Les négociations de paix entre Kiev et Moscou se précisent de plus en plus. Le président américain Donald Trump a révélé en fin de semaine dernière s’être plusieurs fois entretenu avec son homologue russe, Vladimir Poutine, avec qui il entretient de “bonnes relations”. La position du locataire de la Maison-Blanche contraste de plus en plus avec celle de Bruxelles en général, et de Paris en particulier, qui vient de livrer les premiers avions de combat Mirage 2000-5 à l’Ukraine. Un cessez-le-feu en Ukraine pourrait porter un sérieux coup à la crédibilité de l’UE, dont le leadership pourrait reculer au second plan face aux initiatives de Washington.
Avec la menace d’une suspension de l’aide américaine et l’avancée des troupes russes sur le front, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui s’est longtemps montré opposé à tout compromis durant le mandat de Biden et ses dizaines de milliards de dollars d’aides, revoit peu à peu sa position ces derniers mois. Il a même accepté l’idée de négocier directement avec Vladimir Poutine avec “des garanties et des conditions claires”, « si c’est la seule configuration dans laquelle nous pouvons apporter la paix aux citoyens de l’Ukraine et ne plus perdre de gens ».
L’UE et la France poursuivent leurs “efforts de guerre”
Le Kremlin a jugé « vides de sens » les déclarations du président ukrainien concernant des négociations directes. « Malgré tout, nous restons ouverts aux négociations », a ajouté le porte-parole Dmitri Peskov, jugeant que « la réalité sur le terrain » devrait convaincre Kiev de « faire preuve d’ouverture et d’intérêt pour de telles négociations ». Moscou ne considère pas non plus Zelensky légitime pour mener de telles discussions après la fin de son mandat en 2024. Washington est de son côté favorable à des élections une fois un cessez-le-feu conclu et le président ukrainien s’est dit tout aussi ouvert.
Lors d’un entretien avec Reuters la semaine dernière, il déclarait : “Si nous parlons d’un “deal”, alors faisons un “deal”, nous sommes là uniquement pour ça. Nous devons arrêter Poutine et protéger ce que nous avons : une très riche région de Dnipro, l’Ukraine centrale ».
Un revirement de situation qui en dit long. Le retour de Donald Trump à la présidence, ses initiatives et le risque de voir Washington réduire ou suspendre ses aides a pesé lourd, en l’espace de quelques semaines, au moment où les États européens multiplient leurs soutiens pour la poursuite de la guerre.
Le 10 janvier dernier, la Commission européenne a versé une première tranche de 3 milliards d’euros d’un prêt qui s’élèvera à 18,1 milliards d’euros en 2025. De son côté, le Royaume-Uni a signé avec l’Ukraine un accord prévoyant une coopération de 100 ans en matière de défense et de sécurité maritime.
Jeudi dernier, dans le sillage de l’approche européenne et à contre-courant des initiatives américaines pour la paix, la France a livré ses premiers avions de combat Mirage 2000-5, cédant aux appels incessants de l’Ukraine. Sur les 26 exemplaires de Mirage 2000-5 dont dispose l’armée de l’Air, six avions doivent être cédés à l’Ukraine selon un rapport budgétaire de l’Assemblée nationale publié à l’automne. Le ministre de la Défense Sébastien Lecornu n’a pas confirmé ce chiffre mais des voix se sont déjà levées pour alerter contre une dégradation de la capacité aérienne française ou surtout, sur le risque d’une escalade d’un conflit qui “n’est pas celui de Paris”.
Si les États-Unis continuent d’honorer les livraisons engagées en 2024 sous Joe Biden, la nouvelle administration n’a pas encore annoncé une poursuite ou une aide. Donald Trump communique essentiellement sur les négociations de paix.
Poutine “veut que les gens arrêtent de mourir”
Dans un entretien au New York Post, le président américain a révélé avoir eu un appel téléphonique avec Vladimir Poutine pour discuter des efforts visant à mettre fin au conflit ukrainien. « Il veut que les gens arrêtent de mourir”, a affirmé Donald Trump.
« Commençons ces réunions. Ils veulent se rencontrer. Chaque jour, des gens meurent. De jeunes et beaux soldats sont tués. Des jeunes hommes, comme mes fils. Dans les deux camps, partout sur le champ de bataille », a-t-il expliqué.
Cet appel téléphonique n’était pas le seul. Combien les deux présidents en ont eu ? « Je ferais mieux de ne pas le dire », répond le locataire de la Maison Blanche, qui a souligné les “bonnes relations” pendant ces entretiens.
Dmitri Peskov a déclaré qu’il ne pouvait “ni confirmer ni infirmer” ces déclarations, puisque ces entretiens “passent par différents canaux”. « Au fur et à mesure que l’administration à Washington développe son travail, de nombreuses communications différentes se produisent et personnellement, je peux ne pas savoir quelque chose, ne pas être au courant de quelque chose », a-t-il détaillé à l’agence TASS.
Une discussion avec Volodymyr Zelensky est également attendue cette semaine, annonce-t-on dans la presse.
Bien que les approches diplomatiques divergent, avec une Europe vraisemblablement inflexible sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine qui se positionne, selon certains, dans l’après-guerre, et une Amérique qui privilégie le dialogue direct avec plus de flexibilité, même si le plan du président américain n’est pas dévoilé, un cessez-le-feu obtenu par Washington pourrait constituer une déroute de l’influence européenne.
Cela pourrait en outre accentuer les divisions transatlantiques sur la manière de gérer les relations avec la Russie et renforcer le rôle des États-Unis comme principal acteur sur le territoire européen, dans un contexte déjà tendu entre les deux parties, marqué par une probable guerre commerciale.