un fort classé transformé en village olympique ?


Combien va coûter la transformation du fort des Têtes de Briançon en village olympique ? C’est la question que se posent beaucoup d’habitantes et d’habitants de la sous-préfecture des Hautes-Alpes, qui doit accueillir les Jeux d’hiver en 2030. Ceci, alors que le comité d’organisation des jeux vient seulement de trouver son président, en la personne Edgar Grospiron, ex-champion de ski acrobatique, après des semaines de tergiversations.

La ville voudrait construire un village olympique afin d’y loger 1 200 athlètes. « C’est une opportunité, une des plus belles que notre ville ait connues ces dix dernières années », déclarait le maire, Arnaud Murgia (divers droite), en avril 2024. Pour ce faire, elle a choisi un site emblématique : le fort des Têtes, un ouvrage militaire de 15 000 m2 inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, perché à 1 440 mètres, sur les hauteurs de la cité.

La mairie a commandé des études de faisabilité à l’architecte en chef des Monuments historiques Gabor Mester de Parajd. Celui-ci avait déjà été mandaté en 2017 pour transformer le fort des Têtes en hôtel de luxe et restaurant gastronomique. Un projet abandonné après la mise en examen du promoteur immobilier pour escroquerie et abus de confiance.

Un rapport toujours pas rendu public

Gabor Mester de Parajd s’est-il servi de ce travail pour l’étude olympique ? Contacté par Reporterre, l’architecte n’a pas donné suite. Quoi qu’il en soit, la municipalité a déjà déboursé 155 000 euros pour cette nouvelle étude. Avec quel résultat ? Mystère. Le rapport remis en novembre n’a pas encore été rendu public, empêchant de connaître les détails du projet.

Une omerta qui irrite les opposants aux JO. Durant la séance du conseil municipal du 12 février, Francine Daerden, conseillère d’opposition (Briançon citoyenne), a confronté le maire : « Je me fais la porte-parole de certains Briançonnais qui s’étonnent que les études rendues par l’architecte sur le fort des Têtes ne soient pas encore divulguées. »

« On ne donne aucun élément à la population pour qu’elle ne puisse pas donner son avis »

Cette déclaration a agacé le maire, qui a coupé la parole de la conseillère afin d’assurer qu’il n’y avait rien de « secret » dans l’affaire. « Nous avons mené ces études de programmation, qui ont montré que c’était tout à fait possible de faire un village olympique dans le fort des Têtes. Cette étude a été remise entre les mains de la Solideo [1] et nécessite des arbitrages. (…) À partir du moment où ces arbitrages seront faits, j’expliquerai dans le détail la totalité du projet. (…) Mais cela ne sert à rien de donner publiquement des chiffres qui ne sont pas fiabilisés, ou qui entretiendraient des polémiques stériles », a expliqué le maire lors du conseil municipal (à partir de 21 minutes sur la vidéo).


Les opposants au projet du fort des Têtes proposent des alternatives, avec un coût moindre, comme la location d’un Club Med situé au pied des pistes des Jeux olympiques.
Wikimedia Commons / CC BY 3.0 / Silver

« On ne donne aucun élément à la population pour qu’elle ne puisse pas donner son avis », dénonce Stéphane Faure-Brac, membre du collectif Les Escartons autrement. De fait, le débat autour des JO 2030 est très sensible dans la vallée. En janvier, une association n’avait pas obtenu de salle pour organiser une réunion publique sur le sujet.

Contacté par Reporterre, un guide-conférencier qui organise des visites au fort durant l’été refuse de témoigner sans l’aval de la mairie. Cette dernière n’a pas répondu à nos questions, nous renvoyant vers le comité d’organisation des JO, dont l’assemblée constitutive n’était prévue que le mardi 18 février.

La facture pourrait atteindre 100 millions d’euros

Face au manque d’information, les militants tentent de faire leurs propres calculs. « À l’époque du projet d’hôtel, on parlait de 65 millions d’euros pour rénover le fort. Sachant qu’aujourd’hui il y a deux projets : celui du village olympique et ensuite celui pour le transformer en logements et commerces », poursuit Stéphane Faure-Brac.

Le chantier s’annonce colossal. Il faudra d’abord refaire la petite route d’accès qui, aujourd’hui, laisse à peine deux véhicules se croiser. Le projet prévoit également de construire un ascenseur valléen au départ du parc de la Schappe, en bas de la ville, et de refaire les réseaux d’électricité et d’eau. Au total, selon les opposants, la facture pourrait atteindre 100 millions d’euros.

Ces derniers avaient proposé d’autres alternatives au fort des Têtes, comme la location du Club Med de Villeneuve-la-Salle situé à 500 mètres des pistes où vont se dérouler les épreuves olympiques. Un établissement qui vient d’être rénové, avec une capacité d’accueil de 7 300 lits.


La transformation du fort des Têtes en village olympique nécessiterait d’énormes travaux sur la route d’accès.
Wikimedia Commons / CC BYSA 3.0 / Benj05

Cette option coûterait environ 20 millions d’euros, mais n’a pas convaincu Arnaud Murgia. « Je crois que ces 20 millions d’euros seront mieux investis dans la réhabilitation d’un fort », a déclaré le maire au site d’actualité Mes Infos.

« Vingt millions d’euros, c’est au moins cinq fois moins que l’aménagement du fort des Têtes et de ses accès. Sans compter une foule de nuisances en moins pour les habitants du Briançonnais à cause des travaux, qui s’étaleraient à minima jusqu’à 2029 », rétorque Stéphane Faure-Brac.

Cinq villages olympiques prévus dans les Alpes

Briançon n’est pas le seul site qui va accueillir un nouveau village olympique. Selon les documents du Comité international olympique, cinq autres infrastructures sont prévues pour loger les sportifs.

En Haute-Savoie, c’est le complexe hôtelier du Chinaillon qui a été désigné. En Savoie, un nouveau village olympique et un ascenseur valléen seront construits à Bozel, près de Courchevel. Un autre complexe hôtelier qui a déjà fait office de village olympique en 1992 va être réutilisé en Savoie. Enfin, à Nice, un cinquième village olympique de 1 500 lits est prévu.

Reste à savoir ce que deviendront toutes ces infrastructures après les Jeux. À Briançon, le maire a assuré que le village serait reconverti en logements pour les saisonniers et les primo-accédants. Une promesse qui laisse Stéphane Faure-Brac dubitatif : « Vu le montant des travaux, les promoteurs vont devoir vendre à des gens qui ont de l’argent et qui pourront défiscaliser leur achat car il s’agit d’un monument historique ».

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