Au printemps 2020, le premier confinement sanitaire fait partie des très rares sujets sur lesquels tout le monde exprime une opinion, souvent assez tranchée. Et qui s’appuie sur un horizon et des exemples limités : la gestion « totalitaire » chinoise, le « laxisme » suédois, les décisions erratiques de MM. Donald Trump aux États-Unis ou Jair Bolsonaro au Brésil. Au milieu, un flou marécageux dans lequel se dessinerait quelque chose comme un modèle mondial de gestion de la pandémie mélangeant avec plus ou moins de dureté une fermeture des frontières, des écoles, des commerces et des lieux de travail « non essentiels », une interdiction des rassemblements et des événements publics, et enfin une assignation à résidence avec contrôle policier.
Cinq ans plus tard, l’image a gagné en netteté. Face à une même situation de grande incertitude (« Nous devons prendre 100 % des décisions avec 50 % du savoir », disait à l’époque le premier ministre néerlandais), les gouvernements ont opté pour des politiques parfois très différentes. Ce constat soulève une question à la fois simple et essentielle : le choix d’un enfermement strict était-il inévitable ? Autrement dit, la dureté des mesures prises a-t-elle conduit à empêcher la progression mortelle du Covid-19, ou d’autres solutions, moins restrictives sur le plan des libertés publiques, ont-elles abouti à de meilleurs résultats ? Y répondre n’a pas pour objet de « refaire le match », mais d’inviter à réfléchir à ce que l’on fait quand on suspend l’État de droit, fût-ce au nom de politiques de protection sanitaire.
Quelques semaines après le début de la pandémie, de nombreuses équipes de chercheurs ont commencé à archiver et classer les politiques sanitaires, pour les publier sous forme de bases de données librement accessibles. Mais il faut, pour les analyser, lever un malentendu sur le terme même de « confinement » — en anglais, lockdown. Utilisé dans de nombreuses recherches, il désigne pêle-mêle la fermeture des écoles, celle des frontières, l’interdiction des rassemblements (…)
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Théo Boulakia &
Nicolas Mariot
Sociologues. Auteurs de L’Attestation. Une expérience d’obéissance de masse, printemps 2020, Anamosa, Paris, 2023.