Comment évaluer l’impact environnemental des autoroutes ou des mégabassines ?
De nombreux aménagements font l’objet de contestation faute de débats sereins sur leurs avantages comme sur leurs inconvénients. La démocratie gagnerait à une évaluation contradictoire et argumentée de leurs impacts, des précautions ou des renoncements nécessaires. C’est le rôle des autorités environnementales, à l’échelle locale ou nationale. Mais leurs avis non contraignants restent le plus souvent ignorés.
Tiger Tateishi. – « Fuji Hi-Way » (Autoroute Fuji), 1992
© Tiger Tateishi – Anomaly Gallery, Tokyo
Que penser du projet d’autoroute A69 reliant Castres à Toulouse ? Après l’avoir étudié en détail et de manière indépendante des parties prenantes, le constat de l’Autorité environnementale dite « nationale » (AE) — présidée par un membre de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) — est sévère : « De façon générale, ce projet routier, initié il y a plusieurs décennies, apparaît anachronique au regard des enjeux et ambitions actuels de sobriété, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution de l’air, d’arrêt de l’érosion de la biodiversité et de l’artificialisation du territoire, et d’évolution des pratiques de mobilité et leurs liens avec l’aménagement du territoire. La justification de raisons impératives d’intérêt public majeur du projet au regard de ses incidences sur les milieux naturels apparaît limitée. » Dans un document d’une trentaine de pages, le collège d’experts pointe également la faiblesse de l’analyse socio-économique ou des prévisions de trafic de la société concessionnaire Atosca. Mais l’avis rendu le 6 octobre 2022 n’a pas fait autorité… Cinq mois plus tard, les préfets de la Haute-Garonne et du Tarn autorisaient le lancement des travaux.
Les lacunes relevées dans l’évaluation environnementale de ce projet se retrouvent dans la plupart des dossiers, selon M. Philippe Ledenvic, qui présida l’AE de 2014 à 2022. « L’autorisation donnée à certains projets donne une impression d’érosion de l’État de droit au détriment de la protection de l’environnement », expliquait-il devant une commission d’enquête parlementaire le 26 mars 2024. Depuis la loi de protection de la nature de 1976, tous les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement doivent pourtant faire l’objet d’une telle évaluation à la charge du maître d’ouvrage, qu’il soit public ou privé. La directive européenne « plans et programmes » de 2001 a étendu cette obligation aux documents de planification tels que les plans locaux d’urbanisme ou ceux de prévention (…)
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