ici septembre. » Il faut dire que l’ONU s’y est habituée : en 2020 déjà, seuls cinq États avaient tenu l’échéance de février.
Le travail de Biden balayé par Trump
Reste à savoir qui a rendu sa copie à l’heure. Du côté du G7, le Royaume-Uni a soumis son nouveau plan… tout comme les États-Unis. Baroud d’honneur climatique de Joe Biden, le texte dévoilé par le démocrate juste avant de quitter ses fonctions est désormais purement symbolique. Si les États du pays peuvent s’en inspirer pour leurs politiques locales, Donald Trump a lui déjà amorcé le processus de sortie de l’Accord de Paris à l’échelle fédérale.
Ont aussi rendu leur plan : le Brésil, les Émirats arabes unis, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, l’Uruguay, Andorre, l’Équateur et Sainte-Lucie. Malheureusement, même dans ce lot, des pays sont réfractaires à se conformer à l’Accord de Paris.
Dans une étude menée par le projet scientifique indépendant Climate Action Tracker, les propositions brésiliennes, émiraties, étasuniennes et suisses sont jugées « non compatibles » avec la trajectoire de +1,5 °C. Celles de la Nouvelle-Zélande n’ont pas encore été analysées, mais Carbon Brief précise qu’un expert climatique du pays les a décrites comme « incroyablement peu ambitieuses ». Des projections bien tracassantes à neuf mois de la COP30.
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