Même si l’on ne saurait méconnaître que durant 60 ans, de 1958 à 2017 (première élection de Macron comprise), le scrutin majoritaire a parfaitement répondu à sa caractéristique : permettre la formation d’une majorité cohérente de soutien à un gouvernement pendant toute la durée d’une législature, il n’en demeure pas moins que la conjoncture politique issue des urnes de 2022, aggravée en 2024, c’est-à- dire l’absence de majorité parlementaire, est loin d’effrayer des groupes politiques plus soucieux de jeux partisans et de combines politiciennes que du service de l’intérêt national.
Avec la représentation proportionnelle, les partis choisissant pour ainsi dire les députés, les grands chefs et leurs sous-chefs sont assurés de siéger aussi longtemps qu’ils le souhaitent sur les bancs du Palais Bourbon. La représentation proportionnelle, quelle qu’en soit la dose dans le mode de votation, c’est le régime des partis, encore appelé régime d’Assemblée. Et c’est surtout le régime de la pagaille, les Françaises et les Français l’ont sous les yeux ! Dans le débat politique, il est souvent fait référence à la IVe République. Point n’est besoin de se reporter aux livres d’Histoire, et aux années 1946 à 1958, nous l’avons en représentation …
Si De Gaulle a toujours été favorable au scrutin majoritaire – de 1947 à 1970, son opinion n’a pas varié d’un pouce sur ce sujet – il ne nourrissait pourtant pas d’illusions. Pour preuve, ces propos tenus aux journalistes, dans une conférence de presse, le 16 mars 1950 : « Je crois, en effet, à l’importance du mode de scrutin. Mais, à mon sens, cette importance est tout à fait secondaire par rapport à celle du régime. Nous avons expérimenté, nous Français, tous les systèmes électoraux possibles et aucun n’a jamais pu compenser la malfaisance du régime des partis ».
Cette malfaisance qui n’est que trop évidente aujourd’hui, alors que nous connaissons à nouveau « ces temps affreux où l’impuissance de l’Etat menait la France à cette situation si bien décrite par Tacite où la cité ne supporte ni ses maux, ni leurs remèdes ». Je cite ici Michel Debré et son opuscule « Sur le gaullisme », daté de 1967.
Ce retour au régime des partis, le général de Gaulle le pressentait déjà dans ses « Mémoires d’espoir » : « Une certaine façon d’interpréter les textes, d’habiles détours du juridisme, quelques révisions opérées par la voie parlementaire les remettraient (les partis) sans secousse en complète possession de la République ». Pour l’instant, il ne manque que les révisions adoptées par le Congrès du Parlement à Versailles. Et, s’agissant de la proportionnelle, il n’est nul besoin d’une révision constitutionnelle. Une loi ordinaire pourrait être proposée au vote de l’Assemblée nationale, apportant une authentique assurance-vie à des députés qui n’auraient plus à craindre les foucades du suffrage universel
Quand on sait à quel point l’actuel locataire de l’Hôtel de Matignon est attaché à ce mode de scrutin, il suffit d’un peu de patience pour voir arriver à l’ordre du jour du Parlement le projet de loi qui perpétuera « la triste parade de notre foire politique », au détriment de l’image de la France et de l’intérêt de la nation. Même s’il appartient au peuple français, et à lui seul, de définir la règle du jeu, parce que « c’est un principe de base de la Ve République (…) que le peuple français doit trancher lui-même dans ce qui est essentiel à son destin » (Ch. de Gaulle, « Mémoires d’espoir »).