à quand la fin de la fourrure ?


Le 1er février 2025, la Norvège a mis un terme à l’élevage d’animaux pour la vente de leur fourrure. Au-delà de cette excellente nouvelle, qu’en est-il de cette industrie à plus grande échelle ? Les associations et ONG multiplient les combats pour faire évoluer les mentalités et tenter de convaincre le monde de la mode que la fourrure appartient au passé.

L’industrie de la fourrure est source de souffrances multiples, en plus d’être une bombe sanitaire à retardement. Retour sur le déploiement de cette industrie mortifère et non-nécessaire.

Une vie et une mort dans la souffrance pour des millions d’animaux, victimes de leur beauté ©Wikipedia

De l’habillement nécessaire à la dérive consumériste

Le port de fourrure animale est aussi vieux que l’humain est devenu Sapiens : l’évolution a fait qu’une fois dépourvu de poils, l’humain n’a eu d’autre choix, pour faire face aux températures les plus extrêmes, que de se vêtir de la peaux des animaux (cuir comme fourrure). S’il est difficile de dater exactement l’apparition des premiers textiles en fibre végétale, il apparaît que le travail des fibres de lin ou de coton a permis, il y a environ 34 000 ans, de confectionner les premiers vêtements d’origine non-animale.

En parallèle, la soie, le cuir ou la laine ont continué d’être travaillés. Les matières artificielles extraites des végétaux, comme la cellulose ou la viscose, sont apparues au XIXème siècle. Enfin, le XXème siècle verra l’apparition de matières synthétiques comme le polyester, l’acrylique ou l’élasthanne.

Dès lors, l’usage de textiles d’origine animale va perdre sa nécessité. Fourrures, peaux et cuirs persistent pour leur esthétique, leur confort ou encore leur solidité : des caractéristiques qui existent également chez les matières synthétiques, d’autant plus avec les innovations et progrès actuels qui permettent la fabrication de vêtements techniques très performants.

Le chien viverin est l’un des animaux les plus tués pour sa fourrure ©Wikipedia

Aujourd’hui, le port de fourrure n’est plus qu’une question de mode et donc, de superflu. ll est également associé à un « signe extérieur de richesse » : la vraie fourrure est un apparat généralement réservé aux plus privilégiés, qui l’étalent de la même manière qu’une voiture de luxe ou des bijoux de grande valeur.

C’est encore plus le cas avec les peaux exotiques (alligator, serpent, autruches…), utilisées en maroquinerie de luxe. Porter une étole ou un manteau réalisé à partir de fourrures animales est synonyme de réussite sociale, et de la capacité à se payer des vêtements inaccessibles aux classes populaires. Confort et chaleur pouvant désormais s’apprécier sur des vêtements sans matière animale, la fourrure n’est donc plus qu’une coquetterie bourgeoise.

A contrario, les gros manteaux de fourrure ayant quasiment disparu au fil des décennies, le pelage animal se retrouve de plus en plus sur des produits accessibles à tous, et nettement moins visibles. En effet, il peut arriver de se retrouver avec un col en fourrure animale sur un vêtement dont l’étiquette mentionne une « fourrure synthétique », trompant ainsi le consommateur et démontrant au passage qu’un col en fausse fourrure ferait exactement le même effet. Une duperie qui ne fait que mettre le doigt sur le pire de l’exploitation animale : il peut désormais être moins cher d’utiliser de la fourrure de lapin ou de chien viverin que des poils synthétiques ! Cette logique économique en dit long sur les conditions de vie des animaux concernés.

Photo de Markus Spiske sur Unsplash

L’industrie de la fourrure, source de souffrance pour l’animal et de danger pour l’humain

L’industrie de la fourrure animale (hors laine, cuir et peaux exotiques) touche certaines espèces spécifiques comme le lapin, le chien viverin, le renard, le vison, le castor ou encore le raton-laveur. Des espèces sauvages sont également touchées, comme les coyotes, les ours ou les phoques, victimes de piégeage et de braconnage.

Les conditions de vie des animaux élevés pour leur fourrure sont dignes des pires élevages à viande : enfermés dans des cages exigües, n’ayant pas accès à la vie extérieure, vivant sur des grillages et dans leurs propres excréments, les animaux évoluent dans un environnement qui va à l’encontre totale de leurs besoins les plus fondamentaux. Face à ces conditions, certains développent des troubles du comportement, s’auto-mutilent et vont parfois jusqu’à s’agresser voire se manger entre eux.

– Pour une information libre ! –Soutenir Mr Japanization sur Tipeee

Ces êtres sensibles naissent, vivent et meurent dans des conditions épouvantables, traités comme une simple matière première et ce, quel que soit le pays concerné. En effet, les élevages finlandais ou danois, les plus réputés en matière de fourrure, ne valent guère mieux que ceux issus de Chine ou d’autres pays d’Asie, souvent pointés du doigt pour leurs atrocités. Avant que la France ne mette fin à l’exploitation d’animaux sauvages pour leur fourrure (n’épargnant ainsi pas les lapins Orylag, considérés comme domestiques), L214 avait révélé que notre pays aussi faisait vivre l’enfer à ses animaux :

Au-delà des conditions de vie et d’abattage épouvantables, l’entassement d’animaux dans un environnement clos favorise l’apparition de zoonoses. Il n’est pas si lointain, ce souvenir du COVID 19 : des millions d’animaux avaient été abattus dans la précipitation au Danemark ou aux Pays-Bas au plus fort de la pandémie, face à la prolifération du virus parmi les animaux. La peur d’alors résidait dans le fait de voir apparaître une nouvelle variante du virus, transmissible à l’humain et résistante aux vaccins.

La pandémie a servi de rappel à l’ordre aux industriels de la fourrure, au détriment de la vie de millions d’innocents. Le COVID a remis sur la table le fait que l’enfermement d’animaux sauvages ou domestiques dans des conditions exigües favorisait le développement, voire l’apparition, de virus – un fait qui était pourtant relayé de longue date par les associations de protection animale et la communauté scientifique. Un électrochoc tardif, qui aura eu comme effet positif d’accélérer la fin des élevages dans certains pays européens.

Il aura donc fallu que la santé humaine soit en danger pour que l’on se penche enfin sur l’industrie de la fourrure… Anthropocentrisme, quand tu nous tiens !

Elevés dans des conditions déplorables, les animaux sont victimes de blessures non soignées ©Wikipedia

Rencontre avec le collectif SIPE : pour un avenir sans fourrure

Récemment, Mr Mondialisation a partagé sur ses réseaux les vidéos du collectif parisien SIPE (Stop à l’Impunité des Professionnels de l’Élevage) qui organise régulièrement des actions devant des boutiques de la capitale. Créé en 2021, SIPE a pour objectif d’obtenir des victoires à court terme, avec des retombées tangibles sur le sort des animaux.

« Nous avons commencé nos campagnes anti-fourrure en 2022, explique Max, membre du collectif, notamment suite aux campagnes de CAFT USA. Nous avons alors suivi les cibles désignées à l’international, telles que LVMH ou Max Mara. »

Le collectif a également pris l’habitude de manifester devant les Galeries Lafayette, d’abord de manière assez vigoureuse : « Au début, nous voulions déranger le magasin en faisant beaucoup de bruit, mais nous avons compris que ce n’était pas le meilleur moyen de nous faire entendre car les retours étaient négatifs même de la part de personnes anti-fourrure. Alors, nous avons changé de méthode. Nous sommes désormais dans le discours et dans l’échange, et avons constaté que les réactions des passants sont bien plus positives. La plupart des gens comprennent et savent que la fourrure, c’est tout simplement non nécessaire. »

Le collectif SIPE a participé à la fin de la fourrure chez Max Mara ©SIPE

Si Arthur Lemoine, directeur des Achats et des offres au sein des Galeries Lafayette, a déclaré en 2024 que le magasin n’avait pas prévu de bannir la fourrure, SIPE a tout de même obtenu quelques victoires significatives : « L’offre de fourrure a nettement réduit dans le magasin physique, souligne Max. Et une marque comme Max Mara, qui trompait le consommateur avec des fausses fourrures en réalité vraies, a tout simplement disparu des Galeries Lafayette. »

Si l’industrie de la fourrure est en déclin, SIPE continue d’être présent sur le front et de rappeler qu’il existe encore de nombreux freins à sa disparition. En 2024, la tendance mob wife aesthetic – qui s’inspire des femmes des films de mafia classiques des années 80 et 90 – a fait revenir la fourrure sur le devant de la scène, vraie comme fausse.

« Le problème, c’est que la fausse fourrure tend à encourager l’usage de la vraie. De plus, ce type de tendances rappelle que l’industrie de la fourrure fait tout pour rajeunir son image. Si les jeunes générations sont plus ouvertes à la question de l’environnement et de la protection animale, le fait est que les vidéos TikTok mettant en valeur la fourrure ont également un impact sur elles. »

Le principal frein contre l’arrêt de la fourrure reste les entreprises qui font vivre cette industrie. Première en cause, LVMH qui, à travers ses multiples marques, entretient cette tendance mortifère. « Pour tenter de faire plier ce mastodonte qu’est LVMH, nous ciblons d’abord ses marques les plus faibles, ou celles qui proposent le moins de fourrure, précise Max. Des marques comme Marc Jacobs, Céline ou Patou se sont récemment engagées à abolir la fourrure. A contrario, Fendi et Louis Vuitton sont les pires, et les plus résistantes. Ce sont nos cibles ultimes… »

Le collectif SIPE se mobilise régulièrement pour sensibiliser enseignes comme passants ©SIPE

En effet, tant que ces géants de la mode comme LVMH n’auront pas banni la fourrure de leur collection, une proposition de loi semble utopique : le poids de ces groupes dans les décisions politiques est plus fort que celui de l’opinion publique.

Reste-t-il alors un espoir de voir enfin l’industrie terrible de la fourrure disparaître, et plus globalement, celle des animaux au service de la mode ?

« Nous avançons combat après combat, raisonne Max. Actuellement, celui de la fourrure est le plus accessible car l’industrie est en déclin, mais il est loin d’être gagné. Celui sur le cuir exotique, par exemple, est plus complexe et difficile d’accès. Nous ne l’oublions pas pour autant. »

En effet, si le combat contre la fourrure commence à porter ses fruits, il ne faut pas oublier les autres victimes de la mode : animaux à écailles ou à plumes souffrent tout autant du capitalisme actuel, au nom du superflu et du profit.

– Renard Polaire


Source image d’en-tête : ©Pixabay

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